« Espérer contre toute espérance » (15.10.23)

Lecture de Genèse 18 : Dieu annonce que Sara aura un fils

1Le Seigneur apparut à Abraham près des chênes de Mamré. Abraham était assis à l'entrée de sa tente à l'heure la plus chaude de la journée. 2Soudain il vit trois hommes qui se tenaient non loin de lui. De l'entrée de la tente, il se précipita à leur rencontre et s'inclina jusqu'à terre. 3Il dit à l'un d'eux : « Je t'en prie, fais-moi la faveur de t'arrêter chez moi, ton serviteur. 4On va apporter un peu d'eau pour vous laver les pieds et vous vous reposerez sous cet arbre. 5Je vous servirai quelque chose à manger pour que vous repreniez des forces, puis vous continuerez votre chemin. Ainsi vous ne serez pas passés pour rien près de chez moi. » Les visiteurs répondirent : « Bien ! Fais ce que tu viens de dire. » 

6Abraham retourna en toute hâte dans la tente pour dire à Sara : « Vite ! Prends trois grandes mesures de fine farine et fais des galettes. » 7Ensuite il courut vers le troupeau, choisit un veau tendre et gras. Il le remit à son serviteur, qui se dépêcha de le préparer. 8Quand la viande fut prête, Abraham la plaça devant ses visiteurs avec du lait caillé et du lait frais. Ils mangèrent tandis qu'Abraham se tenait debout près d'eux sous l'arbre.  9Ils lui demandèrent : « Où est ta femme Sara ? » – « Dans la tente », répondit-il.  10L'un des visiteurs déclara : « Je reviendrai chez toi l'an prochain à la même époque, et ta femme Sara aura un fils. » Sara se trouvait à l'entrée de la tente, derrière Abraham et elle écoutait. 11-12Elle se mit à rire en elle-même, car Abraham et elle étaient déjà vieux et elle avait passé l'âge d'avoir des enfants. Elle se disait donc : « Maintenant je suis usée et mon mari est un vieillard ; le temps du plaisir est passé. » 13Le Seigneur demanda alors à Abraham : « Pourquoi Sara a-t-elle ri ? Pourquoi se dit-elle : “C'est impossible, je suis trop vieille pour avoir un enfant” ? 14Le Seigneur n'est-il pas capable de réaliser un prodige ? Quand je reviendrai chez toi l'an prochain à la même époque, Sara aura un fils. » 

 

Prédication : « Espérer contre toute espérance »

Résumé: Parfois dans nos vies nous avons l’impression d’être dans une impasse. Comme si aucun avenir n’était possible. Mais autour de la table de Mamré, en offrant un acte fort d’hospitalité pour les trois visiteurs, Abraham et Sara vont recevoir la promesse d’un avenir. Une espérance contre toute espérance que face aux impasses de nos vies Dieu a pour nous un chemin de vie et de fécondité !

 

Chers frères et sœur en Christ,

C’est quand la dernière fois que vous avez rencontré un panneau « route sans issue » ?

Moi il me semble que ces temps, j’en vois beaucoup, des panneaux. Certains qui m’invitent à regarder la désespérante réalité avec humour (« rigole sur 1 km »), d’autres qui me rendent un peu… confus (« travaux, pour aller tout droit, prenez à gauche »), d’autres encore qui préviennent d’un danger (« Attention grosse descente »)... Ces panneaux, ils nous disent quelque chose pour nos vies : c’est vrai, on aimerait un chemin de vie bien droit et rectiligne, vous savez comme une belle autoroute toute droite et facile. Mais force est de constater que notre vie n’est pas comme ça. Que parfois le chemin est difficile à trouver. Parfois on tourne en rond. Parfois, on est comme bloqué, on ne sait plus où aller, parfois même, paraît-il, on tombe dans le panneau.

Parfois aussi, dans notre vie, nous avons l’impression qu’il n’y a plus d’issue possible, que l’on se retrouve dans une impasse. Comme si l’on avait devant nous un panneau « sans issue ». Ces derniers temps, combien de panneaux « sans issue » semblent pousser à différents endroits du globe ! Israël & Palestine, en état de guerre depuis samedi dernier, suite au raid sans précédent des terroristes palestiniens depuis Gaza, prenant des otages et tuant sans discernement y compris familles et enfants ; et après la puissante riposte d’Israël cette semaine: sans issue ? Les Arméniens du Haut-Karabagh qui sont menacés de génocide suite à l’invasion par les forces de l’Azerbaïdjan, dans un territoire tellement disputé qu’il est en proie à des violences constances depuis des décennies : sans issue ? Et Nilufar, cette bénévole de l’épicerie solidaire, cette distribution de nourriture que nous faisons ici tous les lundis, qui me parlait de la terrible situation en Afghanistan suite à un tremblement de terre qui a fait plus de 3000 morts, eux qui ont déjà tellement souffert, avec l’occupation russe, puis des Talibans, puis des Américains, puis de nouveaux des talibans : sans issue ?

Et concernant nos situations personnelles aussi, combien de situations semblent sans issue: Chômage longue durée, maladie sans espoir, impuissance devant les difficultés de la vie ou incapacité à résoudre des problèmes. Burnout et autres dépressions endémiques. Et tant d’autres – vous rajouterez les vôtres – de situations nous semblent sans issue.

Sans issue, sans avenir, c’est la situation d’Abraham et de Sara au début du passage que nous venons d’entendre. Trop vieux pour avoir une descendance, la lignée va s’arrêter. Pour la pensée de l’époque, c’est dramatique. Car la lignée familiale, avoir des enfants et procréer, c’est ce qu’il y a de plus important. Il faut dire qu’à l’époque, le peuple d’Israël est bien petit. A force de ne pas avoir assez d’enfants, le peuple risquerait de s’éteindre.

Mais une rencontre va tout changer. Et cela se passe, vous l’aurez remarqué, autour de la table. Ce détail, bien sûr, n’en est pas un. Car c’est l’accueil, c’est l’hospitalité d’Abraham qui va ouvrir sur un chemin d’espérance et de fécondité. Oui le patriarche est en quelque sort récompensé pour avoir accueilli avec faste et respect ces hôtes qui s’avéreront par la suite être… Dieu lui-même ! Vous avez remarqué : Dieu vient s’attabler - comme Jésus le fera plus tard avec des pécheurs et collecteurs d’impôts – il vient s’attabler avec les personnes qui vivent une situation sans issue pour leur ouvrir un chemin d’espérance, un chemin de fécondité. C’est fort.

C’est bien ce que nous dit ce texte de la Genèse : même quand il n’y a plus d’espoir, même quand tout nous semble « mort », stérile (donc sans fruit, sans vie), même dans ce cas-là, eh bien l’impossible est encore possible. Comme ce couple d’amis qui désespérait de ne pas réussir à avoir d’enfants qui, après avoir décidé de laisser tomber, découvrirent quelques mois plus tard qu’elle était enceinte ! Comme cet homme, malade, à qui l’on donnait à peine quelques semaines à vivre, qui vit encore aujourd’hui. Comme des petits miracles du quotidien qui opèrent discrètement : un avenir tout à coup se débouche…

Oh cela ne veut pas dire que c’est magique, automatique, et qu’il n’y a pas de souffrance. Tout le monde n’a pas toujours la chance de vivre un tel retournement, il faut en être conscient et ne pas gommer ces souffrances-là. Mais Dieu nous dit, à chacune, à chacun, sa promesse : « N’aie pas peur, je suis avec toi. » Et nous pourrions rajouter : il y a toujours un espoir !

Et c’est exactement ce que nous dit le texte du jour : il y a toujours un espoir ! J’aime ce récit un peu fou, quasi onirique, avec les choses qui s’enchaînent en si peu de temps, un peu comme dans un rêve, comme dans ce tableau de Chagall. J’aime voir cet Abraham se démener pour accueillir ces trois hommes, « pour refaire vos forces » (dit-il au verset 5: pour vous réconforter, littéralement pour soutenir votre cœur) dans une sorte d’urgence : oui pour lui l’hospitalité est une urgence à laquelle il répond avec générosité. Et c’est un retournement : en fait de réconfort, ce sont Abraham et Sarah qui en sont comblés après la visite des voyageurs. J’aime enfin le rire de Sarah qui est ce lien entre le virtuel et le réel, au seuil de la tente, en deux mots (ou en un ?), le rire est comme un lieu de passage : comment cela est-il possible ? La question centrale est donc bien celle que pose Dieu : « Le Seigneur n'est-il pas capable de réaliser un prodige ? »

Savoir accueillir, vivre et mettre en pratique l’hospitalité, c’est donc accueillir et recevoir la nouvelle que, même quand nous sommes dans une situation qui semble bouchée, sans issue, même quand nous avons perdu toute espérance, comme Abraham et Sara, Dieu vient nous dire que rien n’est perdu. En fait, dans notre récit du jour, c’est l’hospitalité, l’accueil, qui opère un renversement et finalement permet d’ouvrir sur un avenir…

Et pour vous, quelle place a l’hospitalité dans votre vie ? comment y accueillez-vous l’inattendu ?

Désormais, j’ai décidé d’ouvrir l’église tous les mardi après-midi. Eglise ouverte : un espace créé pour visiter l’église, mais aussi pour discuter, pour déposer des intentions de prière, pourquoi pas prier ensemble. L’Eglise ouverte, c’est avoir le cœur ouvert à ce qui peut venir. Une touriste. Un gars de la rue. Une étudiante. Et se laisser visiter. Et si c’était Dieu ou un de ses messagers qui me visitait ? Car, par l’hospitalité, où l’on s’ouvre à l’inconnu, c’est parfois Dieu qui vient nous révéler le germe de sa présence, qui vient nous redire que tout est possible. Cela me fait penser à ces versets de l’épître aux Hébreux : 2N’oubliez pas l’hospitalité, car, grâce à elle, certains, sans le savoir, ont accueilli des anges. »

Car l’hospitalité, en ouvrant sur le monde de l’inconnu, ouvre sur la présence de ce Dieu fidèle qui rend l’impossible possible, comme il l’a fait à la croix où la Vie a été plus forte que la mort. Oui l’espérance que nous recevons ce matin est ancrée dans la vie, la mort et la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ, qui a créé une brèche, une issue, dans ce qui semblait sans issue.

Oui ce matin, chers frères et sœurs, nous entendons la promesse de Dieu que malgré les stérilités de nos vies, malgré les voies sans issue, malgré tout ce qui est stérile, sans fruit, sans vie, Il nous donnera la fécondité dont nous avons besoin pour nos vies. En fait il nous invite à espérer contre toute espérance : quelle bonne nouvelle !

Oui chers frères et sœurs, ce matin Dieu vient nous ouvrir un chemin d’espérance : autour de la table de Mamré, en offrant un acte fort d’hospitalité pour les trois visiteurs, Abraham et Sara ont reçu la promesse d’un avenir. Une espérance contre toute espérance que face aux impasses de nos vies, face aux murs que nous érigeons les uns envers les autres, Dieu a pour nous un chemin de vie et de fécondité ! Une espérance que même devant nos panneaux « cédez le passage », la paix nous est promise.

Amen.

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