Le Billet: Le Chabbat de la Consolation

18 août 2025

Chaque été, à la mi-août ou presque, une voix se lève dans la tradition juive. Elle ne parle pas de soleil ni de vacances, mais de consolation. Ce « Chabbat Na'hamou », littéralement « le Chabbat de la Consolation », ouvre une période de sept semaines de réconfort spirituel, après trois semaines de deuil et de souvenirs douloureux.

Tout commence par cette injonction étonnante : « Consolez, consolez Mon peuple », prononcée par le prophète Isaïe. Pourquoi répéter deux fois le mot ? Serait-ce que certaines blessures demandent une double dose de douceur ?

Nous vivons dans un monde saturé de bruit et d’informations, mais souvent bien pauvre en paroles de consolation. Or, la consolation n’est pas simplement un apaisement émotionnel. C’est un acte éthique. Consoler, c’est reconnaître la souffrance de l’autre sans la minimiser. C’est dire : tu n’es pas seul, et même dans le désert de ton existence, une voix peut se faire entendre.

Isaïe parle d’une voix qui crie dans le désert : « Préparez le chemin de l’Éternel ». Dans une lecture universelle, cela peut se comprendre comme une invitation à redresser nos routes intérieures, à aplanir les montagnes de notre orgueil et combler les vallées de nos manques. La consolation devient alors un mouvement : non pas seulement une attente passive que les blessures cicatrisent, mais une marche vers une restauration possible.

Ce texte ancien nous rejoint dans notre présent fragile. Il nous rappelle que toute puissance humaine — politique, militaire, médiatique — est comme l’herbe qui sèche. Mais une parole juste, une parole qui console, reste.

Consoler n’est pas fuir la réalité. C’est l’habiter autrement, avec un cœur élargi.

Eliezer Shai Di Martino

Rabbin de la CILV

Le Billet: Vocation « professionnelle »?

11 août 2025

« Back to school » peut-on lire dans les magasins. « Back to work » pour les adultes. L’heure de s’interroger sur les finalités de notre emploi ?

 Certes, le travail est avant tout alimentaire. On ne peut vivre que de convictions philosophiques ou de passions. Une place de travail représente un cadeau, permet l’autonomie, subvient aux besoins d’une famille. Certes, partagé entre pénibilité et satisfactions, le thème du métier est sensible. Est-il moyen de subsistance ou rôle social, lieu d’étiolement ou d’épanouissement, obligation culturelle ou marqueur de statut ?

La conception judéo-chrétienne du travail s’appuie sur des représentations de Dieu. Créateur, il attend des humains créativité et collaboration. Grand Jardinier, il nous imagine cultivateurs d’un beau jardin, d’un paradis. Régulateur en chef dans l’Ancien Testament, ses commandements visent justice et respect. Père aimant dans le Nouveau Testament, il nous espère fraternels et solidaires. 

Au nom du « sacerdoce universel », le réformateur Luther a balayé la primauté des vocations religieuses sur les activités laïques et revalorisé les métiers profanes (dans le mot allemand « Beruf », métier, résonne « Ruf », l’appel, la vocation). Hanté par le spectre des guerres civiles, Luther fut conservateur. Il vaut mieux rester dans sa corporation et soumis à son prince. 

Calvin fut au contraire progressiste. Pour aligner son emploi sur les valeurs du Grand Patron (« servir son prochain »), chacun examine sa situation, choisit soigneusement une voie professionnelle et corrige les dérives. Loin du réformateur la pensée d’incriminer les arrêts de travail pour maladie, les pertes d’emploi et les aléas de l’existence. Cependant, au nom d’une société égalitaire et inclusive, la morale calviniste a fustigé tant la facilité de la mendicité que l’oisiveté des riches, tant le libéralisme égoïste que la paresse hédoniste. 

En 1600, dans une toile célèbre du Caravage, « L’appel de Matthieu », le peintre a mis en scène un personnage occupé à compter ses pièces d’argent et baissant la tête face à un Christ qui le désigne du doigt. Matthieu s’entend dire : toi qui ne travailles que pour ton propre intérêt, décentre-toi, collabore, entre en mission, acquiers le sens du service public, inscris-toi dans un cadre qui te dépasse. 

« Viens à ma suite ! », évangile de Matthieu, ch. 9. 

Alain Foehr, ancien pasteur et enseignant

Pensée du jour

Je vous le dis en vérité, quiconque ne recevra pas le Royaume de Dieu comme un petit enfant n'y entrera pas. (Luc 18,9-17 "v. 17")

Lire la suite Proposé par : Pain de ce jour