Les ministres de la paroisse partagent leur prédication
Les ministres déposent régulièrement leurs prédications sur le site de la paroisse afin de permettre aux personnes qui le désirent de retrouver l’essentiel de la prédication du dimanche.
La prédication depuis le lutrin ou la chaire ne se réduit pas à la lecture d’un texte. En effet, le prédicateur prend toujours des libertés face à son texte écrit, parce qu’il a devant lui une assemblée avec laquelle il entre en interaction au fur et à mesure que se vit la prédication.
Nous vous souhaitons une agréable lecture et n'hésitez pas à prendre contact avec la prédicatrice ou le prédicateur du jour.
26 octobre 2025 | Olivier Rosselet
Priez les uns pour les autres (Jc 5,13-16)
Lecture : Nombres 27,1-7 ; Jean 17,9.11.13.20 ; Jacques 5,13-16
Proposition de la paroisse
Jana, Adjovi et moi-même avons chacune, chacun une expérience de prières après les cultes. Que ce soit lors d’une formation, d’une visite d’Eglise, ou d’expérience dans une ancienne paroisse. La prière à la fin des cultes permet aux personnes qui le désirent, de recevoir la prière. Pas besoin que ce soit long, ou que ce soit des sujet lourds ou difficiles. Simplement, n’importe qui à la sortie du culte peut s’approcher d’une personne du groupe de « prière après le culte » ou du ministre, et demander qu’on prie pour lui, pour elle. Deux personnes l’accompagneront dans un endroit discret, sur la galerie, à la sacristie ou la salle de paroisse selon les villages afin de prier pour elle. La personne pourra exprimer en quelques mots si elle le désire la raison de sa demande. Puis les deux personnes qui l’accompagnent prieront pour elle. Cela dure en général 5 à 10 minutes maximum. Bien sûr, tout ce qui se dira durant ce moment restera confidentiel et ne sortira pas des trois personnes rassemblées.
Jana, nouvellement arrivée dans notre paroisse, a proposé d’offrir cette opportunité à notre paroisse. Tout de suite, l’idée a plu à notre Conseil et ce matin, ceux qui le désirent, pourront demander la prière à l’issue du culte. Le projet est d’offrir la prière personnelle un dimanche sur deux, à partir d’aujourd’hui, sauf pendant les vacances scolaires.
Prière et onction
Vous l’avez entendu, la lettre de Jacques nous encourage à prier les uns pour les autres. Il est même parlé d’onction d’huile. Certains diront, pas de ça chez nous, ça fait catholique ou évangélique ! Non, c’est simplement biblique. Les premières communautés chrétiennes pratiquaient régulièrement l’onction d’huile. Lorsqu’on priait pour la guérison d’une personne malade, on versait quelques gouttes d’huile sur elle. Dans la paume de ses mains, sur son front ou sur l’endroit qui avait besoin de guérison.
Je vous rassure, pour ceux et celle que ça gênerait, pour le moment nous ne la pratiqueront pas. Mais si le demande devait devenir naturelle, rien n’empêche que nous puissions la proposer à l’avenir.
Je me rappelle, que dans ma précédente paroisse, il arrivait que nous restions en cercle dans le chœur après la sainte-cène. Certains paroissiens demandaient alors la prière en s’avançant d’un pas et deux personnes venaient prier pour elle avec des paroles simples comme : Dieu d’amour, s’il te plaît, réponds à la demande de (prénom), et bénis-le (la), Toi le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Amen. Le pasteur était également présent si l’onction d’huile était demandée, et cela se vivait tout naturellement.
La lettre de Jaques nous dit que cette prière sauve le malade, offre le pardon, la guérison, et remet debout. Je crois aussi qu’une prière reçue au sein de la communauté cimente celle-ci, resserre les liens, renouvelle la confiance, fortifie chacune et chacun. Pas besoin de faire partie du groupe de prière ou de demander la prière pour participer. Il est aussi possible de prier discrètement pour la personne qui s’avance, en silence, en restant où on est.
Il n’est pas question non plus de trembler, de pleurer, de s’évanouir. La prière n’a pas besoin de manifestation visibles pour agir fortement. Cependant, l’Esprit est libre d’agir comme il le désire, il est souverain.
Sortir des clous
En cherchant des récits bibliques avec des exemples de prières personnelles pour des gens, j’ai repensé à un récit proposé par « pain de ce jour » il y a quelques semaines. Il s’agit des filles de Selofad. Elles sont cinq : Mala, Noa, Hogla, Milka et Tirsa. Leur père est décédé alors que le peuple hébreu traversait le désert en direction de la terre promise. Ces 5 femmes s’approchent de Moïse et des notables et demandent de pouvoir hériter de leur père, bien que la loi ne le leur permette pas. Moïse accueille leur demande et la présente à Dieu, qui va leur accorder une terre.
J’aime cette histoire. Elle nous fait sortir des clous. Il n’est pas question de vie ou de mort, de maladie, ou encore de péchés. Simplement un texte de loi qui n’est pas correct, qui prend position, qui favorise l’un au dépend de l’autre, l’autre étant les femmes. Moïse aurait pu se reposer sur ce texte, et repousser ces 5 femmes. Mais non. Il prend au sérieux leur demande et la présente à Dieu.
Toute demande peut être présentée à Dieu, lui seul est juge. Lui seul décide, Il est souverain. N’ayons pas peur de demander à Dieu de nous aider, de nous accompagner, de nous libérer, de nous remettre debout. Bien sûr, on peut prier Dieu soi-même, dans sa chambre. On est Vaudois, on ne veut pas déranger, on ne veut pas se montrer, se mettre en avant. Les gens pourraient penser : Qui est-il, qui est-elle pour oser demander la prière ?
Non ! Avant d’être Vaudois, nous sommes des frères et des sœurs. Dieu nous appelle à nous soutenir les uns les autres, à prier les uns pour les autres. Demander la prière, ce n’est pas se faire grand et important, c’est se faire petit et s’attendre à Dieu en demandant l’aide de ses frères et sœurs en Christ. Cependant, ça demande du courage, oui, car ce n’est pas dans notre ADN de Vaudois.
Mala, Noa, Hogla, Milka et Tirsa ont également dû prendre leur courage à deux mains pour demander de modifier cette loi injuste. Elles auraient pu dire: à quoi bon! Et bien non, elles ont pris sur elles, et ont présenté leur demande ouvertement, devant tout le peuple, à Moïse, au prêtre et aux responsables. Que des hommes ! Et le Seigneur les a honorées.
Ce récit est un exemple parmi beaucoup d’autres dans l’Ancien Testament. Beaucoup de patriarches, de prophètes, d’homme de femme ont prié pour des personnes qui en avaient besoin. Par eux, Dieu a redonné la santé, voir même la vie. Chaque fois la prière ouvrait vers un avenir.
Le Christ intercède pour nous
Les Evangiles aussi sont truffés d’exemples où Jésus prie pour une personne pour la guérir, la libérer. Mais quasi systématiquement, Jésus leur demande ce qu’ils attendent : Que désires-tu, que veux-tu que je fasse pour toi, de quoi as-tu besoin ? Oui, Dieu attend des demandes précises de notre part.
Dans le texte entendu tout à l’heure, peu avant d’être arrêté par les Romain et d’être crucifié, Jésus a prié son Père en faveur de ses disciples. Garde-les par la force de ton nom[…] a dit Jésus. Qu’ils aient ma joie, une joie totale !
Avant de quitter ses disciples, Jésus les a remis dans la main du Père, en toute confiance.
Cela me rappelle, des récits de mon enfance, dans mon village, plutôt dans des familles darbystes, ou le grand-papa rassemblaient ses enfants et ses petits enfants autour du lit où il était couché, pour les bénir, avant de mourir. La bénédiction est aussi une prière. Une belle prière qui fait du bien, qui nourrit, qui transforme., qui renouvelle. N’hésitons pas à nous bénir les uns les autres. Là aussi, les Vaudois que nous sommes avons un peu de peine, ça fait bigot, ça fait mômier, et pourtant quel bien ça fait!
Aujourd’hui, Jésus continue de prier pour chacun de nous. Il l’a promis quand il a quitté ses disciples. « Je ne prie pas seulement pour mes disciples, a-t-il dit, Je prie aussi pour ceux qui croiront en moi ». Même si je ne demande pas la prière à l’issue du culte, cela n’empêchera pas que quelqu’un continue inlassablement de prier pour moi: Jésus. L’apôtre Paul le dit et d’autres avec lui : Jésus, assis à la droite du Père, intercède pour nous.
Et avec Jésus, nous sommes nombreux à intercéder jour après jour, les uns pour les autres. Nous nous portons et demandons à Dieu d’intervenir envers tel.le et tel.le, d’aider, de soulager, de consoler, de guérir. Nous sommes une belle communauté, soutenante et soutenue par la prière mutuelle.
19 octobre 2025 | Elio Jaillet
Chanter depuis le coeur des flammes ! (Daniel Grec 3,46-51)
Lectures : Daniel (version grecque) 3,46-51 ; 1 Pierre 2,18-21 ; Luc 10,17-10
Chanter
Par le chant, le corps entier devient un instrument de musique. On ne peut en effet réduire le chant à la bouche, ou la gorge. Ce serait comme de dire que le son du violon viendrait uniquement du son des cordes frottées par l’archet, ou que le son du piano viendrait de la corde frappée par le marteau. Non, c’est bien plus complexe. Dans les deux cas – et en fait pour n’importe quel instrument de musique – le son n’est rien sans le corps qui fait résonner la vibration, qui lui donne son volume, sa couleur, son caractère.
Par le chant tout mon corps devient un instrument: pas uniquement ma voix. De la plante de mes pieds, jusqu’au sommet de mon crâne, tout mon corps contribue au chant, générant une vibration dans laquelle le corps se met lui-même à baigner.
Chanter c’est ce double mouvement: en chantant, je fais vibrer l’instrument que je suis, c’est avoir l’initiative. Mais continuer à chanter c’est aussi se mettre à l’écoute de ce qui résonne en retour ou de ce qui résonne en même temps que moi. C’est la salle, le lieu dans lequel je me trouve, qui se met à vibrer avec moi lorsque j’élève la voix. C’est d’autres instruments de musique, c’est la voix des autres personnes qui chantent avec moi, qui se joignent à ma voix ou auxquelles moi-même je me suis jointe.
Lorsque je chante, quelque chose vient bien de moi. Mais je ne peux pas chanter sans écouter – et si je ne le fais pas intentionnellement, c’est bien l’ensemble de mon corps et de mon esprit, qui écoute cette vibration révélée et amplifiée.
Avec le chant c’est aussi toute mon âme, ma vie intérieure, qui se met à vibrer : par les forces des émotions mobilisées pour tel passage vigoureux, héroïque, ou plus mélancolique, empreint de tristesse – c’est aussi l’émotion qui s’anime en nous, parfois par surprise. Car la vibration reconnecte avec telle situation passée, telle image marquante. C’est aussi la connexion anticipée, avec des choses que je ne peux même pas encore soupçonner: c’est le rêve et l’espérance matérialisée dans le monde, et qui contribue à le faire accoucher de sa propre existence dans la gloire. Oui, le chant révèle cette puissance.
Alors il n’est pas étonnant que le chant prenne une place si importante dans la vie humaine – et singulièrement dans la foi chrétienne. L’histoire du christianisme (et avant lui du judaïsme) voit poindre en tout lieu et constamment le chant. Les textes sacrés doivent sans doute être d’abord chantés avant d’être lus!
Résister par le chant
Et si je prends le temps de vous parler autant de chant aujourd'hui, c’est aussi parce que dans le chant, il y a quelque chose de notre vie, tel qu’elle est préservée et gardée en Dieu – notre vie éternelle – qui jaillit dans le monde, qui en un certain sens nous devient sensible: la vie éternelle ce n’est plus uniquement une vue de l’esprit, une perspective abstraite – c’est quelque chose qui me prend par les tripes, qui traverse tout ce corps tout à fait matériel et concret ! Et qui nous traverse, lorsque nous faisons corps ensemble au travers du chant: chaque voix singulière unie dans un même bain de chant, transformant même le lieu le plus insolite en une scène, un théâtre pour la vie qui dépasse toute vie.
Alors attention, je ne veux pas idéaliser à tout va le chant – je ne veux pas dire qu’à chaque fois qu’il y a du chant, le Royaume des cieux éclate sur terre. Comme toute chose, le chant peut être corrompu, aliéné – utilisé pour des fins qui nient la plénitude qu’il donne à sentir. Avec le chant on galvanise des foules, on se crée des fidèles – et on peut faire beaucoup (!) d’argent.
Mais si j’en parle aujourd’hui, c’est que le chant est à la fois un lieu de témoignage et de ressourcement.
Au cœur du chaos, des puissances qui luttent pour leur survie, des autorités qui luttent pour avoir le pouvoir sur nous, sur nos corps et sur nos âmes, le chant offre une possibilité de résilience, à la fois douce, flexible et ferme.
Un bref détour historique: le gospel et avec lui toute une branche de la musique contemporaine, du rock au RNB, est née dans le labeur de l’esclavage. C’est un chant qui accompagne le travail: il permet de garder le rythme (comme les chants de marin, les fameux Sea Shanty) – et donc dans un premier temps, il paraît surtout utile à celles et ceux qui exploitent les esclaves. Finalement, ce chant les rend plus efficaces – plus fructueux. Mais l’évangile de la liberté et de la dignité s’est infiltré dans ce creuset. Et ce chant devient alors une ressource de premier plan pour une survie quotidienne, qui au fur et à mesure est devenu un levier de l’émancipation afro-américaine aux États-Unis.
Je mentionne le chant gospel, mais le chant des psaumes a joué un rôle analogue lors de la Réforme – et de manière générale toute la production hymnologique protestante du 16e siècle est un lieu d’apprentissage et de défense d’une foi réformée par la Parole de Dieu. Le fameux cantique, « C’est un rempart que notre Dieu » en offre un exemple parmi d’autres.
Un dernier exemple que je veux mentionner ici, le compositeur estonien, Arvo Pärt: c’est notamment en puisant aux ressources du chant grégorien et de la tradition orthodoxe, qu’il entre en résistance face à l’État totalitaire. Celui-ci ne tolère en effet la musique que parce qu’elle peut soutenir la diffusion de l’idéologie de l’État dans le peuple. La musique de Pärt a été alors un lieu d’affirmation de liberté – notamment parce qu’elle invite à une entrée dans l’intimité, un contact avec la lumière qui luit dans l’obscurité la plus profonde. Une provocation à l’encontre d’un État qui prétend prendre en charge toutes les parcelles de l’existence.
Jubiler en toute circonstances
Les textes que nous avons entendus tout à l’heure traitent de différentes manières de cette résistance de la foi à ce qui l’opprime.
Le texte de Daniel illustre la louange de Dieu au chœur des flammes: une image miraculeuse, mais qui montre l’espérance têtue qui s’affirme malgré une violence sans bornes – des flammes de 24 m. de hauts! Une espérance qui appelle l’ensemble de la création à la joindre dans le chant et la bénédiction rendue à Dieu.
Dans des situations d’asymétrie totale, comme celle entre le domestique et le maître, le texte de Pierre appelle à ne pas renoncer à notre vocation: refléter la présence glorieuse de Dieu dans le monde. Et dans ce cadre, non pas céder aux tentations de répondre au mal par le mal: mais demeurer dans le règne de l’amour inauguré par Christ.
En contrepoint, le texte de l’évangile selon Luc montre une foi efficace, victorieuse des forces du mal – une raison d’être en joie. Mais Jésus a ce rappel lucide: « Ne soyez pas joyeux parce que les esprits mauvais vous obéissent, mais soyez joyeux parce que Dieu a écrit votre nom dans les cieux! » (Lc 17,20) Comme une manière de conjurer le mal qui nait de la puissance que nous croyons avoir sur lui.
Ainsi, entrer dans cette résistance par le chant, c’est s’ouvrir à une forme puissante, mais douce de conversion, de transformation – la nôtre et celle du monde.
Nous sommes nous-mêmes des instruments de la gloire de Dieu dans le monde – non pas des outils ! Des guitares, des pianos, des percussions, des voix. Et voici la promesse : que notre propre musique vienne nourrir le chant de la joie et de la vie, qui cherche à s’écouler en toute chose, en nous et – par nous – au-delà de nous. Car à la fin, tout sera jubilation.
12 octobre 2025 | Olivier Rosselet
Merci !
Lectures: 2 Rois 5,14-17 (Naaman remercie Dieu) ; Luc 17,11-19 (Sur 10 lépreux un seul remercie Jésus) ; Colossiens 3,15-17 (Remerciez Dieu dans tout ce que vous faîtes!)
Dans la vie
- une personne me tient la porte ouverte quand je rentre dans le magasin.
- un jeune m’offre sa place assise dans le train.
- Un vigneron me propose d’aller cueillir les dernières grappes dans sa vigne.
- Des amis me prêtent leur chalet pour les vacances
- Une collègue me remplace pour un service funèbre
- Les bénévoles dans notre paroisse ne comptent ni leur temps, ni leur énergie.
- Véronique me cuisine des bons petits plats chaque jour.
- Un parterre de fleurs, un coucher de soleil, des montagnes enneigées, …
- Le culte des récoltes
- …
Que d’occasions pour dire merci!
Remercier fait partie de la vie, du quotidien. Ça rend la vie plus belle! Ça fait partie de l’éducation: pardon, s’il te plaît, merci. Merci, c’est important. Rien ne nous est dû. Dire merci change notre regard, nous remplit de reconnaissance.
- Une paroissienne me racontait que chaque matin, en se levant, elle ouvre la fenêtre et dit « Merci ». Quelle belle manière de commencer la journée!
- Avant chaque repas, le « Bénédicité » est une petite prière pour remercier, qui donne de la saveur à ce qu’on mange.
- Et lorsqu’on reçoit un bouquet de fleurs de son mari, de son épouse, de ses enfants ou petits-enfants, quelle joie. C’est une manière de dire merci pour la personne que nous sommes. On se sent heureux-se, tout bien, comme dans de la ouate.
J’ai aimé les textes proposés ce matin. Les trois récits nous encouragent à dire « Merci ».
Un besoin
Naaman, ce général Syrien, un homme important, venu de loin, veut à tout prix remercier Elisée, grâce à qui il a été guéri de sa lèpre. « Je t’en prie, dit-il à Elisée, accepte le cadeau que je t’offre! ». Naaman a besoin de remercier. Il aurait pu repartir en Syrie avec ses soldats et ses troupe, sans repasser vers Elisée. Mais non. Naaman tient à dire merci, à montrer sa reconnaissance. Pourtant, vu sa position, il doit être davantage habitué à être servi et obéi, plutôt qu’à dire merci.
Mais peut-être que Naaman n’est plus le même homme.
- C’est une petite fille à son service qui lui a révélé l’existence du prophète.
- Elisée ne s’est même pas présenté devant le général pour lui dire que faire. Il a envoyé son serviteur.
- Et enfin, Naaman a eu besoin de ses serviteurs pour le convaincre de se tremper dans le Jourdain.
Ce général a dû faire preuve d’humilité, d’écoute, de lâcher prise. Le regard s’en trouve changé, on apprend à dire merci.
Alors bien sûr, on pourrait se dire, Naaman ne voulait pas être redevable. En offrant tous ces cadeaux à Elisée, il payait sa dette. Mais la manière dont il s’adresse à l’homme de Dieu exprime plutôt de l’humilité: « Je t’en prie, accepte le cadeau que je t’offre! ». C’est plus fort que lui, Naaman a besoin de dire « Merci ».
L’histoire des 10 lépreux fait écho à ce premier récit. Sur dix lépreux guéris, un seul revient sur ses pas pour dire « Merci » à Jésus. Les 9 autres ne sont pas forcément des mauvaises personnes. Jésus leur a dit d’aller se montrer aux prêtres, ils vont donc se montrer aux prêtres.
Mais un lépreux, un étranger, un Samaritain, trouve plus important d’interrompre son chemin pour venir dire « Merci ». Il désobéit à Jésus. En n’allant pas se montrer aux prêtres, il court le risque que la lèpre revienne, qui sait? Mais c’est plus fort que lui, il a besoin de dire « Merci ».
Qui remercier?
Et par deux fois, pour Naaman comme pour le lépreux revenu sur ses pas, le merci est adressé à Dieu. Oh, ce n’est pas spontané.
Elisée en refusant les cadeaux de Naaman réoriente le Merci du général vers Dieu lui-même. A cette époque, les dieux étaient attachés à un territoire, à une terre. Alors Naaman repart avec dans ses nasses, un peu de cette terre d’Israël, afin de pouvoir adorer chez lui ce Dieu qui l’a guéri.
Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’aller dans une église pour remercier Dieu. On peut le faire chez soi, au volant de sa voiture, pendant les vacances au sommet d’une montagne ou au bord de la mer, ou encore en faisant ses emplettes au magasin.
Mais il n’empêche. La terre reste importante.
- Je revois ces images du pape descendant d’un avion, qui se met à genoux et embrasse la terre qui l’accueille.
- Combien de lieux de pèlerinage existent sur notre globe pour aller se recueillir, pour demander la guérison.
- Tout près de chez nous, on aime se déplacer également sur certains lieux qui nous font du bien, nous apaisent, nous relèvent.
- Les églises font aussi office de ces endroits qui nous sont chers. De nombreux croyant nous y ont précédés. Ils sont là mystérieusement, ils nous portent, nous accompagnent. Parfois, cela peut être un cimetière aussi.
Oui, la terre reste importante. C’est le propre de l’incarnation. Dieu s’est incarné, il s’est fait humain, un humain issu de l’humus, de la terre.
Remercier Dieu ne veut pas dire être dans la lune, au contraire. C’est avoir les pied sur terre, et reconnaître que je ne peux pas faire grand-chose sans Lui.
Le lépreux guéri revenu sur ses pas, se jette au pieds de Jésus, le front contre le sol, nous dit la Bible, et le remercie. Il rend gloire à Dieu, le nez dans la terre.
Vous êtes nombreux à rendre gloire à Dieu le nez dans la terre, chaque fois que vous êtes dans votre jardin, que vous semez, plantez, coupez, cueillez, déterrez. Vous êtes des faiseurs de vie, vous permettez à la vie d’éclore, de grandir. Une manière de dire merci au Créateur, de dire merci à la vie.
Rendre grâce
Je termine avec un terme grec. Le grec, vous vous rappelez, est la langue avec laquelle est écrit le Nouveau Testament. Savez-vous comment on dit « Merci » en grec?
« Merci », en grec, se dit « Eucharisto », du verbe « eucharistein », « rendre grâce ». Est-ce que ce mot vous fait penser à un mot français utilisé régulièrement par nos frères et sœurs catholiques?
« Eucharistie », bien sûr!
La « sainte-cène » chez notre Eglise-sœur est appelée « Eucharistie ». Une manière de rendre grâce à Dieu, de le remercier pour le don de sa vie, pour le don de la vie.
Chaque fois que nous partageons la cène, nous disons merci, nous rendons grâce. C’est un encouragement à prendre la cène avec le sourire, en rayonnant. Bien sûr, on se rappelle de la croix, mais grâce à elle, la vie nous est donnée, et on peut dire Merci.
A l’image de Naaman et du lépreux revenu vers Jésus, l’apôtre Paul nous encourage à remercier Dieu de tout notre cœur, dans tout ce que nous disons et faisons.
28 septembre 2025 | Olivier Rosselet
Partageons un avenir (Luc 10,29-37) Culte DM
Lectures : Luc 10,29-37 (« Le bon samaritain » parabole de la miséricorde)
Introduction
Le bon Samaritain ! Que peut encore nous dire cette histoire cent fois rabâchée, connue par cœur. La Bible n’est-elle pas assez riche pour prêcher sur d’autres textes ? C’est un peu les pensées que me sont venues lorsque j’ai vu ce que proposait le DM pour ce dimanche. Mais en lisant le commentaire que Zaka ANDRIAMA-MPIANINA, pasteur et vice-président de la FJKM proposait, ça m’a titillé.
Le prochain
Notre frère Zaka ANDRIAMA-MPIANINA, nomme cette histoire, la « parabole de la miséricorde ». Dès le départ, ça ouvre. On ne reste pas scotché sur le Samaritain. La « parabole de la miséricorde » répond à la question « Qui est mon prochain ? ».
Au départ, le terme « prochain » exprime simplement celui ou celle qui est proche : voisin et voisine, famille, collègue de travail, élève dans la même classe. Mais au temps de Jésus, le terme « prochain » désignait exclusivement les membres de la communauté juive (Lév 19.18).
Jésus brise volontairement cette frontière traditionnelle en choisissant comme héros un Samaritain, c’est-à-dire une personne perçue par les Juifs comme impure, étrangère, voire ennemie.
Les Samaritains n’était pas meilleurs. Ils se considéraient comme authentiques héritiers et gardiens fidèles de la Torah.
Pour Jésus, le prochain n’est ni une catégorie ethnique, religieuse ou sociale, ni même l’humanité tout entière dans une abstraction idéale. En effet, à la question « Qui est mon prochain ? », Jésus répond par une autre : « Lequel de ces trois te semble avoir été le prochain ? » (v.36). Ainsi, le prochain n’est pas forcément celui ou celle qui est aidé.e, mais celui ou celle qui aide, qui agit avec compassion. Le Samaritain devient le modèle du prochain. Par cette inversion, Jésus nous apprend que nous devenons prochain.es pour les autres dans l’acte même de la miséricorde. Et il nous rappelle aussi, en creux, que nous avons tous et toutes besoin d’un prochain – besoin d’être aidé.es, relevé.es, accompagné.es.
Madagascar
Or, qu’en est-il aujourd’hui à Madagascar ? Dans ce pays riche de sa diversité culturelle, mais durement éprouvé par les réalités économiques et sociales, la question du prochain se pose avec une acuité dramatique.
La majorité de la population malgache vit aujourd’hui dans une précarité profonde, notamment dans les régions rurales et reculées. Madagascar affronte une insécurité croissante. La crise alimentaire touche gravement un tiers du pays, en particulier les enfants. Dans certaines régions reculées, le taux d’analphabétisme atteint jusqu’à 90 %. Enfin, les soins médicaux de base, ne sont disponibles que pour une minorité.
Dans ce contexte, la « parabole de la miséricorde » résonne comme un appel pressant, auquel la FJKM répond au quotidien. Les enfants privés d’école, les familles démunies, les personnes isolées ou marginalisées : voilà celles et ceux qui croisent notre route aujourd’hui et attendent un geste, une présence.
L’Eglise comme prochain
C’est précisément là que la FJKM s’investit, au quotidien, pour incarner ce modèle évangélique du prochain, non seulement en paroles mais surtout en actes concrets, auprès des populations rurales et urbaines fragilisées. Et elle ne le fait pas seule. Ce témoignage d’amour et de compassion se tisse aussi avec les paroisses de Suisse romande. Car ici aussi, nous, paroissiens et paroissiennes, comme la FJKM, sommes appelé.es à devenir prochains : non seulement en apportant un soutien financier, matériel et spirituel, mais aussi en recevant de nos frères et soeurs de Madagascar un témoignage de foi, de courage et d’engagement dans l’adversité.
Nos frères et sœurs Malgaches sont tout autant nos « prochains » par leurs témoignages courageux que nous le sommes pour eux par notre soutien.
Cette campagne 2025 est ainsi une invitation à une réciprocité vivante : chacun, chacune peut être, à tour de rôle, celui ou celle qui aide et celui ou celle qui reçoit.
Mon prochain au-loin
À travers les projets soutenus par le DM à Madagascar, se construit un lien concret et spirituel entre les Églises partenaires. Ensemble, elles deviennent des lieux où l’Évangile se traduit dans des gestes quotidiens, où l’amour du Christ se manifeste dans des solidarités vécues, au-delà des frontières et des différences.
Le défi lancé par Jésus dans sa parabole est donc de sortir de nos logiques égocentriques et communautaires. On est attaché à nos villages, à notre paroisse, la proximité est importante, on se connaît, les repères et l’histoire sont les mêmes. Mais Jésus nous appelle à nous ouvrir, à regarder au-delà, à aimer et à prendre soin de mon prochain au-loin, en commençant par les paroisse voisines. On a déjà vécu un petit bout de chemin ensemble entre le Pied du Jura et St-Prex-Lussy-Vufflens. Avec le culte Nomade, il y a quelques semaines, on s’est ouvert encore un peu plus. Aujourd’hui, ce culte DM nous encourage à prendre soin de nos frères et sœurs de Madagascar et de recevoir de leur part le courage de la foi.
Conclusion
Que cette Campagne d’automne soit donc pour chacun et chacune de nous une occasion de s’ouvrir à l’autre : dans les régions vallonnées de Madagascar, comme dans les paroisses des cantons romands. En agissant ainsi, nous accomplissons pleinement l’invitation du Christ à être véritablement le prochain de celles et ceux qui, chaque jour, croisent notre route en espérant une main tendue, un soutien sincère, une espérance renouvelée.
Que Dieu nous accorde l’humilité et la force d’être ces prochains qui apportent la vie, la dignité et l’espérance. Amen.
21 septembre 2025 | Elio Jaillet
Juste faire le bien (1 Pierre 2,11-17)
Lectures : Deutéronome 30,15-18 ; 1 Pierre 2,11-17 ; Matthieu 11,16-19
Le jeûne fédéral est un jour « d’action de grâce, de pénitence et de prière ». Dans les cantons protestants, c’est traditionnellement l’État qui donne les règles de son déroulement – pour nous, dans le canton de Vaud, cela signifie un lundi de congé ! Mais un peu plus que ça aussi.
Traditionnellement, les autorités décrétaient un jour de jeûne pour donner suite à un événement particulièrement important – par exemple la fin d’une guerre, en signe de reconnaissance – ou face à des périodes de crises (notamment face à des catastrophes naturelles : tremblement de terre, famines, phénomènes astrologiques).
Lors de la Diète de 1832, le jeûne fédéral a aussi été une manière de rapprocher les deux confessions dominantes (catholiques-romaines et réformées) en Suisse – un temps dédié à la paix confessionnelle en Suisse.
D’une manière ou d’une autre, le jeûne fédéral nous appelle à faire le lien entre la foi et le bien commun. Comment contribuons-nous à ce bien commun ? De quelle manière ?
Appelés à faire le bien
La première lettre de Pierre offre une impulsion très claire : nous avons à faire le bien, à avoir une bonne conduite. Même si nous ne sommes pas dans une situation avantageuse au sein de la société, même si cela ne nous rapporte pas directement quelque chose – même si nous devons en souffrir – nous sommes appelés à faire le bien.
Dans un premier temps, on se dira que faire le bien ne peut signifier qu’une seule chose : obéir à Dieu. Faire le bien, c’est faire ce que Dieu nous dit de faire – suivre sa volonté. « J’ai mis devant vous la vie et le bien, la mort et le mal : obéissez à ce que je vous dis et vous vivrez. » (Dt 30,16) C’est simple. Faites ce que je vous dis, et vous aurez une vie épanouie. Ignorez-moi et vous en subirez les conséquences. Les cartes sont entre vos mains.
Appliquer – tout simplement ?
Ainsi, on pourrait se dire que pour faire le bien, il suffit d’appliquer. Appliquer ce que Dieu nous a mis devant les yeux. Et dans un monde qui se complexifie, où les tensions montent, où l’on ne sait plus très bien quand on est en sécurité ou non, à qui l’on peut faire confiance ou non, cette option séduit de plus en plus de monde – elle paraît claire et solide. Et l’une des tâches des fidèles est alors de se battre pour imposer l’obéissance aux lois de Dieu – jusque dans l’ordre public.
C’est une option qui a du succès – et on peut comprendre pourquoi. Elle donne de la stabilité, la conviction nécessaire pour agir, pour provoquer un changement.
Ouvrir les certitudes
Et en même temps, dans la foi chrétienne, la ce genre de stabilité est toujours fragile – on pourrait dire, fragilisée par Dieu lui-même. Au fond, Jésus nous montre que nous ne captons jamais vraiment bien ce que Dieu veut pour nous – nous ne voyons pas ce que nous devrions voir.
Lorsque Jésus partage sa table avec des pécheurs, nous ne voyons pas le salut qui fait irruption dans le monde. Nous ne voyons pas le Christ dans sa gloire. Nous voyons un gars qui aime faire la fête – et qui en plus le fait avec les mauvaises personnes. Plus exactement : nous voyons tout ce qui va mal dans ce monde et cette société. L’inverse de ce que Dieu veut pour le monde, l’inverse du bien.
Vous rétorquerez peut-être que c’est justement celles et ceux qui n’ont pas la foi, celles et ceux qui n’ont pas compris, qui voient les choses ainsi. Il y a sans doute une part de vérité à cela.
Mais dans l’autre sens : le peuple d’Israël, le peuple élu, a tout entre ses mains pour ne pas se planter, pour obéir à Dieu – Dieu lui a fait don de sa Parole, de sa Loi et de ses promesses. De même, les disciples avaient le maître directement à leur disposition, ont appris à la source ce que cela signifie de vivre dans la présence du Royaume de Dieu. Et pourtant, lorsque la situation devient critique, tous et toutes échouent à vivre ce bien que Dieu attend de leur part.
Faire le bien ce n’est pas – n’a jamais été – simplement une question de pure application. On peut encore voir les choses autrement – – peut-être même qu’on doit le faire.
Nous dépendons de Dieu
« J’ai mis devant vous la vie et le bien, la mort et le mal ». Le but de cette indication n’est peut-être pas tant de pointer du doigt ce que Dieu la liste que Dieu nous met sous les yeux, mais le fait que c’est Dieu qui place cette liste devant nous. Le but de cette indication du Deutéronome est aussi de renforcer notre lien à Dieu : pas de croire que nous avons la formulation du bien et du mal. Au contraire : nous ne l’avons pas. Nous devons la découvrir dans la Parole de Dieu, à l’écoute de ce que Dieu nous dit, dans la rencontre avec le Christ vivant. Nous devons écouter – nous devons prier.
Nous connaissons cette différence entre le bien et le mal, nous savons qu’il y a là un enjeu pour la vie, pour la vie de tous et de toutes. Mais nous ne maîtrisons pas cette différence – ou plutôt : quand nous pensons maîtriser cette différence, nous tordons la réalité. On se plante, on rate la cible. Alors qu’on veut à tout prix faire le bien, celui qu’on a en tête, on se retrouve à faire le mal.
Voir le bien autrement…
Ce que je dis là peut donner une impression assez désespérante : nous sommes appelés à faire le bien là où nous nous trouvons, mais nous n’avons aucune idée de comment nous y prendre pour effectivement le faire. C’est comme si nous avions une porte prévue pour nous, par laquelle nous devons passer, mais jamais la bonne clef.
C’est peut-être parce que nous continuons de voir le « bien » comme quelque chose qui requiert de la force – ce qui veut dire que si « on a le bien », c’est aussi qu’on a de la force, du pouvoir, de la légitimité, de l’autorité. Ou dans un autre sens : nous désespérons, parce que nous continuons de croire que « faire le bien » nous sauve.
Et c’est là où Jésus intervient : en déjouant nos idéaux, nos crispations, il nous libère de ce rapport bloqué au bien – qui le tourne inévitablement en « mal ».
… et juste le faire
Faire le bien ce n’est pas maîtriser une situation : c’est cultiver une écoute attentive – une attention aux rencontres concrètes, une attention à la différence entre Dieu et tout le reste ; tout ce qui prétend souvent être Dieu, mais qui ne l’est certainement pas.
Faire le bien, vient de ce qu’on se met à l’écoute de Dieu, que nous nous tournons vers lui, que nous prions et dans ce même mouvement, Dieu nous inviter à porter notre attention aux personnes que nous rencontrons, au monde, à nous-mêmes et il nous invite à agir de manière créative, inventive – pas de manière définitive, mais de manière provisoire, en sachant que toutes nos œuvres passeront – mais que nous, nous reposons dans la main de Dieu.
Et si tout cela vous semble trop abstrait je vous propose maintenant un exercice pratique : dans le prochain mois, prenez le temps de partager un repas (chez vous, ou ailleurs, ce n’est pas cela qui importe) avec quelqu’un qui ne vous est pas proche, avec qui vous ne prendriez normalement pas le temps d’un repas. Peut-être que vous prendrez le temps d’écouter son histoire, de partager la vôtre. Peut-être que vous parlerez de la pluie et du beau temps. Peut-être que ce sera un moment agréable, peut-être pas. Peut-être que ça aidera cette personne, peut-être pas. Et retrouvons-nous plus tard pour en discuter, de cette rencontre !
Et dans tous les cas : prenez le temps avec Dieu, par la méditation, la prière, pour être au contact de cette liberté inépuisable – qui vous libère de devoir faire le bien, qui vous permet juste de le faire.
14 septembre 2025 | Olivier Rosselet et Jean Bosco
Espérer au-delà de toute espérance (Romains 4,16-21)
Lectures : Lettres aux Romains 4,16-21 ; Psaume 130 ; Evangile selon Jean 11,17-27
Lettre de frère Matthew
Chaque année, pendant la période du nouvel-an, les frères de Taizé se déplacent dans une métropole européenne pour vivre le « Pèlerinage de confiance ». Ils sont rejoints par des milliers de jeunes de toute l’Europe. C’est l’occasion pour la communauté d’écrire une lettre pour accompagner l’année qui s’ouvre. Cette année, la lettre écrite par le prieur de Taizé, Frère Matthew, porte sur l’espérance !
Alain Rihs, m’a dit, pourquoi ne t’inspirerais-tu pas de cette lettre pour ta prédication ? Quelle bonne idée ! Et vu l’état de notre monde, le thème est de circonstance : L’espérance …
L’espérance, c’est élargir notre champ de vision, c’est croire au-delà de la raison. L’espérance nous met en marche, elle féconde nos vies.
Le courage d’espérer
Frère Matthew, durant ces voyages, a été touché par de nombreuses personnes qui vivent des choses dramatiques.
En Ukraine, un responsable d’Eglise lui a dit : la prière réveille l’espérance d’une humanité guérie. Elle donne la force de tenir bon face au découragement.
A Gaza, l’amour porte les blessés, les fragiles, comme le paralytique de l’Evangile a été porté par ses amis et par leur foi. Dans la ville de Gaza, une femme criait de colère et de désespoir. Puis reprenant ses esprits, elle sut que Dieu était là, dans la souffrance, dans le désespoir.
Au Liban, un jeune témoignait : ma mère est un témoignage d’espérance. Malgré tout, elle est toujours restée debout. C’est grâce à elle que je suis ce que je suis aujourd’hui.
Et moi, qui sont mes témoins d’espérance ?
Suis-je moi-même un témoin d’espérance ?
Un combat
L’espérance est un combat. C’est le refus de nous résigner. Je lisais il y quelques jours à la maison avec mon épouse Véronique le récit de Paul dans la tempête, alors que le bateau l’emmène à Rome. Les marins lancent à l’eau l’ancre flottante (Actes 17.27), pour rester dans la direction du vent. L’ancre, c’est le symbole de l’espérance. Dans nos églises, nous sommes comme dans un bateau, nous sommes dans la nef. Ce matin, catholiques et protestant, nous embarquons ensemble. La règle de Taizé nous exhorte à ne jamais nous résigner au scandale de la séparation des chrétiens !
Le contraire de la résignation, c’est l’espérance ! Pour garder l’espérance, nous avons besoin des uns et des autres. Ne lâchons pas notre ancre, afin de rester dans la direction de l’Esprit, qu’il puisse souffler dans nos voiles.
Source de l’espérance
Où suis-je dans ma vie ?
- Au pied de la croix, à Vendredi-Saint ?
- Dans l’attente, comme Samedi-Saint, un peu perdu, ne sachant pas vers quoi, vers qui, me tourner ?
- Ou suis-je dans la joie du dimanche de Pâques ?
Quelle que soit ma situation, est-ce que je vois, s’ouvrant devant moi, un chemin d’espérance ? L’espérance n’est pas volatile, elle ne tombe pas de nulle part. L’espérance prend sa source en Jésus. Grâce à la résurrection de Jésus, nous avons la certitude que la mort n’a pas le dernier mot. Les peines de vies, les souffrances ne sont pas le point final.
Le prophète Jérémie, alors que son pays était dévasté par la guerre, que ses habitants étaient menacés d’exil, Jérémie a acheté un champ, tant il était sûr que Dieu n’abandonnerait pas son peuple. (Jer 32.6-15)
Martin Luther, le réformateur, quand on lui a demandé ce qu’il ferait si la fin du monde était pour demain, a répondu : je planterai un arbre !
La nature aussi possède cette force de résurrection. Durant ce mois de septembre, nous vivons la saison de la Création, un temps œcuménique en faveur de la nature. Ce temps dure jusqu’au 4 octobre (demander à l’assemblée pourquoi …), anniversaire de St-François d’Assise, ce saint qui parlait aux oiseaux.
La nature peine à résister à l’impact de nos actions, de notre façon de vivre. Des pans entiers de la planète sont dévastés. Et pourtant, ça et là, la nature se révèle forte, ne se résigne pas, résiste. Adjovi-Grâce, diacre-stagiaire, que j’accompagne depuis un mois et demi, lors d’une méditation à l’extérieur, es restée scotchée devant une petite pousse qui avait trouvé moyen de fleurir sur un mur en béton, dans une faille. C’est ça l’espérance ! C’est la vie, malgré tout.
Au-delà de toute espérance
Les textes bibliques entendu tout à l’heure le disent bien. Abraham et Sara, très âgés, sans enfant, croient à la parole de Dieu. Ils espèrent au-delà de toute espérance, dit le texte. Leur foi les remplit de force. Ils sont sûr d’une chose. Ce que Dieu a promis, il est assez puissant pour le faire. Et neuf mois plus tard, Sara berce un bébé dans ses bras.
Le récit de Marthe est beau aussi. Lazarre, le frère de Marthe est décédé. Marthe en veut à Jésus de ne pas être venu plus tôt – Marthe n’a pas toujours le beau rôle dans nos prédications, dans nos homélies.
Mais là, Jésus pousse Marthe dans ses derniers retranchements. Oui, ton frère est mort, mais je suis la vie, crois-tu cela ? (pause) Et Marthe confesse sa foi, son espérance. Avant que Lazare sorte de la tombe, Marthe, puis sa sœur Marie accueillent elles aussi la vie !
A Pâques, lorsque les femmes amies de Jésus montent au tombeau, elles se posent la question. Qui nous roulera la pierre ? (Mc 16.3)
Quelles sont les pierres de nos propres vies. Quelle pierre devons-nous demander à Dieu de rouler de côté, pour qu’une vie nouvelle puisse naître en nous ?
La foi en la résurrection permet de nous accrocher à l’espérance au milieu de la détresse.
Je termine avec une parole de Dieu à Jérémie : Oui, moi le Seigneur, je connais les projets que je forme pour toi. Je le déclare, ce ne sont pas des projets de malheur. Je veux te donner un avenir plein d’espérance !
7 septembre 2025 | Olivier Rosselet, Renaud Rindlisbacher & Elio Jaillet
Chant, joie et repas (Actes 16,22-34)
Lectures : Actes des Apôtres 16,22-34
C’est un rempart que notre Dieu
Une invincible armure.
Un défenseur victorieux,
Une aide prompte et sûre.
L’ennemi contre nous,
Redouble de courroux :
Vaine colère ! Que pourrait l’adversaire ?
L’Eternel détourne ses coups.
(Cantique traditionnel de la Réforme)
Le chant
L’acoustique est belle dans la prison de Philippe.
Il fait sombre, humide, les rats se faufilent le long des murs de pierres. Les prisonniers sont enchaînés.
Tout d’un coup, ils entendent chanter ! Ils ont de la peine à y croire, c’est comme si le ciel descendait sur la terre. Comme si le soleil venait éclairer leur cellule, comme s’ils étaient libérés de leur chaînes.
L’apôtre Paul et son ami Silas, bien qu’ils soient en prison, enchaînés, chantent ! Ils chantent la louange de Dieu. Le chant, c’est prier deux fois, disait Martin Luther, le réformateur. Paul et Silas chantent, c’est incroyable.
Et vous, chers amis, vous les enfants, les jeunes ? Dans la même situation, vous faites quoi ?
Vous essayez de vous libérer de vos chaînes ? Vous préparez votre défense devant les juges ? Vous pleurez sur votre sort ? Vous bougez le moins possible pour ne pas raviver vos blessures, …
Paul et Silas, eux, chantent les louanges de Dieu ! Bien qu’en prison et enchaînés, Paul et Silas sont libres. Le chant est une belle manière de proclamer la liberté, la confiance, la joie, l’espérance. Pensez au Negro spirituel des esclaves dans les champs de coton.
Combien d’entre vous font partie ou ont fait partie d’un chœur durant leur vie. Et vous les enfants, à l’école, vous chantez aussi ! C’est des chouettes moments. Quand il y a une fête, un anniversaire, un repas, on chante. Le chant transforme une situation, nous fait vibrer, on n’est plus les mêmes. Le chant réconforte dans l’épreuve, donne de la force. C’est aussi pour ça qu’on chante pendant le culte.
Même la Terre est touchée par le chant de Paul et Silas. Elle aussi vibre et tremble d’émotion. Les chaînes tombent, les prisonniers sont libérés. Un miracle ! Le chant libère. Avec ce tremblement de Terre, on se dirait presque dans un film de Marvel ! (éclater le 3e ballon)
La joie
Mais ça ne semble pas être la joie pour tout le monde. Le gardien de prison a peur. Si les prisonniers ne sont plus là demain, il sera torturé, mis à mort. Il décide alors d’en finir tout de suite. Dans cette prison, tout est inversé : (lentement) Celui qui est enchaîné n’est pas celui qu’on croit. Mais Paul crie au gardien : Ne te fais pas de mal ! On est tous là.
Alors le gardien demande de la lumière, dit la Bible. Oui, le gardien a besoin de lumière, qui éclaire aussi son cœur. Paul et Silas lui parlent de Jésus, à lui et à toute sa famille. Ils reçoivent le baptême. Le gardien et toute sa famille sont remplis de joie !
La parole de Jésus, le baptême et la joie vont ensemble. Ça nous fait sortir de prison, on respire, on accueille la lumière.
Vous les enfants qui allez participer à l’éveil à la foi et aux rencontres enfances, et vous les jeunes avec les activités de KT, les camps, vous n’êtes pas des gardiens de prisons. Par contre, comme ce geôlier, vous allez vivre des choses surprenantes dans vos rencontres. Vous allez entendre des jeunes à peine plus âgés que vous, vous témoigner de leur foi. Certains vous raconteront leur baptême, et tous vous diront la joie qu’ils ont de se retrouver régulièrement, et de vivre des camps, des activités avec l’Eglise. Vous serez touchés profondément, votre terre tremblera et fera tomber des chaînes, c'est-à-dire des trucs qui vous empêchent de croire.
Nous vous souhaitons tout le bonheur du monde !
Le Repas
Et que fait le gardien de prison une fois qu’il a reçu le baptême ? Mmh ? (attendre)
Il offre un repas à Paul et à Silas. Le « repas », comme le « chant », s’invite aux fêtes, aux événements aux anniversaires. Quand on est invités ou qu’on reçoit du monde à la maison, on se retrouve toujours autours de la table. On rigole, on raconte, on écoute, on est heureux !
Aujourd’hui aussi, dans cette grande salle, on chante et on se retrouve autour d’un repas. C’est la fête !
La Bible est truffée de ces fêtes où les gens se rassemblent autour d’un repas. La nourriture symbolise les dons et la générosité du ciel. Dans un repas, les produits viennent de Dieu et son apprêtés par nous, enfants, jeunes, hommes, femmes.
Quand Dieu parle de la Terre promise, il dit : une terre où coulent le lait et le miel. Le lait et le miel, c’est plus que de l’eau et du pain, c’est goûteux. Le miel, à l’époque, remplaçait le sucre d’aujourd’hui. Dieu aime ce qui bon, ce qui est savoureux. D’ailleurs, au repas tout à l’heure, vous savourerez une sauce au miel !
Si « chanter », c’est prier deux fois, « cuisiner » c’est aussi prier. Une prière pour dire merci. Aujourd’hui, plusieurs maraîchers, vignerons, arboriculteurs nous offrent leurs produits. Vous trouverez leur production au stand fruits et légumes. C’est la fête des récoltes, on fête toutes ces bonnes choses que la nature fait pousser et nous offre. Nous pouvons les savourer sur place ou les cuisiner, les apprêter. La nature nous donne le meilleur. Merci Seigneur !
Cette année, nos jardins ont été généreux et la vendange s’annonce belle. Emerveillons-nous, soyons reconnais-sant et prenons soin de cette Création qui chante, nous nourrit et nous aide à respirer mieux, c’est un précieux cadeau de Dieu.
Amen
Y a d'la joie
Bonjour, bonjour les hirondelles
Y a d'la joie
Dans le ciel par-dessus le toit
Y a d'la joie
Et du soleil dans les ruelles
Y a d'la joie,
partout y a d'la joie
(Charles Trenet, Y a d'la joie)
31 août 2025 | Corinne Méan
Revisiter le Notre Père (Matthieu 6,7-13)
Lectures : Job 42,1-6; Matthieu 6,7-13
Il y a, à peu près, 20 mentions de Jésus en train de prier dans les évangiles, sans compter ses enseignements sur la prière.
Cela nous donne une idée de la place de la prière dans sa vie.
« Sais-tu comment faire boire un âne qui n’a pas soif ? En buvant à côté de lui. »
L’évangile de Luc nous raconte que c’est parce que les disciples voient Jésus en train de prier qu’ils lui demandent :
« Maître, enseigne-nous à prier, comme Jean l’a enseigné à ses disciples. » (Luc 11,1) Jésus leur apprend la prière du Notre Père.
J’aime me rappeler que chaque fois que je prie Notre Père, je ne suis jamais seule. D’abord bien sûr parce qu’avec d’autres, je me relie à la présence de Dieu et du Christ. Mais aussi parce que cette prière est tellement répandue, que chaque fois que je reprends ses mots, je peux être certaine qu’une autre personne est en train de la dire en même temps que moi, que nous, quelque part sur la planète.
Le Notre Père a donc ce pouvoir de nous relier dans l’invisible entre sœurs et frères par l’Esprit. Il nous rappelle notre enracinement dans le Vivant, dans le Christ. C’est pourquoi je vais non seulement parler au sujet du Notre Père mais je vais partager des prières que ces intentions m’ont inspirées aujourd’hui.
Ca m’a fait réfléchir d’apprendre que Simone Weil priait le Notre Père avec beaucoup d’attention du début à la fin. Quand elle sentait son attention faiblir, elle recommençait au début. Ca la remettait dans son axe. Dans une attention plus pertinente à Dieu, aux autres et à elle-même.
Notre Père
Notre Père : je suis introduite dans la familiarité de Dieu.
Je suis reliée à Celui qui est, qui était et qui vient.
Le « je » de ma prière s’inscrit dans un « nous ».
Mon élan de vie, ce qui se passe en moi, ou mon cri, le tout s’inscrit dans quelque chose de plus vaste, dans une perspective de communion, de collaboration. Nos volontés respectives peuvent être réorientées.
Ce que je vis, ce que nous vivons maintenant est placé dans la Lumière, dans la tendresse de Celui qui est.
Plongés dans cette intimité, la Source de vie opère une rénovation intérieure.
Qui es aux cieux.
Les cieux ne sont pas un endroit. Les cieux, c’est ce qui nous dépasse, ce que je ne peux pas saisir.
Une manière d’évoquer le sens profond des choses, ce que nous percevons et qui pourtant nous échappe.
Les cieux, c’est la face cachée de la vie, c’est le mystère des êtres, le secret des origines et des fins.
Ma prière :
Notre Père qui es aux cieux, tu es dans le silence de la rencontre, dans le mystère du face à face avec moi-même, avec l’autre.
Tu es avec moi dans cet espace où se forge mon être, où se déplie ce qui a peur d’être, où fond mon mal être.
Me voilà, nous voilà face à face, ni confondus, ni séparés.
Tu es comme un père bienveillant, comme une mère pleine de tendresse avec son enfant, ses enfants.
Que ton Nom soit sanctifié, reconnu.
Comment sanctifier un nom imprononçable, intraduisible ?
On ne parle jamais de Dieu chez nos frères et soeurs juifs. On parle du saint Nom : El, Elohim, Yahvhé, Shabaot, Adonaï, Celui qui est. C’est dans les traductions grecques et latines qu’on trouvera par la suite le mot Dieu.
Dans le mot Dieu, en latin - dies - il y a le jour, la lumière.
Cela fait monter en moi ces mots :
Toi, le Vivant, j’ai tendance à faire de toi un fournisseur de mes désirs, un engrangeur de mes insatisfactions.
Comme d’autres, j’ai des tas de demandes à te faire. Et avant, je me demande : qu’est-ce que je dis quand je prononce ton nom ?
Notre Père qui es aux cieux.
Jésus m’invite à faire de la place en moi pour que ton Nom ait de la place, pour que ton Nom rayonne. Tu es Celui qui me fait être, qui habite qui je suis, qui je deviens.
Je me sens encouragée, je nous sens encouragés à chercher des chemins pour qu’ensemble, nous puissions vivre en frères et sœurs.
« Voyez comme ils s’aiment », c’est ce qu’on dit des croyants dans les Actes des apôtres. Est-ce que ça a contribué à ce que d’autres sanctifient, à leur tour, ton Nom ?
Que ton règne vienne.
Albert Camus disait : « Je ne croirai jamais en un Dieu qui laisse mourir les enfants. » Jésus non plus. Moi non plus !
Nous faisons tous ce constat : le monde comme il est, porte notre signature, la signature des humains. Ca me donne envie de prier :
Ton règne est justice et nous sommes écartelés entre générosité et égoïsme.
Ton règne est pardon et nous sommes gouvernés par la peur, par notre ego blessé ou assoiffé.
Ton règne est paix et nous sommes tumultes, angoisses, inquiets.
Que ton règne vienne, que ce qui vient de toi, Père, prenne place en moi, en nous.
En lien avec toi, avec Jésus le Christ, ce règne est déjà proche : risquer un geste neuf inspiré de ta vie peut transformer mon geste, ma parole, ma présence en touche d’espérance.
Père, continue de venir parmi nous, de venir à travers les autres, à travers ceux et celles qui vibrent à ta voix. Je tiens à ce que tu ne t’éteignes pas en moi, en nous.
Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Jean-Yves Leloup, prêtre orthodoxe, raconte que quand il était petit, ses parents avaient dû le reprendre plusieurs fois parce que quand il arrivait à cette intention de prière, il baillait.
C’est plus tard qu’il a interprété ce baillement - pour lui -comme un lâcher-prise, une détente. Il s’abandonnait entre les bras du Père pour placer sa propre volonté dans une volonté plus grande.
Quand la souffrance ou la mort sont là, je peux les confier à plus large que moi.
Oui, quand l’incompréhension est là devant les violences qui engendrent tant de souffrance, je peux les traverser avec Celui qui m’habite.
Oui, quand les réalités me labourent, je peux les aborder avec Lui.
Tant que je résiste, je bloque, j’empêche ta vie de passer.
Le Christ, avant de mourir a prié : « éloigne de moi cette coupe de douleur, non pas ma volonté mais la tienne. » En lui se sont s’affrontées deux volontés. Elles ne sont pas devenues résignation.
A quoi reconnaître ta volonté, Père ?
Est-ce aux gestes, aux regards, aux paroles qui entre nous font surgir la vie ? Même si nous ne les discernons pas toujours sur le moment ?
Que ta volonté soit faite : que je puisse aborder ce qui m’arrive en le plaçant dans ta vie qui se creuse une place là où je ne peux pas imaginer qu’elle puisse se frayer un chemin.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour :
Nous avons toujours faim.
Faim de pain, faim d’affection, de reconnaissance, de connaissance, d’amitié, de vérité, de justice…Et si ces faims apaisées dégageaient des saveurs spirituelles ? Je vous partage ma prière :
Père, nous te demandons la nourriture qui périt et celle qui demeure.
Nous te prions pour ce qui nourrit notre corps et pour ce qui nourrit notre être, notre âme.
Nous te prions pour ce qui peut nourrir les relations humaines, et notre manière d’être au monde.
C’est évident, même si nous prenons soin de notre vie, nous n’en sommes pas la source. Et nous ne pouvons pas vivre que pour nous-mêmes.
Père donne au pain le goût du pain reçu sous chacune des formes, et quand nous sommes nourris d’une manière ou d’une autre, apprends-nous à savourer chacune de ces miettes d’éternité, à les partager.
Pardonne-nous.
La plus longue des 6 demandes.
Exemple de Jean-Yves Leloup, alors jeune prêtre orthodoxe : Une femme atteinte de sclérose en plaque vient le rencontrer en chaise roulante. Elle se confie : « Ma maman m’a privée de tout, elle m’a volé ma jeunesse, elle me voulait à son service : pas de sorties, pas de mariage, pas de vie sociale ». Le prêtre lui dit : « il faut lui pardonner ». La femme se fige, se ferme : je ne peux pas, elle m’a empoisonné la vie, elle m’a coupé les ailes, elle m’a rendue malade.
Le jeune prêtre remarque qu’il n’aurait jamais dû dire ça.
Après un silence, il lui dit : « pouvez-vous imaginer que le Christ s’en occupe ? Qu’il pardonne à votre maman » ?
Et là, la femme fond en larmes, puis après un moment commence à bouger comme si la vie pouvait recirculer….
Ca me fait prier avec ces mots :
Père tu me fais, tu nous fais découvrir qu’un non pardon bloque la vie entre deux personnes, en moi-même.
Mon existence pourrait se résumer à la somme des blessures subies ? Non, nous n’avons pas été créés pour vivre dans la souffrance et dans la solitude. Nous avons été créés pour vivre dans l’amour et en connexion les uns avec les autres. Quand ce lien devient mortifère, ou qu’il est rompu brusquement, est-ce possible de trouver un moyen de le réparer ? Ou - dans le dialogue - de choisir de ne pas le poursuivre ?
Pardonner, ce n’est pas excuser une faute.
Pardonner, c’est refuser.
Refuser de croire que les gestes blessants, les signes de rivalités, la confiance trompée, les piteuses lâchetés qui tissent le quotidien expriment toute la réalité profonde de l’autre, la mienne.
Pardonner, est-ce éviter d’attiser les braises de la colère et prendre soin de ce qui est blessé ?
Est-ce que c’est apprendre de ton regard de l’amour ?
Reconnaître que ce n’est que dans ce regard que je peux laisser place à la vérité de l’autre, à ma vérité, telles que tu les vois ?
Pardonner ne dépend pas que de nous, que de moi.
Et quand on y arrive, nos pardons sont signes d’un amour qui ne vient pas de nous. Il vient d’au-delà de nous.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation
Là, j’ai envie de prier :
Père, ne permets pas que je m’identifie à ce qui se passe de pénible pour moi, à mes « je n’en peux plus », à mes « c’est trop ». Ne permets pas que je m’identifie à ma maladie. Que je me réduise à mon épreuve.
A travers cette maladie, cette épreuve, cette rupture, quelque chose peut se passer. Avec toi et avec les personnes qui me soutiennent, je vais tout faire pour prendre soin de cette maladie, pour traverser cette épreuve, pour accuser cette rupture.
En vivant ce qui m’ébranle de cette manière, je dis oui à ce qui est. Je ne fuis pas, je cherche à composer, à construire avec. Je ne dis pas que la souffrance est bonne. Mais, il y a une façon de la prendre, de la mettre en lumière et d’en faire naître quelque chose.
Que les épreuves ne me coupent pas de la confiance en toi, ne me propulsent pas dans l’envie de me détourner de toi.
Parce que tu es là. Ne me permets pas d’en douter.
Garde-moi dans ta Présence, dans ta liberté.
Mais délivre-nous du mal
Mal, mauvais, vient du latin ; Pervers - ponérou - en grec
Délivre-nous du pervers que cela concerne le monde ou nous-mêmes. Une prière monte en moi :
Père, délivre-nous, délivre-moi de ce qui pervertit le meilleur, le plus divin, le plus humain, le plus aimant.
Délivre-nous, délivre-moi quand nous ne sommes plus là pour nous illuminer les uns les autres mais pour nous manipuler, pour nous dominer mutuellement, nous comparer, nous utiliser. Quand nous ne nous servons pas de la force affective pour prendre soin, mais pour nous posséder jalousement, nous approprier l’autre, nous traiter comme des objets.
Délivre-moi du mal. Du besoin d’accuser les autres, de les charger de ce que je ne peux pas assumer.., délivre-moi des « ce n’est pas moi », « c’est l’autre…»
Délivre-moi aussi du réflexe que j’ai de m’accuser moi-même, de prendre tout sur moi.
Quel allégement.
Prier Notre Père, c’est laisser vivre le Christ en nous.
Nous sommes nés pour être, pour naître, pour être conscients d’être, pour respirer de son Souffle, pour accrocher notre nom au Nom.
Pour discerner sa volonté nous nous abandonnons en Lui.
Par ailleurs, nous apprenons à être accueillants pour les nourritures qui nous rendent capables de pardon, de patience, de justice.
Nous apprenons à Lui faire plus de place en nous pour devenir plus doux, éviter de devenir durs ou mous.
Nous nous relions au Père, au Christ pour tenir ensemble dans la rigueur et la tendresse, la justice et la bienveillance. Quelle école !
Finalement, prendre soin de notre humanité, de notre « je suis ». C’est prendre soin de Dieu.
Etty Hillésum le disait : « Il faut prendre soin de Dieu. Cette part silencieuse en nous-mêmes. »
C’est encore une manière de ne pas nous identifier à nos épreuves.
Etty Hillésum fait partie de ces personnes confrontées à de grandes souffrances, à des horreurs. Ces personnes reliées à l’Au-delà de tout, témoignent au cœur de leurs réalités éprouvantes et arrivent à rayonner de la liberté, de cette patience, d’une sérénité que le Père, le Christ donnent.
D’où ça vient ? Comment est-ce possible ?
Est-ce que ces pesonnes ont pris soin du berceau divin déposé au fond d’elles-mêmes ?
Est-ce qu’elles ont laissé ouverte la porte sacrée ? Ou veillé sur cette étincelle de divinité, sur cette lumière qu’aucune ténèbre ne peut éteindre ?
Oui : Ce n’est ni à nos crispations, ni à nos intolérances, ni à notre fascination du succès ou du pouvoir qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire mais à Toi qui es Vie, à Toi qui es Amour, à toi puissance de Résurrection.
Amen, j’y crois vraiment.
17 août 2025 | Olivier Rosselet
Jésus apporte un feu (Luc 12,49-53)
Lectures : Jérémie 38,4-13 ; Luc 12,49-53 ; 1 Pierre 4,12-16
Introduction
Ils sont rudes les textes de ce matin ! En en prenant connaissance avec Adjovi cette semaine, on s’est dit que pour la reprise, l’Eglise aurait pu faire un effort et nous proposer des textes plus gais.
Le prophète Jérémie est jeté dans une citerne pour avoir transmis la parole de Dieu, Jésus nous prédit des gros clashs familiaux en son nom, l’apôtre Pierre nous prévient qu’on sera insultés à cause du Christ.
Avec des textes comme ça, c’est beau que des femmes et des hommes se lèvent encore pour devenir diacres, pasteurs, animatrices d’Eglises, ou s’engagent dans les paroisses : au Conseil, pour les jeunes, pour les plus démunis, fassent des visites, viennent aux cultes.
Pourtant, cette semaine, avec Véronique, mon épouse, dans le cadre de nos lectures quotidiennes, on découvrait l’apôtre Paul qui se faisait tout à tous : Juifs avec les Juifs, respectant la circoncision, les vœux ; et il se faisait Grecs avec les Grecs dans une pleine liberté en Christ.
Ce matin, au contraire, on a l’impression que les textes sont soit noirs, soit blancs. Ils divisent, il n’y a pas de nuances. Dans notre monde déjà tellement polarisé, on n’a pas besoin de ça. Prenons le temps d’entrer dans ces récits calmement.
Fidélité de Dieu
J’ai redécouvert cette histoire de Jérémie. Je l’avais oubliée. Les babyloniens sont aux portes de Jérusalem. Jérémie - porte-parole de Dieu - exhorte le roi à se rendre, pour que la famille royale et la population ait la vie sauve, sinon la ville sera détruite dans un bain de sang. Accusé d’être collabo par des militaires, Jérémie est jeté dans une citerne jusqu’à ce que mort s’en suive. Dangereux de tenir un discours qui n’est pas politiquement correct ! L’histoire pourrait s’arrêter là.
Mais non. Un esclave éthiopien de haut rang demande au roi la libération de Jérémie. Cet esclave sort de nulle part, et le roi l’écoute, comme il a écouté les militaires quelques heures avant. Bizarre. Qui que nous soyons, « puissants ou misérables », nous avons une parole à faire entendre. Utilisons-la pour libérez, pour permettre la vie.
On ressort Jérémie de la citerne, avec soin. On lui donne des tissus à mettre sous ses aisselles, avant d’y faire passer la corde, et être tiré délicatement hors de la citerne. Quand on est au fond du trou, Dieu prend soin de nous aussi. Il passe délicatement ses mains sous nos aisselles pour nous retirer hors du gouffre et nous remettre debout.
Pas facile d’être témoin de Dieu. On prend des risques. Mais Dieu est fidèle. Grâce à Ebed-Melek, cet esclave de haut rang, Jérémie est libéré. Nous aussi, parfois, nous sommes surpris que le soutien, l’ouverture d’une situation jugée sans issue, nous vienne de là ou on ne l’attend pas. Est-ce que Ebed-Melek connaissait Jérémie ? est-ce que Dieu lui a parlé ? Est-ce que Ebed-Melek voulait remercier Jérémie pour son aide dans l’affaire des esclaves affranchis. Rien n’est dit. Ebed-Melek est étranger, il est esclave, et il présente une requête au roi. Quel courage ! Contre toute attente, le roi l’écoute et accepte sa requête. J’y vois là vraiment la fidélité et l’action de Dieu.
Cette histoire de citerne fait écho à une autre histoire de citerne, vous vous souvenez ? (demander)
Oui, Joseph, le chouchou de son père Jacob, qui se met tous ses frères à dos en racontant ses drôles de rêves. Un jour, ses frères jettent Joseph dans une citerne pour le faire mourir. Cependant, profitant du passage de marchands d’esclaves, ils vendent leur frère à cette caravane. Joseph deviendra gouverneur en Egypte, la grande puissance de l’époque. La fidélité et l’action de Dieu traversent toute la Bible : Joseph, Jérémie. Et elle se répète, aujourd’hui encore ! Dieu reste le même !
Un feu
On pourrait croire que ces difficultés, c’est de l’histoire ancienne. Qu’avec Jésus, tout s’arrange, tout devient plus facile, que notre témoignage est attendu, qu’il est reçu avec joie et reconnaissance. Ce n’est pas tout à fait ce que Jésus nous dit. Je cite : « Je suis venu apporter un feu sur la terre, […] le père ne sera pas d’accord avec le fils, […] la fille ne sera pas d’accord avec la mère, […] la belle-mère ne sera pas d’accord avec la belle-fille ». Tout cela n’est pas très encourageant !
Je parlais de Joseph, tout à l’heure. On se rappelle les histoires de famille pas jolies, jolies, de l’Ancien Testament : meurtre, trahison, mensonge, jalousie, tromperie. Caïn tue son frère Abel, Sarah chasse son beau-fils Ismaël et sa mère de la tribu, Rébecca trompe son mari Isaac afin que Jacob ait la bénédiction, etc … L’Ancien Testament est truffé de ces situations peu glorieuses. Et pourtant, Dieu est là, il prend soin. Pardon, réconciliation, réparation jalonnent également les récits : Esaü et Jacob tombent dans les bras l’un de l’autre, Dieu répond à la prière d’Agar qui voit son enfant mourir, et le sauve. Joseph pardonne et se réconcilie avec ses frères qui l’avaient vendu comme esclave, pour son vieux père Jacob qui le croyait mort, c’est une résurrection.
Quand Jésus parle des désaccords dans les familles, il ne dit pas que c’est définitif. Mais il nous met en garde, nous prévient que tout ne sera pas facile, que notre témoignage, que notre foi ne seront pas forcément accueillis et partagés automatiquement par nos tout proches.
Je me rappelle, il y a 35 ans, je revenais d’Afrique, j’étais tout feu, tout flamme pour Dieu. Six mois auparavant, ma sœur m’avait demandé d’être parrain de son nouveau-né, mais ma passion pour Dieu à mon retour l’a refroidie. Elle m’a dit qu’elle demanderait à quelqu’un d’autre. Je vous rassure, notre relation est à nouveau très bonne entre ma sœur et moi, grâce à Dieu.
Un autre exemple. Dans notre paroisse, une grand-maman me partageait son désir de voir son petit-fils se tourner vers Dieu. Mais elle avait de la peine, les parents de l’enfant ne l’aidaient pas non plus.
Vivre sa foi dans le couple, dans le cercle familial ne va pas toujours de soi, mais Dieu reste fidèle.
Alors que Jésus nous met en garde contre les difficultés qui nous attendent, il dit qu’il attend impatiemment de recevoir un baptême. Pourtant Jésus a déjà été baptisé dans le Jourdain, le Saint-Esprit est déjà descendu sur lui sous l’apparence d’une colombe. De quel baptême parle-t-il ? (pause) Jésus parle de la croix sur laquelle il va mourir. Cette croix offre à chacun de nous de renaître, d’être transformés. De mourir pour ressusciter à l’image du Christ, et ceci de notre vivant. Le feu que Jésus est venu apporter sur la terre, n’a rien à voir avec ces énormes feux en France, en Espagne, qui détruisent des hectares, empoisonnent et tuent. Ce feu que Jésus apporte, donne la vie, relève, console, transforme, régénère. Bien sûr, il n’est pas accepté par tous, au même moment. Cela demande parfois du temps. Mais ne nous lassons pas d’en témoigner, de prier. N’ayons pas peur de nous brûler les doigts.
Souffrir ?
Pour terminer, écoutons l’apôtre Pierre. Pierre c’est le premier disciple que Jésus a choisi. C’est sur lui que Jésus a dit qu’il construirait son Eglise ! Et bien, tout premier de classe qu’il est, la souffrance et les insultes ne lui sont pas épargnées. Mais Pierre reste confiant. Il nous appelle même à nous réjouir.
Attention, il ne s’agit pas de rechercher la souffrance, pas besoin d’avoir mal, de s’automutiler pour être fidèle à Dieu. Mais si nous souffrons à cause de notre foi, de notre témoignage, et bien réjouissons-nous malgré tout, car nous sommes unis à Christ et nous portons son nom.
Jérémie, Jésus, Pierre. Je pourrais citer des femmes aussi, Naomie, Marie, Priscille par exemple. Ces hommes et ces femmes ont chacun, chacune, traversé des moments difficiles, mais ont aussi vécu des résurrections. Ces personnes ont toutes témoigné de leur foi, elles étaient fidèles à Dieu et lui ont fait confiance.
Je vous laisse avec cette parole de l’apôtre Pierre :
Mettez tous vos soucis dans la main de Dieu, parce qu’il prend soin de vous. (I Pierre 5.7).
10 août 2025 | Corinne Méan
De l'aveuglement à la lumière (Jean 9,1-12)
Lectures : Esaïe 42,16 ; Jean 9,1-12
Rabbi, à qui la faute si cet homme est né aveugle, à lui ou à ses parents ?
Nous avons là une conception juive de l’époque : La maladie est la marque d’une faute.
Quand l’incompréhensible d’une maladie ou d’une souffrance vient soudain bouleverser l’existence, la question qui vient souvent, c’est pourquoi ? Pourquoi faut-il que des personnes affrontent tant d’insupportable dans leur vie ?
Pourquoi le mal et le malheur s’acharnent-ils à déconstruire ce qui a souvent été construit dans la patience et l’endurance ? Des pourquoi, nous en avons plein la tête. Nous y donnons les réponses que nous pouvons, tout comme à l’époque de Jésus, les juifs donnaient la réponse qu’ils imaginaient être la bonne.
Lier le péché et la maladie a été une évidence pendant longtemps.
Aujourd’hui, la maladie n’est plus la conséquence d’une faute morale, des réflexes demeurent :
- Qu’est-ce que j’ai fait à Dieu pour que ça m’arrive ?
- Je suis moi-même responsable de mon mal : mes comportements ou mon attitude intérieure y sont pour quelque chose.
- A la maladie s’ajoute la culpabilité.
- Ou alors, des malades en veulent à leurs parents, ou à leurs proches… : ce sont eux qui ont contribué à déclencher ma maladie ou qui font que je suis dans cette situation ! Ce n’est pas aidant.
Jésus coupe le lien maladie-faute, crise-erreur, même si ça prend du temps pour déraciner des réflexes humains :
Dieu se manifeste dans ce que vit ce mendiant aveugle.
L’aveugle n’a pas de passé fautif.
Jésus invite à quitter le parce que et à le remplacer par un pour que !
Pour que soient manifestées les œuvres de Dieu en lui !
Jésus tartine de la boue sur les yeux de l’aveugle pour le guérir. Il rajoute une couche de crasse sur ce qui l’encrasse.
Utiliser de la boue, l’étaler sur les yeux ne peut qu’empirer les choses, obstruer encore plus le regard !
L’aveugle peut encore moins voir Jésus, par contre ses perceptions sont à vif. Il peut sentir : sentir l’odeur, la texture, se sentir touché, aussi par la voix, et la bienveillance qu’il perçoit.
L’aveugle n’est pas aveugle à tout. Ses yeux sont fermés mais son cœur est ouvert. Comme quoi les apparences sont trompeuses - d’une certaine manière, l’aveugle voit déjà.
D’une crasse, Jésus fait un vrai miracle.
De la terre pour façonner une partie inanimée de l’être, ça vous évoque quelque chose ?
Quand Dieu créé l’humain, il lui insuffle son Souffle de vie.
Ici, Jésus rajoute quelque chose de tout aussi personnel, de la salive.
Jésus agit comme un arrosoir de vie. Il permet une transformation du figé au révélé. Cet arrosoir de vie épouse toutes les formes possibles - la forme des yeux de l’aveugle, de son infirmité, de son regard éteint et même le regard des autres.
J’imagine notre ami avec de la boue sur les yeux : j’ai l’impression qu’il fait encore plus clochard. Jésus l’envoie à la piscine de Siloé. Comment l’aveugle se déplace ? On ne sait pas trop comment. Toujours est-il qu’il va se plonger dans l’eau, se laver et voir.
Siloé veut dire envoyé.
Jésus invite l’aveugle à lui faire confiance. Il n’attend pas qu’il soit parfait, apte, présentable. L’aveugle se déplace, se met en route avant même de reconnaître Dieu dans sa vie, avant que ses yeux s’ouvrent, avant qu’il ne quitte la mendicité, avant que les autres - qui ne le voyaient plus à force de passer à côté de lui - le voient. Être envoyé est lié à se laisser travailler intérieurement, à se bouger, pour laisser Dieu œuvrer en nous et y faire venir son Royaume. C’est le travail d’une vie, du soleil levant de notre existence et tant qu’on est en vie : travailler à répandre des valeurs d’amour, des paroles guérissantes autour de nous, en complicité avec le Christ qui n’a d’yeux que pour nous.
Jésus veut nous dire quoi en envoyant un aveugle à Siloé ? Dans envoyant, il y a voyant. C’est donc en me mettant en route vers le bassin de mes guérisons que je verrai. Jésus ne me choisit pas parce que j’ai des infirmités, des vulnérabilités, des aveuglements mais avec mes infirmités, mes vulnérabilités, mes aveuglements. Qui se laisse envoyer voit. Et la personne qui voit devient un témoignage voyant et vivant.
Les yeux de l’homme s’ouvrent sur une lumière qui est différente de la lumière du jour. Jésus nous relie à cette lumière, cette lumière a sa source en Dieu lui-même. Cette lumière brille dans les ténèbres du monde, même si elles continuent à la refuser.
Au cœur même de ce qui semble le plus terrible à vivre, là, justement Dieu survient et se rend présent.
Dieu tout Autre, Dieu Tout proche, Dieu avec nous, Dieu dans le visage du Christ qui cherche à épouser les puissances qui nous retiennent dans l’ombre et nous empêchent d’être vivants.
Nous ne pouvons pas faire que les ténèbres ne soient pas là, en nous et dans le monde. Nous ne pouvons pas non plus éviter d’être aveuglés par des illusions qui embuent notre regard. Mais quand nous n’y voyons plus rien, quand tout semble vain et désespéré, c’est là justement qu’il nous est donné de croire en un Jésus qui s’arrête auprès de l’aveugle que nous sommes.
Pour l’entourage, comment comprendre ?
Est-ce qu’il est prêt à se laisser bousculer dans sa logique ? : S’il est aveugle, c’est qu’il l’a mérité, ou du moins ses parents ! Il faut bien une explication au mal !
Chercher à comprendre le mal en trouvant un bouc émissaire, ou en accusant quelqu’un. Il m’a été confié : ah ben s’il lui arrive ce drame c’est qu’elle a dû faire quelque chose de mal ou ne pas assez croire. »
Pour justifier le mal, un drame, il faut un fautif.
Est-ce que ça tient la route ?
Vous vous souvenez de Job ? Job se sait intègre, il a la conscience légère.
Job met d’abord son énergie dans une lutte perdue d’avance pour comprendre l’injustice. Il a l’audace d’accuser Dieu, d’entrer en procès avec lui. En gros, Job lui demande de se remettre en question, d’être le Dieu juste qu’il prétend être et de faire cesser tous ses malheurs, de tenir compte de sa fidélité.
Dieu ne répond pas de ses actes, il entre en dialogue avec Job. Dieu ne se justifie pas d’agir ainsi ou pas, mais il lui pose des questions, il le fait réfléchir sur l’ordre de l’univers. Job va comprendre que tout est à un degré de complexité si intense que tout reste en dehors de la portée de sa compréhension humaine, que Dieu seul peut mettre de l’ordre dans le désordre. Dieu l’invite Job à tirer son énergie de leur relation, il l’accompagne à accepter ce qu’il ne peut changer, à lâcher prise, à arrêter de se tourmenter. Dieu va nourrir la confiance qu’il demeure de son côté parce que c’est vraiment difficile d’accepter la loi du hasard qui tombe sur le juste comme sur le méchant.
La question n’est pas de savoir si je suis juste ou pas.
La question n’est pas de savoir - comme avec notre aveugle - qui a fait faux, qui a fait mal. Je perds de l’énergie à chercher un fautif : c’est à cause d’elle, de lui, de Dieu. S’il y a une raison à une maladie, elle n’est pas dans le passé mais elle est à chercher dans l’avenir.
La question n’est pas de comprendre pourquoi la maladie mais comment manifester les œuvres de Dieu jusque dans la maladie ou dans une situation labourante. Oui, la souffrance envenime l’existence, et elle enseigne aussi. Attention ça ne veut pas dire que c’est cool de souffrir, mais ça veut dire qu’on peut en faire quelque chose.
Il y a des épreuves qui sont l’occasion d’un réveil, d’un éveil. Il y a des souffrances qui font voir ce qu’on n’avait jamais vu jusque-là, elles deviennent des signes du travail de Dieu en nous.
Les voisins et d’autres ont envie de savoir comment l’aveugle a reçu ce miracle et qui a fait ça. Comment un homme de boue a-t-il pu devenir un homme debout ?! Les voisins ont de la chance : l’ancien mendiant leur raconte ce qu’il sait, même s’il ne sait pas tout. Il ne sait pas répondre à la question, où est parti Jésus, où est parti la Lumière du monde ? C’est vrai ça, c’est une bonne question : Mais où habite la lumière ? Ni l’aveugle, ni Job ne peuvent répondre, mais tout 2 se font finalement rejoindre par elle.
Les voisins est-ce qu’ils s’intéressent vraiment au mendiant ou est-ce qu’ils sont court circuités par leur incompréhension ?
Ils auraient pu demander ; ça te fait quoi de voir pour la première fois ? Tu te sens comment ? En posant la question peut-être qu’ils auraient pu reconnaître le divin ouvrant les yeux en lui, sans chercher d’explications « terre à terre ».
Ils se seraient peut-être posé la question : est-ce que par hasard, nous serions des aveugles, nous aussi ?
Parce qu’en ouvrant les yeux spirituellement, les besoins changent. Il peut y avoir une prise de conscience d’une inversion des rôles : Qui est vraiment mendiant ? Qui est vraiment aveugle ? Les voisins mendient auprès de l’aveugle né qui voit et ne semble rien avoir. Pourtant le voici riche d’une expérience, il ne va pas se taire.
La lumière en chacun.e de nous circule lors de la rencontre des âmes entre elles.
On n’a pas besoin d’être parfait pour transmettre nos expériences avec le Vivant. On a juste besoin de se mettre en route et de dévoiler ce que nous choisissons à l’autre.
Se trouver entourés de chacune de ces flammes uniques. Regarder ces flammes qui brûlent dans le même souffle, peut nous renvoyer à l’aveugle. Individuellement et ensemble, nous pouvons être un signe vivant de la gloire de Dieu.
« Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est au-dedans de nous. Elle est en chacun de nous, et en laissant briller notre propre lumière, nous donnons incidemment aux autres la permission d’en faire autant. » (Nelson Mandela)
L’œuvre de Dieu, c’est non seulement que l’aveugle voie, mais c’est surtout que les pharisiens, qui représentent l’aveuglement de ceux qui croient savoir, se mettent à douter en disant : Est-ce que par hasard, nous serions des aveugles, nous aussi ? (v.40) C’est là qu’a lieu, en fait, le vrai miracle.
Tant que nous en restons au « parce que » qui veut expliquer le mal, nous restons effectivement dans les ténèbres de l’aveuglement. Nous ressassons éternellement du même, sans que rien ne s’ouvre en nous. Nous laisser toucher, comme l’aveugle s’est laissé toucher par Jésus, alors même qu’il n’avait rien demandé, ouvre de nouveau horizon et ça nous met de la lumière plein les yeux.
Nous devenons des envoyés voyant.
Amen.
3 août 2025 | Elio Jaillet
"Dieu t'a choisi" (1 Pierre 1,1-2)
Lectures : Esaïe 42,1-3 ; 1 Pierre 1,1-2 ; Jean 15,16-17
« Dieu t’a choisi »
Dieu t’a choisi toi. Pas quelqu’un d’autre. Il n’a pas choisi des gens en général. Il t’a choisi toi, toi tel que tu es maintenant, toi dans ta singularité, ton unicité.
Doutes
Ça peut te paraître étrange – sans doute que ça te paraît même un peu suspect. Et tu aurais bien des raisons d’être suspicieux ! Ça sent le piège à con ce truc.
Cette phrase sonne comme un appel au recrutement. L’oncle Sam, avec sa barbichette qui, l’air sérieux, pointe son doigt impérieux dans ta direction. Une manière de venir te chercher dans ta fierté, de te faire sentir important – pour mieux t’attirer dans le système ?
Cette phrase, c’est aussi une manière de venir te chercher dans ton intimité. Dieu t’a choisi toi – la phrase sous-tend qu’il sait qui tu es, toi – vu qu’il peut te choisir. Car il sait qui tu es, il sonde les secrets de ton cœur et connaît les fils de tes pensées.
Il faut le dire : c’est aussi un peu intrusif ce truc : « Dieu t’a choisi toi ». De quoi je me mêle ? Il te tend la main, pour mieux te prendre le bras.
Et pourtant, c’est bien ce qu’il a fait. Dieu t’a choisi toi. Et avec toi il en a choisi d’autres aussi – à commencer par Abraham, son fils Isaac, les enfants de Jacob, Israël et tous les membres de l’Église du Christ à travers les âges. Toutes les personnes à qui Dieu adresse cette même phrase.
Mais s’il l’a adressé à eux, il te l’adresse bel et bien à toi. Il t’a choisi toi – toi qui ne te laisses pas résorber dans la masse (même si parfois on aimerait bien), toi qui as ton histoire, tes rêves, tes envies, tes frustrations, tes parts d’ombre et tes questions.
Pour quoi est-ce que Dieu t’a choisi ?
S’il te choisit, c’est parce que Dieu veut t’embarquer auprès de Lui – Lui la source de toute vie, le puit auquel on peut se rafraichir, la joie qui irradie et s’infiltre dans les plus petites fibres de l’être.
S’il te choisit, c’est qu’il te prend auprès de lui, à cet endroit où toute chose trouve son origine, sa prime vitalité. Car là où se trouve Dieu, le désert se met à fleurir, la mer se remplit de vie – l’air devient respirable.
Mais en t’embarquant auprès de Lui il t’embarque aussi dans sa mission, dans son amour débordant. Il te choisit pour participer à ce débordement – parce qu’on ne peut pas se trouve auprès de Dieu sans que ce débordement ait lieu.
Donc en un sens : Dieu t’a choisi toi, pour que tu puisses savourer à pleine bouche ta vie, pour que tu puisses découvrir toute la richesse et la saveur indescriptible de ce qui fait ta vie – et pas celle de quelqu’un d’autre. Et à ce même endroit, il y a des vannes qui s’ouvrent, quelque chose qui déborde, qui va au-delà de toi, comme cela va au-delà de Dieu lui-même.
Pourquoi est-ce que Dieu t’a choisi ?
Dieu ne te choisit pas pour tes prouesses, tes performances. Il ne te choisit pas non plus parce que tu sortirais du lot. Il ne te choisit pas parce que tu aurais fait quelque chose d’extraordinaire, que tu serais quelqu’un de bien placé ou que tu aurais compris quelque chose qui échapperait aux autres. Ce n’est pas une question de mérite.
Il te choisit tel que tu es maintenant. Pas pour ce que tu as fait – pas non plus pour ce que tu feras. Dieu ne te choisit pas pour ton potentiel. Tu n’es pas un poulain sur lequel Dieu fait un pari, du style « toi je crois en toi ! » – et sous-entendu : j’attends que tu me rapportes des points.
Et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit – ce n’est pas non plus à cause de tes défauts que Dieu te choisit. Ce n’est pas parce que tu serais particulièrement pauvre, impuissant, malheureux, en mauvais état ou que sais-je encore que Dieu te choisît. Je sais que quand on est protestant, particulièrement dans le canton de Vaud, on tend à favoriser l’humilité, la discrétion, une certaine forme d’effacement de soi. Mais ce réflexe est mal placé ici : si Dieu ne te choisit pas à cause de tes succès passés ou à venir, ce n’est pas non plus à cause de tes échecs, ou quoique ce soit d’autres de ce style, qu’il te choisit.
S’il te choisit toi, c’est pour la simple raison qu’il t’aime, qu’il veut s’engager pour toi, pour ton bien, pour l’épanouissement de ta vie – comme il s’engage aussi pour d’autres, leur bien et leur épanouissement.
Encouragements
Et je le crois quand il dit qu’il t’a choisi, de la même manière que je crois qu’il a ressuscité Jésus-Christ d’entre les morts, qu’il est son Fils, vivant auprès de Lui et vivant en nous par son Esprit.
Et alors j’aimerais t’encourager dans ton élection – car Dieu sait qu’être élu de cette manière n’a rien d’une évidence, que ça n’est le fruit d’une simple déduction, d’une observation que l’on pourrait faire au quotidien.
J’aimerais t’encourager à écouter : à tendre l’oreille, à aménager l’espace et le temps pour laisser résonner les harmoniques de cette phrase « je t’ai choisi toi », dans ta vie, entre les lignes de la Parole que Dieu a tracé dans les Écritures, dans les échos qui rebondissent dans le monde.
Parce que toute la profondeur de ce choix de Dieu – ce choix qu’il a pris à ton égard – ne saute pas toujours aux yeux, parce que ses enjeux sont plus ou moins clairs, plus ou moins évidents. Parce qu’il faut sans doute s’y reprendre à plusieurs fois avant de comprendre la portée de ce choix – ou simplement pour en percevoir les différents aspects, comme il faut du temps pour percevoir les replis d’une toile, d’un tissage, que nous ne finissons pas de découvrir.
Écouter – encore et encore : parce que je te le dis maintenant d’une certaine manière, mais que cela t’a déjà été dit d’une autre manière, et te seras encore dit d’une autre manière, une manière que je ne peux moi-même pas entrevoir, qu’il m’est impossible d’entrevoir.
J’aimerais aussi t’encourager à partager – à partager cette phrase (« Dieu t’a choisi ») à ne pas la garder pour toi, mais à la laisser résonner par-delà toi. À lui donner toute son ampleur : c’est-à-dire, une ampleur dont ni toi, ni moi, ne connaissons encore les limites. Comprends-moi bien : je ne dis pas que tu dois la répéter de manière littérale, comme un perroquet qui répète ce qu’il a entendu.
Ce que je veux dire c’est : laisse à cette phrase toute son ampleur. Laisse-la te surprendre, laisse-la te déborder : tout comme le débordement de l’amour de Dieu a débordé jusqu’à toi.
Car si Dieu t’a choisi toi, pour être à la source, pour demeurer dans son amour, c’est que ton histoire ne s’est pas encore arrêtée, qu’il y a encore quelque chose à venir, qu’une nouveauté inattendue peut survenir au contact de ce débordement – qui jaillit sur toi et depuis toi dans le monde.
Est-ce que je peux vraiment dire beaucoup plus que ça ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si je peux être plus précis, plus direct : je ne suis pas toi et je ne suis pas Dieu.
Mais grâce à Dieu, je crois que cette phrase est vraie : Dieu t’a choisi toi, comme il a choisi Jésus-Christ, notre frère, en lui donnant sa vie, en le ressuscitant d’entre les morts en étant avec lui jusqu’à la mort sur cette croix. Et je crois que ce choix change quelque chose dans le monde. Qu’il le transforme. Qu’il le transfigure.
« Voici mon serviteur, je le tiens par la main, c’est lui que j’ai choisi avec joie. […] Je te prends par la main. C’est moi qui t’ai formé. […] tu es la lumière des habitants de la terre. » (Esaïe 42,1-6 – extraits) Comme Jésus-Christ, son Fils bien aimé, tu es cette lumière aussi. Car il t’a choisi.