Depuis vingt ans déjà, l'église romane de Saint-Sulpice offre, quelques fois par an à l'issue du week-end, un temps de méditation où la musique alterne avec la lecture de textes spirituels. Des moments musicaux de grande qualité, des haltes bienfaisantes pour contempler et recevoir ce que la musique, le chant et les mots suscitent en nous. Entrée libre, collecte à la sortie.
Au programme de 2023:
Lundi de Pentecôte 29 mai à 17h: Ezko Kikoutchi, orgue, Malik Besseghir, guitare
Dimanche 20 août à 17h: Duo Oréade: harpe et flûte. A découvrir ici
Dimanche 29 octobre à 17h: Duo Larmarosso, violon et accordéon.A découvrir ici
Musique et Parole du dimanche 8 janvier 2023
Quatuor baroque Les Muses: Martine Stocker, soprano, Christine Chiadò Rana, alto, Andrea Ottapri Fattebert, flûtes à bec, Anne-Claude Burnand Mauri, orgue et clavecin
Pasteur François de Charrière, parole
PROGRAMME
Johann Sebastian BACH (1685-1750) - Prélude en Do-Majeur BWV 547
Parole: «Le dénuement de Dieu nous apporte une surabondance de trésors célestes» Cantate BWV 91
C’est bien de cela que l’homme que j’appellerai Baruch, avait entendu parler. Et depuis, il avait l’impressions de passer à côté de quelque chose d’essentiel pour sa vie. Ces jours-là, Jésus était arrivé dans la région et sa réputation avait un village d’avance, ce qui laissait à Baruch le temps de se préparer. Il fallait qu’il le rencontre. Lui qui possédait tout, sa vie lui semblait soudainement vide, vaine, malgré toute son application à pratiquer l’enseignement de ses parents dès sa jeunesse. On lui avait dit de ce Jésus, sa présence étonnante, sa générosité, sa patience et ses gestes de tendresse envers les plus petits. Même les enfants qui ne sont pas en âge de recevoir les enseignements de la TORA, il les embrassait !! Et il y avait parmi les apôtres, des femmes !! Pour Baruch un seul qualificatif suffisait à rassembler tout ce qu’il ressentait à son égard. Pour lui, en hébreux, il disait : «TOV ». Pour nous en français BON est un peu court. Alors quand il le vit, Baruch se précipita à ses pieds et avec une immense soif de vie authentique lui dit : « BON maître que dois-je faire ? »
Cantate BWV 91 - « Die Armut, so Gott auf sich nimmt »
Die Armut, so Gott auf sich nimmt, Le dénuement que Dieu a pris sur lui
Hat uns ein ewig Heil bestimmt, A fixé un salut éternel pour nous,
Den Überfluss an Himmelsschätzen. Une sur-abondance de trésors célestes.
Sein menschlich Wesen machet euch Son essence humaine te fait
Den Engelsherrlichkeiten gleich, L'égal de la gloire des anges,
Euch zu der Engel Chor zu setzen. Te place parmi le chœur des anges.
Parole: « Il reste dans mon amour tant d’imperfection !» BWV 77
Les limites humaines, notre Baruch ne pensait pas qu’elles avaient quelque chose de divin. Car, quand il a dit à Jésus «Bon maître que dois-je faire pour recevoir la vie éternelle?» quelle ne fut pas sa surprise en entendant Jésus refuser ce qualificatif de bon ! L’homme de Nazareth avouait par là son authentique humanité, toujours à la merci de l’ambiguïté de la vie, et le risque de faire le mal que l’on ne veut pas. Jésus avouait par là sa fragilité et contredisait Baruch. Non, la bonté parfaite ne fait pas partie de notre monde. Baruch en fut très secoué et son idéal de vie s’en trouva d’autant diminué.
Johann Sebastian BACH - Cantate BWV 77 « Ach, es bleibt in meiner Liebe »
Ach, es bleibt in meiner Liebe Hélas, il reste dans mon amour
Lauter Unvollkommenheit ! Tant d'imperfection !
Hab ich oftmals gleich den Willen, Bien que j'aie tout à fait le désir
Was Gott saget, zu erfüllen, D'accomplir ce que Dieu nous dicte,
Fehlt mir's doch an Möglichkeit. Souvent aussi, il me manque la possibilité.
Benedetto MARCELLO (1686-1739) - Adagio du concerto pour hautbois en ré-mineur transcrit par Bach
Parole: « Que dire à mon coeur pour découvrir que tout espoir n’est pas vain » RV g33, Vivaldi.
Que va pouvoir dire Jésus à notre homme déstabilisé par sa remarque sur la bonté? En fin pédagogue, il remet notre homme en terrain connu: les tables de la loi. Ah oui, les commandements, il connaissait. Ouf, il reprenait pied. Quand on vous récite ce que vous savez par cœur, on se sent sur la même longueur d’onde et ça rassure. Et Jésus de lui citer: tu ne voleras pas, tu ne commettras pas de meurtre, honore ton père et ta mère, etc… et Jésus ajoute: «Tu ne feras de tort à personne !»
Antonio VIVALDI (1678-1741) - Vestro principi divino en Fa-Majeur RV g33, no 3, Quid loqueris ad cor
Quid loqueris ad cor, Que diras-tu à mon cœur,
o novum cor in me, ô cœur nouveau en moi,
si gaudes intra te maintenant que tu te réjouis intérieurement
de bene gesta re de ces temps heureux
otiosa non sit spes. Quand tout espoir n’est pas vain.
Parole: « Jésus est né aujourd'hui, mon coeur et mon âme se réjouissent » BWV 151
C’est beau l’optimisme de J.S.Bach et notre récit de la rencontre entre Jésus et Baruch montre que la joie ne jaillit pas si facilement…nous l’expérimentons souvent dans nos vies. Second choc pour Baruch féru des commandements: Jésus se permet d’inventer un commandement. «Tu ne feras de tort à personne» n’est pas dans la loi, pas dans la TORA ! L’homme de Nazareth osait prendre la place du législateur, de Moïse, de Dieu lui-même ! Et donner son interprétation de la loi ! Dans l’immuabilité des textes anciens, il ouvrait ainsi une brèche pour que chaque homme, chaque femme, à la suite de Jésus, ose redire à sa manière comment il comprend la parole divine. Pari risqué quand on connaît l’être humain ! Oser dire à ma manière comment je comprends la Parole divine me donne un nouveau statut, dit J.S. Bach: je suis élu, je suis choisi pour le Ciel, et cette liberté de parole me remplit de joie.
Johann Sebastian BACH - Cantate BWV 151 « Süsser Trost, mein Jesus kömmt »
Süßer Trost, mein Jesus kömmt, Doux réconfort, mon Jésus vient
Jesus wird anitzt geboren ! Jésus est né aujourd'hui !
Nun zum Himmel auserkoren. Herz und Seele freuet sich, Denn mein liebster Gott hat mich. Mon Dieu bien-aimé m'a maintenant élu au ciel, Mon cœur et mon âme se réjouissent.
Parole: « Mon Jésus, attire-moi, je suis prêt, je veux partir d'ici et ma consolation est de comprendre » BWV 22
Oui, il faut faire partir Baruch! «Pars d’ici, quitte ta position! Tant que la Parole de Dieu n’est que des règles extérieures à appliquer, rien ne peut changer ta vie». Car Baruch n’avait pas pris la parole pour lui, pour la faire sienne, pour qu’elle devienne source de vie dans son être profond. Partir de son idéal pour entrer dans le monde tel qu’il est. Partir secoué, déstabilisé par le commandement inventé par Jésus. Oui, il part: «Ne faire de tord à personne !» mais c’est tout simplement impossible ! Dès que je choisis une personne, j’en ignore d’autres, dès que je pose un acte, je risque toujours de faire mal. La vie active est un continuel conflit de loyauté. Alors ne priver personne d’amour, de présence, de tendresse, de biens, c’est impossible. Cela devenait clair pour lui, il faut être Dieu pour être BON. Un certain Luther dira plus tard : « vivre c’est pécher courageusement ! » Partir pour entrer dans une nouvelle compréhension! «Va vers toi-même !» pour te comprendre enfin !
Cantate BWV 22 « Mein Jesu, ziehe mich nach dir »
Mein Jesu, ziehe mich nach dir, Mon Jésus, attire-moi,
Ich bin bereit, ich will von hier Je suis prêt, je veux partir d'ici
Und nach Jerusalem zu deinen Leiden gehn. Et me rendre à Jérusalem, lieu de tes souffrances.
Wohl mir, wenn ich die Wichtigkeit Bienheureux si, pour ma consolation,
Von dieser Leid- und Sterbenszeit Je comprends à tout moment la signification
Zu meinem Troste kann durchgehends wohl verstehn ! De ces moments de souffrance et d'agonie !
Parole: Changer un homme n’est pas une mince affaire, même s’il est en recherche. Notre Baruch que nous connaissons dans l’Evangile sous le nom du jeune homme riche (Marc 10) va recevoir une injonction si forte qu’il s’en ira tout triste. Jésus lui dit: «Il te manque une chose, va, vends ce que tu as, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel, puis viens et accompagne-moi !» Mais à cette parole, il s’assombrit et s’en alla tout triste car il avait de grands biens.
Je veux croire que la tristesse de Baruch est passagère et croire avec J.S. Bach: «Jésus connaît le vrai moment pour la joie!» BWV 93
Cette joie en devenir a été semée, par Jésus, juste avant, dans le coeur du jeune homme riche. Il nous est dit: «Il le regarde, il l’aime, il lui parle !» Trois fois, Jésus se tourne vers notre homme, trois fois, Dieu se rend infiniment présent à Baruch. Toute cette infinie proximité divine ne peut pas rester sans suite, sans effets !! Il reçoit une extraordinaire bénédiction porteuse d’une joie à venir !
Cantate BWV 93 « Er kennt die rechten Freudenstunden »
Er kennt die rechten Freudesstunden, Il connaît le vrai moment pour la joie,
Er weiß wohl, wenn es nützlich sei; Il sait bien, quand c'est nécessaire,
Wenn er uns nur hat treu erfunden Si seulement il nous a trouvés fidèles
Und merket keine Heuchelei, Et ne trouve aucune hypocrisie,
So kömmt Gott, eh wir uns versehn, Alors Dieu vient, sans que nous nous y attendions,
Und lässet uns viel Guts geschehn. Et permet que beaucoup de bonnes choses nous arrivent.
Parole: « Va vendre ce que tu as !» c’est le coup de bâton du maître zen sur son disciple pour provoquer l’Eveil ! Changer de registre, passer dans un autre monde. Ce qu’il possède, c’est sa fortune en pièces de monnaies autant que ses applications légalistes à faire ce qu’il faut pour être bon devant Dieu. Abandonner son «vouloir être bon » pour se tourner vers le seul qui est bon n’est pas une mince affaire, c’est un lâcher prise, une véritable conversion: quitter tout sans abandonner, posséder comme ne possédant pas, obéir sans attendre une réussite. Sa tristesse est une tristesse de deuil car il doit abandonner ce qu’il fait, comme référence de sa propre évaluation spirituelle, pour devenir simplement et vraiment compagnon de Jésus. Jésus lui dit en somme : « sois ici mon compagnon de route ! » ICI, c’est-à-dire à chaque moment de la vie. La religion ne cherche pas à mettre à part quelques moments précis mais de faire de tout instant, un moment béni. MON compagnon, MON AMI. Pas mon esclave, assumant toi-même une prise de parole qui donne du sens et du goût à ta vie. Posant des actes toujours ambivalents mais en étant mis au large par une relation d’amour et un regard qui redresse. Mon compagnon de ROUTE. En route, jamais arrivé, toujours en recherche, toujours remis en question. Aujourd’hui il te manque de vendre, demain il te manquera autre chose. Le manque te tire en avant, et au fil des jours se creusera en toi cet espace neuf pour une relation avec Dieu qui changera ta tristesse en joie, la tristesse des jours difficiles en joie éternelle par la grâce de Dieu! Alleluia!
Antonio VIVALDI - Alleluia de RV 626 in furore justissimae irae «Alleluia»
Johann Sebastian BACH - Cantate BWV 78 « Wir eilen mit schwachen doch emsigen Schritten »
Wir eilen mit schwachen, doch emsigen Schritten, De nos pas faibles mais empressés
O Jesu, o Meister, zu helfen zu dir. Nous accourons vers toi, ô Jésus, ô maître, pour recevoir ton aide.
Du suchest die Kranken und Irrenden treulich. Tu accordes fidèlement tes soins aux malades, aux égarés.
Ach höre, wie wir Ah, entends comme nos voix
Die Stimmen erheben, um Hülfe zu bitten! S'élèvent pour implorer ton secours !
Es sei uns dein gnädiges Antlitz erfreulich ! Puisse la vue de ta face où rayonne la grâce nous dispenser la joie !
Johann Sebastian BACH - Fugue en Do-Majeur BWV 547
Bénédiction
Que le Dieu de l'Amour et de la Joie nous bénisse ! En tout temps et de toute manière ! Allons dans sa présence ! Amen.