Etty Hillesum,
« Une vie bouleversée (Journal 1941-1943) »
« Au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert, le ciel s’étale tout entier. On ne peut rien nous faire, vraiment rien. On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure, mais c’est nous-mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En éprouvant de la haine. En crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu’on nous fait subir ; c’est humain et compréhensible. Et pourtant, la vraie spoliation, c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons. Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi, des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je crois en l’humain, j’ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile, mais ce n’est pas grave. »