« Sur nos monts quand le soleil », lorsqu’en ce 1er août, viendra le moment de chanter ces paroles du Cantique Suisse, nous penserons aux habitant·e·s de Blatten, village détruit par l’effondrement du glacier du Birch le 28 mai dernier.
La seule planète habitable, nous y vivons déjà : il n’y a pas d’être humain hors sol terrien. © Nicolas Lobos – unsplash
« Sur nos monts quand le soleil », lorsqu’en ce 1er août, viendra le moment de chanter ces paroles du Cantique Suisse, nous penserons aux habitant·e·s de Blatten, village détruit par l’effondrement du glacier du Birch le 28 mai dernier.
Dans cette catastrophe naturelle, les habitant·e·s de Blatten ont perdu, plus que leurs maisons, leurs biens, leurs cultures, leur vie de village ; mais aussi un paysage qui change au rythme des saisons, des sons familiers, des bruits, une rivière, des sommets, des couleurs et des nuances, des senteurs, une faune et une flore, toutes ces choses qui, sans que nous en soyons toujours conscient·e·s, façonnent nos personnes, nos caractères, nos mentalités, notre langage, notre vocabulaire et nos valeurs.
À cet égard, la volonté résolue affichée dès les premières heures qui ont suivi la calamité par les autorités et la population de vouloir reconstruire le village est légitime. Nous la saluons et appelons à la solidarité.
Cette détermination contraste avec le fantasme affiché sans complexe depuis plusieurs années par quelques grandes figures emblématiques de la Silicon Valley, de vouloir exfiltrer quelques élites sur la planète Mars pour y créer une colonie, petit reste de l’humanité. Dans le même temps, d’autres bâtissent des bunkers survivalistes réservés à de rares privilégié·e·s. Ces personnes promotrices solutionnistes qui estiment que l’effondrement du monde est inéluctable, se posent en Sauveurs et Sauveuses, non pas de l’humanité, mais de quelques individus seulement, triés sur le volet. Les mêmes poussent le cynisme à profiter par leurs activités économiques à augmenter leur fortune, quitte à essorer la biosphère et accélérer le cataclysme présagé.
Les villageois·e·s de Blatten sont animé·e·s par un tout autre esprit et ils nous rappellent avec courage qu’être humain·e c’est aussi être résolument terrien·ne. À un moment où d’autres n’ont en tête, que de quitter la terre et d’aller voir ailleurs, les habitant·e·s de Blatten affirment y tenir fermement.
Conjuguer à la fois l’humain et le terrien, c’est reconnaître l’indispensable échange qui se joue à chaque instant entre les êtres humains et le Vivant. Sans cet échange permanent et inouï, nous n’existerions pas. C’est cette conception de la vie que les auteurs du livre de la Genèse ont voulu affirmer en écrivant que l’être humain était venu au monde après avoir a été modelé à partir de la glèbe et de l’humus. Depuis, des astrophysicien·ne·s de renom ont confirmé cette intuition en proclamant que « l’être humain était poussière d’étoile ».
Nous ne sommes et serons vivant·e·s que par ces échanges permanents et insoupçonnés avec d’autres vivant·e·s et avec le monde qui nous entoure. Avec l’infiniment grand et l’infiniment petit. Avec l’eau de la rivière et les arbres de la forêt ; avec le lombric comme avec l’abeille. L’être humain biblique est un terrien ou il n’est pas, avec tout ce que cela implique de pesanteur et de jubilation. Tantôt modelé par le désert ou la montagne, tantôt par le lac ou l’océan, l’être humain terrien oscille entre gravité et exultation. Qu’aurait écrit Ramuz s’il avait vécu sur Mars ? Qu’auraient composé Bach, Mozart ou Sofia Goubaïdoulina dans le silence sidéral martien ? Qu’auraient peint Berthe Morisot, Matisse ou Picasso, si elle et ils avaient baigné dans la poussière monocolore de la planète rouge ?
Penser pouvoir échapper à son horizon terrestre, n’est-ce pas un projet qui condamne l’être humain à perdre son humanité ?
À l’opposé de ce délire mégalomane, nous croyons en un Dieu qui, un jour, a mis pied à terre pour se faire homme parmi les êtres humains.
Il n’y a pas d’être humain hors sol ! Merci aux habitant·e·s de Blatten de nous le rappeler en ces heures tragiques où ils et elles doivent faire face à une catastrophe qui aurait pu les en faire douter.
Bon 1er août à chacune et à chacun !
Certains disaient: «Que veut donc dire ce bavard ?» (Actes 17,16-34 "v.18")
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