Le mérite ou la grâce? (Matthieu 6,1-4)
2023-07-19
Le Sermon sur la montagne se poursuit. Dès ces premiers versets, un terme clé surgit: récompense (ou salaire, c’est le même mot en grec). Lisons-le sur le fond de l’ensemble de l’évangile. En Mt 20,8 ss, le salaire versé aux ouvriers de la onzième heure subvertit la logique de rétribution. Avec le pardon, cette logique est au contraire poussée à l’extrême: si vous ne pardonnez pas, Dieu ne vous pardonnera pas non plus (Mt 6,14; le débiteur impitoyable: Mt 18,23 ss). Or, cette idée de donnant-donnant n’est-elle pas sous-jacente à notre respect du «devoir» religieux ou moral? N’imprègne-t-elle pas notre vision de Dieu? C’est bien pour cela qu’en renversant ou en radicalisant cette représentation, le rédacteur matthéen met en question l’image d’un Dieu qui fonctionnerait au mérite. Il en fait ressortir les effets pervers et invite ainsi à y renoncer pour accueillir au contraire la surabondance divine. Nos «bonnes actions» devraient d’ailleurs avoir pour seul but de pointer vers Dieu (Mt 5,16). C’est en effet dans la démesure de l’amour divin que se fonde le mouvement de don – et de pardon. Laissons donc de la place pour que la dynamique divine puisse œuvrer en nous «dans le secret»: c’est-à-dire au plus profond de nous-mêmes et parfois sans effet grandiose à nos yeux ni à ceux d’autrui.
Anne Sandoz Dutoit
Prière:
Dieu de tendresse, délivre-nous du souci du mérite. Que notre manière de donner comme de recevoir soit simplement empreinte de ton amour.