De la foule à la portée (Matthieu 9,35-10,4)
2023-08-11
Il parcourt, enseigne, proclame et guérit. Pourtant, ce n'est pas lui qui se retrouve fatigué et abattu: Jésus est bouleversé. Comme si son énergie débordait de sa compassion dans un puits sans fond. Il est bouleversé, et ce bouleversement est d'autant plus grand que sa tâche est infinie. Dans le monologue Novecento*, on découvre l'histoire d'un pianiste qui a passé toute sa vie sur un bateau. Un jour, il tente de mettre pied à terre, mais finit par renoncer. Il explique son renoncement en disant qu'il pouvait jouer sur un piano de huitante-huit touches, mais que le monde hors du bateau était rempli de trop de pianos, avec des milliards de touches et "sur ce clavier-là, il n'y a aucune musique que tu puisses jouer. Tu n'es pas assis sur le bon tabouret: ce piano-là, c'est Dieu qui y joue." Je crois que ce rapport entre le fini et l'infini est finalement très proche du défi du maître de la moisson: les ouvriers sont peu nombreux et l'ampleur de la tâche pourrait les décourager. L'impression d'un tabouret toujours trop grand, d'un cri du monde toujours trop fort, d'une moisson trop abondante pour être à notre portée. Jésus, tout bouleversé qu'il est, y répond de manière tout aussi étrange que pragmatique: il place douze amis sur le tabouret et leur demande d'avoir au cœur le désir que d'autres montent sur le tabouret, comme si prendre la place que Dieu nous offre, c'est participer à son infini. *Alessandro Baricco, Novecento, Gallimard 2003, pp. 76-77
Etienne Guilloud
Prière:
Dieu de l'infini, merci de mettre ton amour à ma portée.
