Chronique du cahier régional de mai 2025
30 ans !
L’Ancre vient de fêter ses 30 ans ! Lors de l’assemblée générale de fin avril, nous avons célébré cet événement en présence des fidèles amis de l’Ancre, ainsi que de plusieurs célébrités : la conseillère synodale Anne Abruzzi, le responsable de la cohésion sociale de Renens Georges Chevallaz, le municipal de Villars-Ste-Croix Nicolas Cassetta, le président du CP de Bussigny Jean-Pierre Fauche, ainsi que le pasteur de Chavannes Philippe Morel. Fondée par Suzanne Imobersteg, Alain Wyss et d’autres personnes au grand cœur, l’Ancre n’a pas tellement changé en 30 ans. Notre mission est toujours d’accueillir les plus démunis, les personnes en situation de précarité financière ou d’isolement social, celles et ceux soumis à une quelconque dépendance, les sdf… pour résumer, tous les marginaux qui ne trouvent pas leur place au sein de notre société. A l’Ancre, notre premier but est de les accueillir d’égal à égal, de leur offrir un lieu où ils se sentent acceptés et appréciés. Ils ont la possibilité de se doucher, de dormir en journée quand la nuit a été chahutée, de faire leur lessive, de manger avec nous et de recevoir une aide alimentaire d’urgence. Jésus dit : « En vérité je vous le dis, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites » (Matt.25, 40). C’est cette parole que nous essayons d’appliquer à l’Ancre. Bien entendu, nous ne sommes pas des saints, et sans votre appui, vos paroles d’encouragement, vos prières et vos dons, nous ne pourrions jamais y arriver. Vous êtes aussi importants que nous, qui sommes sur le terrain. Merci de cheminer avec nous depuis 30 ans !
Réjane Marti, responsable de l’aumônerie de rue de l’Ouest lausannois, l’Ancre
Chronique du cahier régional d'avril 2025
Misonéisme
Notre animateur Paul Zidouemba a pris sa retraite. Cela faisait plus de 16 ans qu’il assurait une présence bienveillante à l’Ancre. Il était comme la colonne vertébrale de notre équipe puisqu’il connaissait pratiquement toute l’histoire de notre lieu d’accueil. Il reconnaissait les anciens bénéficiaires, il savait où trouver des clous ou des assiettes supplémentaires dans les amas hétéroclites de notre cave. Bref, cela ne nous a pas particulièrement réjouis de le voir partir, même si nous formons tous nos vœux pour une retraite bénie.
De votre côté, les changements, vous aimez ça ? Sans être misonéiste – hostile à la nouveauté et au changement – ce n’est pas non plus notre tasse de thé ! …Les changements…tous les grands hommes de ce monde semblent s’accorder pour dire que c’est un bienfait. Goethe disait : « La vie appartient à ceux qui vivent, et vivre, c’est se préparer au changement ». Bouddha disait avec une pointe d’humour : « le changement est la seule constante de la vie ». Pourtant, changer cela fait peur, nos repères sont déplacés, il faut s’adapter. De plus, on ne choisit pas toujours les changements qui surviennent dans nos vies : un deuil, une séparation, une maladie, un licenciement, la vieillesse…Non, franchement, on se passe volontiers des changements !
Toutefois, le Christ nous dit : « Changez d’attitude car le Royaume des cieux est proche » (Matt 3:2). Jésus nous invite à ouvrir notre esprit. Son évangile est une parole qui met en mouvement. On est exhorté à ne pas rester figé, mais à changer. On est encouragé à ne pas nous installer dans le confort de l’habitude mais à nous laisser bousculer. Le verbe utilisé dans la Bible pour désigner le changement est étymologiquement lié au retour. Un retour vers Dieu. Tout changement est d’abord une occasion de se tourner vers celui qui nous aime plus que tout. Vu sous cet angle, j’ai envie de dire : vive le changement !
Réjane Marti, responsable de l’aumônerie de rue de l’Ouest lausannois, l’Ancre
Chronique du cahier régional de mars 2025
Zut !
Mince, je me suis trompée ! J’ai raté ! Je n’ai pas réussi ! J’ai échoué ! Ou, en bon vaudois : j’ai bédé ! Bref, toutes ces exclamations pour décrire une action que nous n’avons pas réussi à mener à bien. C’est la catastrophe ! Echouer semble être une des pires choses qui puissent arriver dans notre monde où la réussite est devenue un synonyme de bonheur ! Quand on parle de quelqu’un qu’on aime, on met toujours en avant ses compétences, ses qualités, ses succès ! Ce qui compte, c’est le niveau de réussite ! Comme si réussir rendait heureux. Ce n’est pas entièrement faux d’ailleurs. Réussir un examen après avoir bien travaillé rend plus joyeux que de le rater. Pourtant un célèbre basketteur, du nom de Michael Jordan a dit : « J’ai raté 9000 tirs dans ma carrière, j’ai perdu presque 300 matchs. J’ai échoué encore et encore dans ma vie. Et c’est pourquoi j’ai réussi. » Y aurait-il donc quelque chose à apprendre de nos défaites ? Quelque chose de positif ? Personne ne souhaite l’échec dans sa vie familiale ou professionnelle, et pourtant cela fait partie de la vie de nombreuses personnes. Ça ne date pas d’hier puisque les disciples de Jésus ont compris la crucifixion comme un échec. Le symbole de la croix, qui est pour nous un marqueur de notre appartenance à la suite du Christ, était considéré comme un signe d’infamie dans les premiers siècles. Il est vrai que la mort de Jésus est un fiasco : quand un homme met à mort un autre homme, c’est l’échec de la fraternité, de la solidarité. Mais c’est aussi l’échec du Mal. Jésus accepte cette défaite humaine pour mieux faire triompher le pardon et l’amour ! Avec la Croix, Dieu nous dit plusieurs choses, notamment le fait qu’un échec peut en cacher un autre et qu’il est possible de se relever quand tout espoir semble mort. Léonard Cohen le disait en ces termes : « C’est par la faille que jaillit la lumière »
Dès lors on peut se réjouir avec Michael Jordan et trouver en nos échecs une occasion de grandir !
Réjane Marti, responsable de l’aumônerie de rue de l’Ouest lausannois, l’Ancre
Chronique du cahier régional de février 2025
Paru dans le cahier régional de février 2025
L’ANCRE, LIEU DE SOLIDARITE DE LA REGION
On peut faire quelque chose
A l’Ancre, nous accueillons une bénéficiaire qui vient d’apprendre qu’elle a un cancer aux poumons. C’est le cinquième cancer qu’elle affronte. Et donc, en ce qui la concerne, c’est la cinquième fois qu’elle est sous chimiothérapie, la cinquième fois qu’elle perd ses cheveux, se sent mal. Elle fait face à la souffrance dans sa chair et dans son cœur. Elle a peur de mourir, peur de souffrir encore. Elle est épuisée physiquement et psychologiquement. Affronter un cancer est déjà une épreuve terrible, mais cinq ? Sa situation est inimaginable.
On comprend, on compatit, on accompagne… mais on ne peut pas vivre cette épreuve à sa place.
Dès lors, comment l’aider vraiment ? On aimerait allumer en elle une étincelle d’espoir, lui donner envie de sourire, lui montrer que la vie est quand même belle. On aimerait lui donner la force de se battre contre cette maladie qui la dévore de l’intérieur.
Pourtant, quand je lui ai demandé de quoi elle avait besoin, sa seule réponse fut : « J’ai peur d’être seule. »
Rien à voir avec ce que nous avions projeté sur ses craintes et ses besoins. Elle est prête à affronter les traitements et leurs effets secondaires, elle accepte peut-être même l’idée de mourir. Mais pas seule. La solitude est peut-être bien le cancer de notre société. Et c’est celui qui fait le plus mal. Car si être solitaire est un choix, la solitude ne l’est pas. La Bible l’affirme également dès le premier livre : « Il n’est pas bon pour l’humain d’être seul » (Gn 2, 18).
Face à un cancer, on ne peut qu’espérer en la médecine et prier… mais face à la solitude, on peut faire quelque chose ! On a bien sûr la possibilité de rendre visite aux personnes seules que l’on connaît, mais il y a d’autres options. On peut dire bonjour aux gens que l’on croise. On est sûrement en mesure de donner un coup de fil pour prendre des nouvelles. On peut soutenir des associations qui ont l’accueil comme mission. Il y a mille façons de lutter contre ce cancer de la société. Et soyez certains que lorsque l’on donne, on reçoit en retour.
Réjane Marti, responsable de l’aumônerie de rue de l’Ouest lausannois, l’Ancre
Chemin des Glycines 5, Chavannes-près-Renens
Pour nous soutenir : IBAN CH66 0900 0000 1000 41460
Nous cherchons un(e) bénévole pour nous aider le vendredi entre 10h et 14h. Bon niveau de français nécessaire. Pour toutes questions : rejane.marti@eerv.ch
Chronique du cahier régional de déc 2024 - janvier 2025
Les Figues
« Un jeune homme du nom d’Imran s’était retrouvé perdu dans le désert. Voilà deux jours qu’il errait, affamé. Heureusement il lui restait de quoi boire. Mais la faim le tenaillait, il n’était que douleur et faiblesse. Finalement un soir Imran arriva près d’une ville. Il se laissa tomber au pied d’un mur et dans la pénombre découvrit un sac rempli de figues ! Il en porta une à ses lèvres : elles étaient juteuses et savoureuses ! Quel délice ! Quel apaisement pour son estomac ! Il alluma son briquet pour contempler ces fruits merveilleux.
Ils étaient remplis de vers. Imran éteignit son briquet et continua à manger. »
Quelle horreur ! Je ne pourrais jamais faire ça !
Vraiment ?
Il me semble au contraire, que nous sommes pareils à Imran, satisfaits de vivre dans nos obscurités et de manger des vers que nous connaissons. On court après des idoles que nous savons contraires au chemin que nous montre le Christ… toujours plus d’argent, toujours plus de followers sur les réseaux, toujours plus d’activités dans nos agendas, de faire-valoir, on se construit de superbes œillères pour ne pas voir la souffrance du voisin, on juge, on critique… on n’allume même plus notre briquet ! On mange nos vers avec autant de contentement qu’Imran. Lui, au moins, il sait pourquoi il ferme les yeux : il a faim, il doit absolument se nourrir. Et nous, de quoi avons-nous faim ?
Jésus, bien avant de monter sur la croix pour nous sauver, est venu allumer ce briquet pour nous. Dans l’humilité de la crèche, il nous dit avec douceur : « regarde, il y a quelques vers, nous pourrions trouver de meilleures figues ensemble. » Plus tard, il nous le répètera : « Je suis le pain de vie. Celui qui vient à moi, n’aura plus faim ; et celui qui croit en moi, n’aura jamais soif. »
Réjane Marti, responsable de l’aumônerie de rue de l’Ouest lausannois, l’Ancre
Chemin des Glycines 5, Chavannes-près-Renens
Pour nous soutenir : IBAN CH66 0900 0000 1000 41460