Vos lieux de culte Église 29

Les ministres de la paroisse partagent leur prédication

Les ministres déposent régulièrement leurs prédications sur le site de la paroisse afin de permettre aux personnes qui le désirent de retrouver l’essentiel de la prédication du dimanche.

La prédication depuis le lutrin ou la chaire ne se réduit pas à la lecture d’un texte. En effet, le prédicateur prend toujours des libertés face à son texte écrit, parce qu’il a devant lui une assemblée avec laquelle il entre en interaction au fur et à mesure que se vit la prédication.

Nous vous souhaitons une agréable lecture et n'hésitez pas à prendre contact avec la prédicatrice ou le prédicateur du jour.

 

Lectures: Genèse 8,20-22 ; 1 Pierre 2,4-10 ; Matthieu 5,14-17

Une série sur 1 Pierre

Durant ces deux dernières semaines, j’ai proposé quelques méditations sur la vie chrétienne : la première autour de la joie et de la source qui permet de nourrir cette joie, la deuxième autour de l’appel à la sainteté, comme une manière de nous placer dans la créativité divine, dans la lutte et la résistance face à ce qui vient distordre la relation que Dieu a avec ses créatures (le mal, le péché, la mort). 

Cette semaine je vais me concentrer sur un troisième point, qui se rapporte à la mission qui est la nôtre comme Église de Jésus-Christ, comme chrétiens et chrétiennes.

Habituellement quand on parle de la mission, on cite volontiers ces versets bien connu de la fin de l’évangile selon Matthieu : « Allez, faîtes des gens de toutes les nations des disciples, baptisez-les au nom du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint et enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai commandé. » (Mt 28,19-20a) « Faire des disciples », « baptiser », « enseigner » – à vos ordres mon commandant ! Dit comme ça, ça paraît tout simple non ? 

Mais aujourd’hui j’aimerais vous proposer un autre texte, toujours dans la première lettre de Pierre : « Vous servirez à construire la maison de l’Esprit Saint. Vous formerez une communauté de prêtres saints, pour offrir des sacrifices spirituelle, que Dieu acceptera à cause de Jésus-Christ […] Vous êtes le peuple que Dieu a choisi pour annoncer les grandes choses qu’il a faites. » (v. 5 et 9 PDV).

Nous sommes une nation de prêtres, un « sacerdoce royal ». C’est la même déclaration que Dieu a fait au peuple d’Israël, sur les versants du mont Sinaï, alors qu’il venait de les libérer de l’esclavage et qu’il s’apprêtait à se lier à eux, à faire alliance. La première lettre de pierre rejoue ici sur ce moment fondateur de l’histoire du peuple élu, ce moment où le peuple reçoit sa tâche, sa raison d’être dans le monde : être une nation sainte, un peuple de prêtre dans le monde. 

L’auteur de la première lettre de Pierre veut nous parler du point où tout commence, de l’origine de l’Église, du moment dans lequel nous trouvons notre identité comme chrétiens, le moment où nous recevons notre propre mission – une mission qui se situe dans la continuité de celle dévolue au peuple élu, tout en la renouvelant.

Que font des prêtres ?

Cette mission est liée à la prêtrise : nous sommes appelés à être prêtres. Entrons dans les détails de ce que ça pourrait vouloir dire. 

Dans l’antiquité, les prêtes ont un certain nombre de tâches à leur actif : ils sont des référents en matière de pureté, ils peuvent entrer en contact avec le sacré, ils parlent avec les dieux, soignent leurs effigies, s’occupent le temple, ils font parfois des divinations, etc. Leur rôle, c’est de gérer les activités liées au divin et au sacré. Une activité qui se trouve au centre de leur cahier des charges, c’est le sacrifice – un autre terme central dans le texte que nous avons entendu. Être prêtre, c’est réaliser des sacrifices. 

Quand on parle de sacrifice dans notre culture, on imagine une transaction : le sacrifice désigne le prix à payer pour accéder à quelque chose. Je suis prêt à sacrifier un peu de mon temps, ou de mon argent, pour une bonne cause, un achat que je veux faire, pour faire plaisir à quelqu’un, etc. Le sacrifice fonctionne comme une transaction économique. Ce n’est pas tout à fait comme cela que ça marche dans l’antiquité : ou tout du moins, cette perspective est trop restreinte.

Dans l’antiquité, le sacrifice assure la permanence du lien entre le monde des dieux et le monde des vivants. Le sacrifice permet d’entrer en contact avec le divin, d’honorer sa présence. La meilleure image est sans doute celle du repas : le sacrifice est le moment où l’on partage le repas avec la divinité et la consommation des offrandes, le fait qu’elles soient brûlées par exemple, est comme une manière de signaler que la divinité a pris part au repas, qu’elle a pris sa place à table, qu’elle est présente parmi nous – et que nous pouvons en conséquence bénéficier de sa présence. C’est pour cela que les sacrifices sont quotidiens : parce que c’est tous les jours que le peuple dépend des bénédictions que lui accorde la divinité. Certains sacrifices ont pour rôle de manifester la purification ou de réparation d’un tort commis. Mais là aussi, c’est plus large qu’une simple transaction : le sacrifice c’est le moment de la communion, où le divin est présent au peuple et vice-versa.

L’offrande avec laquelle je viens (les animaux, les fruits de la terre, l’argent) vise à honorer la présence des hôtes : comme la bouteille de vin que j’apporte quand je viens à un repas. Ou simplement les bons vœux que j’adresse à celles et ceux qui m’ont invité.  Le sacrifice concerne la relation entre la divinité et son peuple, une relation qui relève d’une logique du don et de la surabondance.  Je veux le dire simplement le sacrifice c’est ce que nous donnons en signe de reconnaissance d’un bien que nous avons déjà reçu. Et dans la culture antique, le prêtre est celui qui permet à ce don de se réaliser.

Jésus-Christ appelle pour sa part à un recentrement du sacrifice : il voit bien comment tout le système qui s’est organisé autour du temple détourne en fait le sacrifice de son sens initial, qui est de manifester la reconnaissance envers Dieu. Il suffit de penser à l’épisode des marchands du temple.

Alors vient cette idée du sacrifice spirituel : le sacrifice spirituel n’est pas un sacrifice immatériel, mais un don qui s’enracine dans l’œuvre de l’Esprit-Saint. Il devient ce que nous donnons dans l’Esprit du Christ – et la première lettre de Pierre renvoie à différentes choses : l’amour mutuel, le don de soi, la contribution au bien commun. Mais ce choses ne sont pas comme telle un sacrifice spirituel. Ce n’est pas parce qu’on contribue au « bien commun » qu’on réalise son sacrifice spirituel. Ce sacrifice est spirituel lorsqu’il manifeste les œuvres merveilleuses de Dieu. Il est spirituel parce qu’il relève uniquement du don, parce que nous n’attendons rien en retour, parce qu’il est un pur acte de reconnaissance à l’égard de Dieu, qui nous a tout donné.

Qui est prêtre / prêtresse ? 

 L’accès à cette prêtrise n’est plus limité par l’appartenance à une famille, ou à une caste : elle est ouverte à toutes celles et ceux qui mettent leur confiance en Jésus-Christ et dans celui qui l’a relevé d’entre les morts.

La prêtrise du peuple d’Israël est fondée dans la libération du peuple hors d’Égypte. La prêtrise des chrétiens est-elle fondée dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, qui élargit la libération à l’ensemble des peuples de la terre, à toute la Création. Dans la foi, nous découvrons que notre liberté, la vie éternelle, la joie, la sainteté nous sont données, et reconnues gratuitement, dans la vie de cet homme.

Les sacrifices que nous apportons devant Dieu, rappelle au monde que c’est de cette gratuité que nous vivons. Ils montrent au monde où la vie trouve sa source : dans cet amour infini, dans ce don sans conditions. Et ces sacrifices nous pouvons les faire partout où nous nous vivons : dans notre vie de famille, dans notre travail, dans nos engagements divers et variés, dans notre cheminement personnel. Le temple où nous réalisons notre sacrifice, c’est notre personne, c’est nous-mêmes et les situations dans lesquelles nous nous trouvons – parfois avec d’autres croyants, parfois comme seul chrétien, mais toujours avec l’aide de Dieu.

Alors j’aimerais vous y encourager, à trouver dans votre quotidien ces moments où vous amenez votre bouteille à la table de Dieu – où le moment présent, quel qu’il soit, devient la fête de la reconnaissance gratuite vécue avec Dieu. Parce que vous êtes prêtres et prêtresses de ce Dieu, pour le monde, pour la joie de son salut.

Amen

Elio Jaillet

Lectures : Esaïe 29,22-24 ; 1 Pierre 1,13-21 ; Marc 19,18-23

Une série sur 1 Pierre

la semaine passée, j’ai insisté sur la thématique de la joie et sur la promesse de vie qui permet de ressourcer constamment à neuf cette joie. Et j’ai indiqué à la fin de la prédication que la vie, la mort et la résurrection de Jésus sont les signes que Dieu a placés dans notre histoire, dans notre monde, pour montrer comment il compte tenir cette promesse, la réaliser – pour nous aussi. Cette référence à la vie, à la mort et à la résurrection de Jésus est revenue de manière forte à la fin du texte de la première lettre de Pierre : c’est réellement elle qui fait office de point de référence pour tout ce que nous avons à comprendre de notre vie en présence du Dieu vivant.

Elle sert également de point de référence pour ce que j’aimerais aborder aujourd’hui avec vous : la thématique de la sainteté. C’est important de le rappeler, parce qu’avec la thématique de la sainteté on s’engage en fait sur un chemin dangereux, plein d’embuches et de contresens possibles : un chemin qui plutôt que de nous libérer, présente le risque de nous enfermer à nouveau – la méditation de la mort et de la résurrection de Jésus sont là pour contrer ces formes d’enfermement. Je vais y revenir.

L’appel à l’exigence

Mais donc, la sainteté : je vais re-citer l’extrait que je veux mettre au centre de cette prédication. « Comme des enfants obéissants, ne vous conformez pas aux désirs que vous aviez auparavant, alors que vous étiez ignorants ; mais, de même que celui qui vous a appelés est saint, vous aussi devenez saints dans toute votre conduite, puisqu'il est écrit : vous serez saints, car, moi, je suis saint. Et si vous invoquez comme Père celui qui, impartialement, juge chacun selon ses œuvres, conduisez-vous avec crainte pendant le temps de votre séjour à l’étranger. » (1 P 1,14-16)

Un texte dense, plein d’allusions, que je veux essayer de résumer de la manière suivante : si vous vivez de la foi née de la mort et de la résurrection de Jésus, alors vous êtes appelés à vivre d’une certaine manière. Car, la manière dont vous vivez n’est pas égale pour ce Dieu en qui vous portez votre foi : vous êtes appelés à être saints, comme lui est saint.

Être chrétien, c’est donc suivre un appel à être saint. C’est se mettre à l’école d’une certaine exigence.

Impasses

Avant de dire de manière positive ce qu’il en est de cette sainteté – comment on pourrait la comprendre – je veux indiquer quelques impasses : dans le christianisme on a en effet fait tout un tas de choses de cette exigence de sainteté qui l’ont détourné, qui l’ont mise au service d’une logique de soumission et de tristesse qui n’a rien à voir avec la vie que Dieu nous donne et veut toujours nous donner.

Une première impasse, ce serait de comprendre l’exigence de sainteté comme une exigence de perfection. Être saint, c’est être parfait comme Dieu est parfait. Cette piste mène au burnout, au désespoir. L’exigence de sainteté ne veut pas dire que nous devons œuvrer à être parfait. 

Une deuxième impasse serait de comprendre l’exigence de sainteté comme une exigence de pureté – il y a des choses avec lesquelles nous pouvons entrer en contact, d’autres avec lesquelles on ne peut pas entrer en contact sans cesser d’être saints. Je ne vais pas m’étaler là-dessus, mais toute la vie de Jésus s’oppose à une telle conception de la sainteté.

Une troisième impasse serait de réduire l’exigence de sainteté à une question d’obéissance morale : il s’agirait au fond de chercher à faire le bien en toutes choses – alors : ne le voyez pas comme un encouragement à faire le mal ! Mais il y a des situations où la division binaire entre le bien et le mal ne fonctionne tout simplement pas, où elle est mise en échec – et c’est précisément ce genre de situation qui appelle à la sainteté !

Conception positive de la sainteté

Maintenant que j’ai pris le temps de dire ce que n’est pas cette exigence de sainteté, je veux essayer de dire ce qu’est cette exigence de manière positive – et vous avez le droit de ne pas être d’accord ! 

La sainteté désigne d’abord quelque chose qui appartient à Dieu, ou à la sphère du divin. Dieu est saint. Et ce qui appartient à la sphère d’influence, ou de présence, de Dieu est saint. C’est une première manière de définir la sainteté.

Et ça veut dire une chose importante qu’il faut avoir à l’esprit : quand Dieu attend de nous que nous soyons saints, cela veut dire qu’il attend de nous quelque chose qu’il attend de lui-même. L’exigence de sainteté nous appelle à nous tenir dans la présence de Dieu – non pas à distance de Dieu. Dans ce que nous faisons, nous sommes comme imbibés de lui et par lui. Être saint, ça veut dire être ce que Dieu a le plus en propre – ça ne veut pas forcément dire être divin. Parce que Dieu reste Dieu et nous ne sommes pas Dieu. Mais être saint, cela signifie en tout cas être pleinement en présence de Dieu.

Bon. C’est une conception très formelle de la sainteté. Ça ne nous dit pas encore ce que ça change cette sainteté.

Pour cela c’est intéressant d’aller voir dans quels contextes dans l’Ancien Testament on parle de Dieu comme de celui qui est saint. Ce sont toujours des situations où le peuple élu rappelle l’œuvre libératrice de Dieu – où il chante le fait que le Seigneur a libéré le peuple de l’esclavage, qu’il l’a protégé des armées ennemies, qu’il lui a donné le pays, etc. Vous pourriez aller relire le Cantique de Myriam au chapitre 15 de l’Exode (versets 11 et suivants) – c’est très parlant !

Dans sa sainteté Dieu apparaît comme un Dieu qui libère et qui fait vivre. C’est aussi ainsi qu’apparaît Jésus dans les évangiles et très explicitement dans le récit d’exorcisme de l’évangile selon Marc que nous avons entendu tout à l’heure : Jésus vient libérer les personnes des puissances spirituelles dont elles sont les esclaves. C’est ce qui apparemment permet de le qualifier comme le Saint de Dieu.

Dans sa sainteté, Dieu se révèle comme celui qui lutte contre les forces du mal, du péché, de la mort – la sainteté c’est ce qui refuse ces forces. Cela signifie que notre propre sainteté va elle aussi être marquée de ce mouvement, de cette lutte. Attention : je ne fais que parler d’un mouvement général. Cela ne nous dit encore rien de la manière dont nous-mêmes participons de cette lutte. De la forme concrète que le mouvement doit prendre. Là il faut faire un pas de plus, qui anticipe un peu ce dont il sera vraisemblablement question pour le culte de la semaine prochaine.

En effet, on pourrait être tenté de dire que Dieu nous a donné aussi dans les détails la manière de mettre en œuvre cette lutte – oui, d’une certaine manière il le fait : justement dans la vie, la mort et la résurrection de Jésus, il nous montre définitivement comment il est le Dieu Saint. Mais par cette manière de faire Dieu, déjoue toutes les rigidifications, en fait toutes les sacralisations d’une manière de vivre ou d’être cette sainteté.

Le texte d’Esaïe au chapitre 29 offre une pointe intéressante à ce titre : l’action libératrice de Dieu invite à l’enseignement. On peut le dire ainsi : en libérant son peuple, Dieu renouvelle aussi la compréhension que le peuple a de Dieu et la compréhension de ce que Dieu attend de son peuple en matière de sainteté. 

C’est là aussi ce qui se passe avec Jésus : il renverse les attentes en matière de salut. Il renouvelle l’interprétation de la Loi. C’est en perdant sa vie qu’il l’a gagné. Paul parle ici de la parole de la croix (1 Co 1,18) : une réalité qui renverse nos attentes et nos représentations de ce qu’il faut faire dans la présence de Dieu. Ainsi en est-il de la sainteté de Dieu.

Et c’est pour cela que le passage de la première lettre de Pierre en appelle tout autant à l’intelligence qu’il en appelle à la foi. Être saint est une invitation à s’engager activement dans un chemin de découverte – il ne s’agit pas de suivre aveuglément des règles. Il s’agit de discerner en fonction de la situation présente ce que la sainteté invite à dire et à faire en vue de la lutte contre les puissances du mal, du péché et de la mort.

Pour résumer

Vivre la foi chrétienne, c’est se mettre à l’école de Dieu lui-même – c’est ça la sainteté. 

Vivre la foi chrétienne, c’est s’inscrire dans ce mouvement de lutte et de libération à l’encontre des puissances qui déforment la création de Dieu – c’est ça la sainteté. 

Vivre la foi chrétienne, c’est, à la lumière de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, développer une écoute attentive et intelligente des situations dans lesquelles nous nous trouvons, afin de découvrir ce que Dieu invente pour cette situation et ce que cette invention nous invite à dire et à faire – c’est ça la sainteté. 

La sainteté, c’est pour nous un apprentissage continu de la puissance créatrice et libératrice du Dieu Éternel, ancré dans la confiance et l’espérance. 

Amen.

Elio Jaillet

Lectures : Genèse 17,1-8 ; 1 Pierre 1,3-9 ; Jean 10,27-30

Une série sur 1 Pierre

Nous vivons une période curieuse – nous avons d’une certaine manière à réapprendre ce que ça veut dire d’être chrétien aujourd’hui : chaque génération a dû le faire, mais ce qui est particulier pour nous, c’est que nous sortons d’une période où « être chrétien » était une espèce d’évidence sociale, partagée par tous et toutes dans notre canton. 

Avec cette prédication et les deux prochaines, je propose de nous plonger dans quelques « fondamentaux » de la vie chrétienne. 

La première lettre de Pierre est intéressante pour faire cela. Elle a été écrite à une période où les premières communautés chrétiennes essayaient de trouver leur place dans l’Empire. Elles l’ont fait non pas dans une perspective de replis, en s’isolant ou en se cachant, mais dans une perspective d’ouverture et de participation à la vie du monde. 

Ancré dans la joie

Une des « marques de fabrique » de cette première communauté est la joie : une joie débordante. Une joie « indicible » et « glorieuse » comme le dit la première lettre de Pierre. Malgré les « souffrances » bien réelles que le monde inflige aux personnes qui se disent chrétiennes, celles-ci rayonnent d’une manière que rien ne peut étouffer – c’est ce que semble affirmer l’auteur de la lettre.

Cette joie n’est pas une illusion, une autosuggestion – elle s’ancre dans quelque chose qui nous dépasse. La joie c’est quelque chose qui nous saisit entièrement. Lorsque nous sommes dans la joie, nous le sommes entièrement. C’est pleinement nous. Et en même temps, cette joie a son origine en dehors de nous. Nous ne sommes pas tout seuls avec cette joie. C’est une joie que nous partageons dans le corps de l’Église, mais aussi avec l’ensemble de la Création – et finalement avec Dieu lui-même.

Sur quoi s’appuie cette joie ?

Pour la suite de ce message, je veux aborder l’ancrage de cette joie – depuis où est-ce que l’on vit comme chrétien ? Qu’est-ce qui est à la source de cette joie ?

Cette question se pose, parce que cette joie n’a en fait rien d’évident. On ne peut pas la réduire à un simple plaisir – même s’il peut tout à fait y avoir du plaisir ! La première lettre de Pierre est claire : la communauté est « attristée par diverses épreuves » (v. 7). La communauté vit des situations qui contredisent la joie, qui posent comme un voile de tristesse sur leur vie. 

Chercher à mettre des mots sur le fondement de la joie, c’est alors indiquer ce qui ressource cette joie, ce qui fait qu’elle est plus rayonnante que toutes les vexations que l’on peut subir du fait d’être chrétien, qu’elle n’est pas simplement livrée aux aléas de l’histoire

Notre héritage : quèsaco ?

Je crois que c’est de cela que parle le verset que j’ai mis en exergue pour cette prédication : l’auteur de la lettre parle d’un héritage que Dieu a réservé « aux siens », un héritage qui ne peut être altéré. Il reste intègre, ne perd pas de sa valeur ni de son éclat.

L’image de l’héritage est forte. Elle nous indique un bien qui nous revient de plein droit. Dans nos cultures on lie souvent l’héritage au moment du décès : une part de ce qui appartenait à une tierce personne nous revient à nous au moment où celle-ci ne peut plus en profiter. L’héritage est hautement réglementé par le droit de succession. Avec l’héritage nous nous retrouvons dans une chaine de personnes – celles qui nous précèdent, celles qui nous suivront.

De quoi est-il donc question ici ?

La terre promise

Dans la tradition biblique, l’héritage est abordé essentiellement dans le cadre de la relation entre Dieu et le peuple qu’il s’est choisi parmi les nations, le peuple élu. L’héritage porte ici essentiellement sur une chose : la terre promise – une terre qui fait couler beaucoup de sang. La terre c’est le fait d’avoir un lieu où l’on peut vivre et grandir. Un territoire à cultiver, un lieu où s’abriter, un lieu de liberté et non d’esclavage.

Mais dans le texte biblique, cette terre n’est justement pas disponible : elle est promise. Pour vous qui avez été déporté, pour vous qui êtes partis en exil, pour vous qui marchez sur les routes du monde, sans avoir de cité qui vous appartienne, il y aura un lieu pour vous.

L’héritage ce n’est pas la terre : c’est la promesse qu’il y en aura une. La promesse ne nous oriente pas sur quelque chose qui serait disponible, mais sur quelque chose qui doit encore se passer, qui doit encore advenir.

Le royaume

Avec Jésus-Christ, cette promesse s’élargit du peuple d’Israël à tous celles et ceux qui se lient à lui dans la confiance. Paul utilise cette idée qu’en Christ nous sommes adoptés par Dieu, intégré dans la lignée du peuple élu – ce qui nous fait participer à son héritage (Galates 4,5). 

En Christ, le sens de la terre promise se précise : il ne s’agit pas simplement de posséder un territoire que l’on pourra administrer de manière souveraine. Il s’agit de la promesse d’une vie possible, une vie libre, heureuse, entière, malgré les échecs, la mort et les servitudes infligés par les aléas de l’histoire. Une vie qui commence dans le périmètre de Jésus de Nazareth, mais qui l’excède, le dépasse lui-même : une vie que les textes du Nouveau Testament appellent le « royaume ». C’est non seulement une terre qui est promise, mais aussi une certaine manière de pouvoir y vivre.

La vie éternelle

L’évangile selon Jean va le plus loin : ce qui est promis, c’est que nous devenions nous-mêmes porteurs de la vie éternelle, d’une vie débordante et généreuse – parce que par son Esprit, Dieu vient faire sa demeure au milieu de nous, au cœur de notre vie, comme il l’a fait en Jésus-Christ.

Résumé

La promesse d’une terre pour vivre, d’un royaume de liberté, du don de la vie éternelle. La première lettre de Pierre parle sobrement de notre salut (v. 9). Ce mot bien chargé, mais qui maintenant gagne peut-être un peu en contenu.

L’héritage qui ne peut être altéré, c’est cette promesse : que nous aurons un lieu pour vivre, que nous pourrons vivre pleinement, que nous-mêmes deviendrons une source de vie – parce que Dieu, le créateur, vient au plus proche de nous. 

Je découvre l’héritage dans l’histoire de Jésus

Notre héritage, c’est la promesse que le salut viendra. Et c’est sur cet héritage que peut s’appuyer, se ressourcer notre joie – que celle-ci trouve son principe d’existence.

Maintenant vous vous dîtes peut-être que ça vous fait une belle jambe d’être héritier d’une promesse. La promesse manque de concrétude, d’assurance. La promesse vaut quelque chose que si celui qui l’a fait s’avère être fiable. 

Dieu tient-il sa promesse ? Est-il fiable ? À cette question, la communauté chrétienne répond oui – elle se risque à cet acte de confiance. 

La résurrection de Jésus, la résurrection de celui qui a été crucifié est le signe que Dieu a posé dans le monde, pour montrer qu’il se tient à sa promesse – même là où apparemment il n’y avait qu’un grand échec, une grande déception, un grand refus. C’est le signe que Dieu reste avec nous jusqu’au bout, pour ouvrir des possibilités de vie insoupçonnées – que rien n’est si perdu, si éloigné, ou altéré au point de ne pouvoir être au bénéfice de la promesse. Avec la résurrection, Dieu montre que rien ne nous coupe de cet héritage.

C’est pour cela que nous méditons la vie de Jésus, pour que nos yeux et nos cœurs s’ouvrent à la réalité de cet héritage, à la promesse qui nous est encore et toujours adressée. 

« Dans sa grande bonté, l’Éternel nous a fait naître à une vie nouvelle, en ressuscitant Jésus Christ d’entre les morts, afin que nous ayons une espérance vivante » (1 Pierre 1,3) voilà la source et le fondement de cette joie chrétienne. Celle des premières communautés – celle qui nous est promise à nous aussi. Amen

Elio Jaillet

Lectures : Ex 13,20-22 ; Ex 15,10-16.22 ; Actes 2,1-11

LE SABLE, LE DÉSERT

Ce matin, nous allons un peu voyager. Vous voyez ce sable sur la table ? Imaginez-vous sur une plage. Vous êtes pieds nus, vous marchez sur le sable chaud, il passe entre vos doigts, vous réchauffe, vous procure une sensation agréable dans le tout le corps.  

Cela me rappelle des bons moments passés sur la plage du côté d’Aigues-mortes avec des catéchumènes. Chaque année, à L’ascension je vivais un camp sur les pas des Huguenots. Nous découvrions l’histoire des protestants français persécuté pour leur foi. Les Huguenots se réunissait dans des endroits discrets, caché, isolés, loin de tout. C’était là, dans une clairière, une grotte, une grange,  qu’ils célébraient leurs cultes, se mariaient, baptisaient leurs enfants. Ces endroits à l’écart, les Huguenots les appelait « Déserts ». En référence au désert que les Hébreux avaient traversé en vue d’une Terre promise.  

Le désert, un temps d’épreuves, une période difficile. Mais aussi un temps de promesse de confiance. Un lieu de communion, de rencontre. Dieu a accompagné son peuple. il l'a accompagné durant toute sa pérégrination dans le désert.  Dieu n'a jamais abandonné son peuple.

Pour signifier sa présence, on l’a entendu, une colonne de fumée précédait le peuple le jour, et une colonne de feu  la nuit pour les éclairer. Durant quarante ans, Dieu a accompagné son peuple, l'a précédé sur son chemin.  Si nous regardons cette surface de sable sur la table, on peut imaginer le désert, (caresser le sable) et la colonne de feu représentée par la bougie (allumer la bougie et la placer au centre du sable).

Cette nuée le jour, cette colonne de feu la nuit dans le désert font écho au récit de la Pentecôte entendu tout à l'heure. Les croyants: des hommes, des femmes, sont réunis au même endroit. Tout d'un coup le bruit d'un vent violent résonne dans la pièce. Des flammes de feu se mettent à descendre sur chaque personne présente. 
L'analogie n'est pas innocente. Dieu est fidèle à son peuple. Il ne l'abandonne pas. Les Hébreux ont souvent regretté l'Egypte, qui leur assurait la nourriture et un toit. Les disciples, après avoir pris congé du Christ ressuscité, étaient eux aussi un peu désemparés, orphelins. Jésus leur avait dit d'attendre. Et c'est lors de la Pentecôte que Jésus vient habiter en chacun d’eux par son Esprit.  

LES 10 COMMANDEMENTS 

La Pentecôte, c'est le jour où Moïse a reçu les tables de la loi, le jour où Dieu a donné à son peuple les 10 commandements. Une sorte de charte pour vivre ensemble, un cadre de vie. Ces dix commandements sont souvent vus comme un bloc de pierre, massif, brutal, un peu comme celui apposé contre le mur de certaines églises.

Et pourtant, les dix commandements, c'est une lettre d'amour de la part de Dieu à son peuple. Il ne nous a pas donné ces règles pour nous embêter, pour nous brider. Au contraire, c'est pour nous permettre de vivre, de nous épanouir. Ces lignes gravées dans la pierre, cette lettre d'amour de Dieu pour son peuple, est une lettre éternelle. Les Hébreux ne s'y sont pas trompés. Ils ont gardé cette lettre dans le coffre de l'Alliance. Partout où ils étaient, cette lettre les accompagnait. C’était dans sa proximité que Moïse rencontrait Dieu, parlait avec lui, transmettait au peuple ce que Dieu lui avait partagé, comme avec un ami. 

Une fois le peuple hébreu établi en Terre promise, cette lettre d'amour a été placé dans le temple à Jérusalem.  

Aujourd'hui, Pentecôte commémore toujours le don de la loi, mais cette loi n'est plus inscrite sur de la pierre, elle est inscrite dans notre cœur, grâce au St-Esprit. D’ailleurs, plutôt que « loi », le mot hébreu peut aussi se traduire par « témoignage ». Le témoignage, c’est quelque chose de personnel, de vivant, c’est comme un cadeau qu’on offre à quelqu’un en qui on a confiance. Dieu a confiance en nous et nous offre son témoignage. Une lettre d'amour que nous avons toujours avec nous, le témoignage que Dieu nous aime, qu’il prend soin de nous et nous accompagne.

Le prophète Ezéchiel l'avait annoncé: Je mettrai en vous un esprit nouveau, dit le Seigneur, j'ôterai le cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. (Ez 11.19).  

Ce n'est pas par hasard si Dieu a choisi la fête de Pentecôte pour donner son Esprit aux croyants. Le peuple de Dieu aujourd'hui, ce n'est plus seulement Israël, c'est tous les croyants. Les Hébreux avaient reçu le don de la loi sur le mont Sinaï, par la main de Moïse. Le nouveau peuple de Dieu, reçoit le St-Esprit, dans son cœur, grâce au nouveau Moïse, Jésus-Christ. Et cela le jour de la commémoration du don de la loi. Une belle continuité.

ALLIANCE

Ce dimanche de Pentecôte est aussi dans notre Eglise le culte de l’Alliance. L’occasion de renouveler notre lien à Dieu, de lui redire notre confiance, notre reconnaissance.

Dans la Bible, les exemples sont nombreux : 
Noé, suite au déluge, a élevé un autel pour remercier Dieu. Et Dieu lui a renouvelé son alliance. Vous vous rappelez le signe ? Un arc-en-ciel bien sûr ! Cette alliance ne concernait pas seulement les hommes et les femmes, mais toutes la Création. 
Plus tard, Abraham et Sarah, renouvelèrent de nombreuses fois leur alliance avec Dieu.  
Puis Ruth, David, Esther, Josias, Marie, Pierre, Lydie, et bien d’autres encore. Ils sont nombreux celles et ceux qui ont renouvelé leur alliance avec Dieu.  

Et nous aujourd’hui ? 
Avons-nous le désir de resserrer les liens, de renouveler notre Alliance avec Dieu, de le remercier pour sa présence lors d’un événement, de lui demander pardon pour avoir douté de lui, de rechercher son soutien pour cheminer avec lui aujourd’hui, d’ouvrir notre cœur pour accueillir le St-Esprit ?

Conclusion

Dieu avait promis à Abraham des descendants aussi nombreux que les grains de sable sur le bord de la mer (Gn 22.17). (caresser le sable) Cette promesse a commencé à se réaliser à partir de la Pentecôte à Jérusalem. Depuis ce jour-là, Dieu offre son Esprit à tous les croyants.

Olivier Rosselet

Pensée du jour

Il y avait là une femme nommée Lydie, marchande de pourpre, de la ville de Thyatire, adoratrice de Dieu. Elle écoutait, et le Seigneur lui a ouvert le cœur pour qu'elle s'attache à ce que disait Paul. (Actes 16,6-15 "v.14")

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