« Dans nos déserts, ne pas remplir nos vides par du « vent », mais faire confiance à ce Dieu fidèle dans nos infidélités » (17.03.24)

Lecture biblique : Les Israélites fabriquent un veau d'or (Ex 32)

1Lorsque les Israélites virent que Moïse tardait à redescendre de la montagne, ils se réunirent auprès d'Aaron et lui dirent : « Allons, fabrique-nous un dieu qui marche devant nous, car nous ne savons pas ce qui est arrivé à ce Moïse, l'homme qui nous a fait sortir d'Égypte. » 2Aaron leur répondit : « Arrachez les boucles d'or qui ornent les oreilles de vos femmes, de vos fils et de vos filles, et apportez-les-moi. » 3Tous les Israélites arrachèrent leurs boucles d'oreilles en or et les remirent à Aaron. 4Celui-ci les prit, les fit fondre, versa l'or dans un moule et fabriqua une statue de veau. Alors les Israélites s'écrièrent : « Voici ton Dieu, Israël, celui qui t'a fait sortir d'Égypte ! » 5Voyant cela, Aaron construisit un autel devant la statue ; puis il proclama : « Demain, il y aura une fête en l'honneur du Seigneur ! »

6Tôt le lendemain matin, le peuple offrit sur l'autel des sacrifices complets et des sacrifices de paix. Les gens s'assirent pour manger et pour boire, puis se levèrent pour se divertir. 7Alors le Seigneur dit à Moïse : « Redescends tout de suite, car ton peuple, que tu as fait sortir d'Égypte, a commis un grave péché. 8Ils se sont bien vite détournés du chemin que je leur avais indiqué : ils se sont fabriqué un veau en métal fondu, ils se sont prosternés devant lui et lui ont offert des sacrifices. Ils ont même dit : “Voici ton Dieu, Israël, celui qui t'a fait sortir d'Égypte !” 9Eh bien, j'ai vu ce que vaut ce peuple ; ce sont tous des rebelles.  10Alors laisse-moi intervenir : dans ma colère je les exterminerai, puis je ferai naître de toi un grand peuple. »

11Mais Moïse supplia le Seigneur son Dieu de s'apaiser, en disant : « Seigneur, pourquoi déchaîner ta colère contre ton peuple, après avoir déployé ta force, ta puissance irrésistible pour le faire sortir d'Égypte ? 12Si tu agis ainsi, les Égyptiens diront : “C'est par méchanceté que le Seigneur a fait sortir les Israélites de notre pays ; c'était pour les massacrer dans la région des montagnes et les faire disparaître de la terre.” Apaise ta colère, renonce à faire du mal à ton peuple. 13Souviens-toi d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, tes serviteurs à qui tu as fait ce serment solennel : “Je rendrai vos descendants aussi nombreux que les étoiles. Je leur donnerai le pays que j'ai promis et ils le posséderont pour toujours.” » 14Alors le Seigneur renonça à faire à son peuple le mal dont il l'avait menacé.

Prédication : « Dans nos déserts, ne pas remplir nos vides par du « vent », mais faire confiance à ce Dieu fidèle dans nos infidélités »

Résumé : Pour combler le vide angoissant de l’attente, pour faire face aussi à une certaine impatience, le peuple d’Israël se fabrique une idole : un veau d’or. Combien de fois nous aussi nous nous perdons en comblant le vide existentiel par des idoles modernes ? Dieu se met en colère, une juste colère, devant ce peuple errant, se détournant du chemin de bonheur qu’Il avait prévu pour lui. Moïse intercède. Il apaise. Et Dieu renonce à sa colère. En fin de compte, grâce à Moïse le médiateur, il se révèle fidèle dans l’infidélité du peuple. Ce texte bien connu est donc une invitation à ne pas remplir nos vides par du « vent » quand bien même il serait clinquant, mais à faire confiance à ce Dieu fidèle dans nos infidélités, à persévérer dans nos déserts.


Version audio à écouter ici.
 

Chers frères et sœurs en Christ,

Comment faites-vous pour faire face à l’attente ? que ce soit à l’arrêt de bus (ici une image tout à fait non conforme à la réalité vu que personne n’est sur son téléphone…) ou dans une salle d’attente (« vous êtes venu pour voir le Dr ? Non je voulais savoir ce qui s’était passé en 1994 alors je suis venu lire les magazines »), ou quand vous attendez une réponse pour votre avenir ? Comment tromper son impatience du « j’veux tout tout de suite » chanté par Henri Dès ? Est-ce qu’on peut accélérer l’attente ? Comme ici :
-    Chéri t’es où ?
-    A l’arrêt de bus
-    Dépêche-toi !
-    D’accord j’vais attendre plus vite !

Pas facile d’attendre, d’autant plus que nous sommes dans une société de l’immédiateté, avec les mails (« Didier, vous n’avez pas encore répondu à l’email que je m’apprêtais à vous envoyer ? »), mais aussi avec tout à portée de main : internet, jeu en ligne ou sexe, qui créent des dépendances de toutes sortes, dépendance aux réseaux sociaux et peut-être même dépendance au travail parfois.

Oui je le crois, aujourd’hui il y a beaucoup de manières pour faire face à l’attente, beaucoup de manières pour combler les vides angoissants de nos vies. Parfois, quand j’attends, je vais vite regarder quelques vidéos sur les réseaux sociaux, vous savez ces « reels » d’un format court mais qui au fond, je m’en rends compte après coup, ne m’apportent rien. C’est du vent ! J’appelle cela « l’effet barbe à papa » : le sucre, nous n’en avons jamais assez, ce qui fait qu’après avoir fini la barbe à papa, nous pouvons penser: « Ah bon, c’est déjà fini ? Mais j’en veux encoooore ! ». Ces vidéos me font cet effet-là, c’est comme une drogue ! Comme le dit Stéphane Bouillet, expert en influence sur les réseaux sociaux : « On n'a qu'une envie, c'est de scroller [faire défiler] encore et encore, pour voir si le prochain contenu va nous intéresser. » En fait, nous voulons y trouver la dopamine, cette molécule du plaisir immédiat, et ainsi nous devenons vite accros.

Remplir le vide avec du vent. Ou compenser notre mal-être ou nos angoisses avec de fausses croyances, des faux dieux, avec les idoles modernes que sont le matérialisme (j’ai donc je suis), le consumérisme (j’achète donc je suis) ou l’hédonisme anxieux (j’ai du plaisir pour combler le vide de mes angoisses donc je suis), voilà ce que nous faisons parfois dans notre société actuelle.

Remplir le vide du mal-être avec des idoles, c’est précisément ce que fait le peuple d’Israël dans le désert. Il est dans l’attente, pas dans la tante, mais il attend, car Moïse tarde dit le texte, et c’est compliqué pour lui d’attendre. Pour lui, cette attente est une épreuve, car elle est angoissante.

En effet, jusque-là, le peuple était en mouvement. Sorti d’Égypte, le peuple est en marche, avec Moïse à sa tête. Il est dans une dynamique. Et le mouvement rassure, on quitte l’esclavage pour aller vers la terre promise. On a confiance ! Mais ici, le peuple s’est arrêté et cet arrêt crée une angoisse : et si le Dieu libérateur nous avait abandonné ? et si nous allions mourir dans le désert ? Dans sa difficulté à attendre, le peuple a besoin d’être rassuré, car il manque de sécurité. Il a besoin de voir, de toucher, de maîtriser un peu plus, dans cette situation angoissante qu’est la traversée du désert. En somme, il cherche à combler le vide angoissant par une idole rassurante. Il va le faire en y mettant ses richesses, l’or des boucles d’oreilles des femmes, fils et filles. Une statue de veau d’or est fabriquée, façonnée afin que l’on puisse fixer sur elle les regards, plutôt que se tenir dans l’attente devant l’invisible. Après vient la fête, car au fond, le peuple est soulagé : il a remédié à son inquiétude, il s’est muni de dieux, des sacrifices sont offerts ; la situation a, comme l’on dit couramment, été gérée, elle a repris un cours normal, le vide a été comblé, on est rassuré.

Quand je relis ce passage, je ne peux m’empêcher de penser : mais qu’est-ce qu’ils sont bêtes, ces Hébreux !!! Dieu vient juste de les libérer de l’esclavage et eux que font-ils ? ils se mettent à douter et se détournent carrément de son chemin pour créer un veau d’or, une idole… Ils se plantent en beauté…

Et pourtant, nous aussi, chers frères et sœurs, comme le peuple d’Israël, bien souvent nous nous plantons en beauté. Sans vouloir faire de l’autodénigrement, nous devons avouer que nous aussi, parfois, nous doutons de Sa présence, de Son amour qui veut nous remplir. Nous aussi, parfois, nous avons l’impression que Dieu est loin de nous, que nous sommes dans un désert. Nous aussi, parfois, nous avons peur de l’avenir et cherchons du réconfort dans les idoles modernes.

Alors je me pose ces questions pour ma vie : est-ce que moi aussi je comble parfois mes vides existentiels et angoissants par du vent, par des idoles illusoires qui pourtant me rassurent ? Et qu’est-ce que je fais de mes richesses ? Les ai-je données aux idoles ? Est-ce que je me laisse, moi aussi, emporter par mon impatience et mon égocentrisme ?

Chers frères et sœurs, loin de moi l’idée de vouloir nous culpabiliser de notre faiblesse. Mais soyons honnêtes et reconnaissons-la devant notre Créateur. Cette faiblesse tient au fait que nous sommes des enfants qui avons encore à grandir et à apprendre la vie. Cette faiblesse de l'enfant, notre faiblesse, est donc aussi une grâce, il faut seulement l'assumer devant le Créateur, plutôt que devant un veau, même en or.

Par ailleurs dans ce passage, Dieu semble tellement humain. A la suite du déluge, nous pouvons nous demander « pourquoi se met-il encore en colère ? » L’image du Dieu colérique nous rebute. Mais comme nous le disions à la prière mercredi soir, il y a des colères qui peuvent être saintes ou justes, comme celle de Jésus face aux marchands du temple. Ici aussi, Dieu se met en colère, car ses enfants bien-aimés se sont détournés du chemin de bonheur qu’il avait prévu pour eux.

Mais le plus important, c’est que Dieu se laisse apaiser : de colérique, il devient miséricordieux. Grâce à Moïse, lui le médiateur, l’intercesseur, le lien entre Dieu et les humains, grâce à lui, Dieu ouvre un chemin de repentance. Je le crois chers frères et sœurs, Dieu est bien au-delà de nos représentations toutes humaines, il est « tout autre », toujours insaisissable, et pourtant toujours présent, toujours aimant. Dans la Bible, c’est le Dieu de l’alliance de Noé et de la promesse après le déluge, c’est le Dieu du pardon de la parabole du fils prodigue, c’est enfin le Dieu de vie de Jésus Christ qui vaincra la mort. Dieu est au-delà de nos représentations humaines limitées. Mais ce l’on peut dire, c’est que ce Dieu, il est fidèle, malgré nos infidélités humaines.

Moïse donc, dans son rôle de médiateur, rappelle à Dieu ses engagements, son alliance. C’est comme si les rôles étaient inversés. Et si ce rôle de médiateur, c’était en fait le rôle de l’Eglise ? Ici à MLK, je le crois, nous cherchons à nous connecter ensemble au Dieu libérateur, à l’adorer pour qui Il est vraiment, loin des idoles mondaines. Et pour cela, les chants gospel sont un bon moyen se relier à Lui. Comme avec Hold On, ce chant qui dit bien l’appel à l’espérance, à la persévérance et à la confiance, sans pour autant donner un chemin tout cuit. Le désert, c’est toujours une épreuve… mais avec le Dieu fidèle, c’est un peu moins dur.

Alors chers frères et sœurs, ne cherchons pas à faire comme le peuple d’Israël dans le désert qui s’est perdu en voulant remplir les vides par des idoles palpables, mais cherchons à placer notre confiance en ce Dieu fidèle malgré nos infidélités. Cherchons à persévérer dans nos déserts, même si c’est dur, même si l’impatience nous gagne. Oui que Dieu nous inspire patience, confiance, et persévérance pour notre traversée du désert ici-bas. Et ces idoles, ignorons-les, laissons-les dormir, car le veau… dort !

Amen.
 

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