« Comme Job, faire face au mal avec humilité » (06.07.25), série NP3
Lecture de Job 1,1.13-22: la première épreuve de Job
1Il y avait au pays d'Ous un homme du nom de Job. Il était irréprochable, droit, fidèle à Dieu et il évitait le mal. (…)
13Un jour que les fils et les filles de Job mangeaient et buvaient du vin chez leur frère aîné, 14un messager arriva chez Job et lui dit : « Les bœufs étaient en train de labourer, et les ânesses se trouvaient au pré non loin de là, 15quand des Sabéens sont tombés sur eux, et ils les ont enlevés. Ils ont tué tes serviteurs ; j'ai été le seul à m'échapper pour t'en informer. » 16Il n'avait pas fini de parler, qu'un autre arriva et lui dit : « La foudre est tombée du ciel sur les troupeaux de moutons et sur tes serviteurs, et elle a tout consumé. J'ai été le seul à m'échapper pour t'en informer. » 17Il n'avait pas fini de parler, qu'un autre arriva et lui dit : « Des Chaldéens ont formé trois bandes qui se sont jetées sur les chameaux, et ils les ont enlevés. Ils ont tué tes serviteurs ; j'ai été le seul à m'échapper pour t'en informer. » 18Il n'avait pas fini de parler qu'un autre arriva et lui dit : « Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin chez leur frère aîné, 19quand un ouragan venant du désert a frappé les quatre coins de la maison ; la maison est tombée sur les jeunes gens qui sont morts. J'ai été le seul à m'échapper pour t'en informer. »
20Alors Job se leva, il déchira son manteau, se rasa la tête, puis il se jeta à terre et il se prosterna. 21Il dit alors : « Je suis sorti nu du ventre de ma mère, nu je retournerai au ventre de la terre. Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni ! » 22En tout cela, Job ne commit aucune faute ; il ne dit rien d'inconvenant à Dieu.
Prédication : « Comme Job, faire face au mal avec humilité »
Résumé : Job, homme juste et droit, est violemment confronté à la réalité du mal, comble des horreurs. Sa réaction face a ses premiers deuils, pleine d’humilité, se reconnait à sa juste place de créature avec la fameuse phrase : « le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni !» Une invitation à cultiver l’humilité dans une vie qui ne nous appartient pas et reconnaître que face au mal l’aide ne peut nous venir que du Seigneur.
Chers frères et sœurs en Christ,
Le mal, c’est quoi, c’est qui ?
- Dark Vador dans Star Wars ? C’est Dark Vador qui entre dans une boulangerie et la vendeuse lui dit :
- 3 pains et 2 tartes tatin, comme d’hab ?
- Bonne mémoire !
- Facile M’sieur Vador : pain pain pain, tarte tatin tarte tatin
- Voldemort dans Harry Potter qui lui lance : « je pourrais te tuer, néanmoins… » ; « nez en moins ??? »
- Sauron dans le Seigneur des Anneaux ? Sauron, sauroff.
- Le Joker dans Batman ? Tu connais la blague du nombril ? Non… bril !
Plus sérieusement. Le mal, c’est quoi, c’est qui ?
- Hitler et la 2e guerre mondiale ?
- Oussama Ben Laden et le 11 septembre 2001 ?
- Le Hamas et le 7 octobre 2023 ?
- Netanyahou et Gaza rasée ?
- Putin et la guerre en Ukraine ?
Le mal. La souffrance, individuelle ou collective. Celle présente sur notre monde qui n’est pas sans rappeler celle du Christ sur la croix. Le mal et la souffrance qui nous laissent sans voix, impuissants.
Le thème du mal est au cœur du livre de Job. Ce livre biblique, je le vois comme un poème existentiel, d’autres diraient une parabole, qui nous apprend quelque chose de profond sur la vie. Dans ce livre, le mal frappe Job le juste, et ainsi ce livre s’oppose à deux courants :
- La théologie de la rétribution qui dit ceci : si le mal te frappe, c’est pour te punir de mauvaises actions que tu as faites ; ou dit en positif : si tu as la foi plein de trucs cool t’arriveront ; Bam, NON !
- l’Evangile de la prospérité très en vogue aujourd’hui dans certains milieux évangéliques, qui dit ceci : si tu vis la foi de la bonne manière tu seras comblé de richesses matérielles ; Bam, NON ! Précisément, Job est passé de la richesse (il avait beaucoup) à la pauvreté, restant fidèle à Dieu.
En fait, le but du livre de Job est non seulement de réfuter cette théologie de la rétribution, mais aussi plus profondément d’exposer la folie des humains de penser que nous sommes plus sages que Dieu, la folie de croire que nous savons mieux que Dieu, la folie d’imaginer que nous pouvons trouver les responsables et les blâmer.
Dans l’histoire que nous avons entendue, Job fait l'expérience du Mal, il est violemment confronté au malheur. Il a tout perdu... ses biens, sa famille, la santé... tout ce qui faisait sa vie. Il est là devant l'inexplicable, devant le non-sens du mal.
Et ici, dans cette première épreuve – faut-il rappeler que d’autres encore suivront – Job reste stoïque. Il réagit avec les gestes du deuil : il déchire ses habits, se rase la tête. Par la suite, rongé de tristesse, il dira avec colère son désarroi à Dieu. Déprimé, il se posera même la question : 1Le temps de l'humain sur la terre n'est-il pas une corvée ? » (Job 7,1) Oui parfois, la vie est une horreur, parfois je peux avoir l’impression que la réalité du monde est tellement insupportable que cela en devient invivable. Et que l’on soit croyant ou non ne change rien : être chrétien, nous dit le livre de Job, ne nous évite pas d’être chahutés. Ces temps de noirceur qui n’en finissent pas, nous en connaissons tous… (silence)
Dans notre passage, Job dit simplement « Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni ! » En y réfléchissant, vous allez me dire que quelque chose ne tourne pas rond dans l’humanité de Job. Qui en effet peut dire tranquillement cela quand il a perdu tous ses enfants, ses terres, ses troupeaux, et tous ses biens ? C’est quasi inhumain.
« Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni ! » Quelle puissance dans cette simple phrase ! Mais comprenons bien ce qu’elle veut dire.
« Dieu a donné » signifie que Dieu donne, ou plus exactement qu’il prête. Tout ce que nous croyons posséder (nos richesses, nos relations, etc.) ne nous est jamais que prêté par Dieu pour un temps. Car c’est Dieu qui est le maitre. Ainsi, Dieu est en droit de reprendre quand et comme il le veut ce qu'il offre gratuitement. Nous ne pouvons que nous soumettre, accepter, même si c’est dur pour nous.
« Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni ! » Avec cette phrase, Job dit quelque chose d’essentiel pour notre vie ici-bas : rien n’est permanent, rien ne m’appartient. Devant le mal et le malheur, tout humain est comme nu, comme s’il ne possédait rien. Oui, comme disait Maude à la prière, tout a 1 début, 1 existence et 1 fin, et c’est ok…
La bonne nouvelle de ce texte, chers frères et sœurs en Christ, elle est double. D’une part, contrairement à ce que la théologie de la rétribution voudrait nous faire croire, ce texte redit avec force – et imprimez-le bien ! – : nous ne sommes pas coupables du mal qui nous arrive ! Non, ce n’est pas parce que tu ne guéris pas que tu pries mal ! Non, ce n’est pas parce que tu vis des malheurs que c’est pour te punir de mauvaises actions. Non, ce n’est pas parce que tu n’arrives pas à sortir du cercle infernal que tu en es une mauvaise croyante. Job est irréprochable mais le mal lui tombe dessus. Même après les 4 horreurs, il ne commet aucune faute, dit le texte, comme pour dire : voyez, le mal ne s’explique pas comme conséquence d’un autre acte qui serait mauvais lui aussi.
Et d’autre part, seconde bonne nouvelle, ce texte est une invitation à s’en remettre entre les mains de notre Créateur, dans l’assurance que Lui sait mieux que nous. Comme nous le disions à la prière, Dieu c’est quelqu’un qui peut nous aider à tenir dans nos épreuves. Hold on, just a little while longer, everything is gonna be alright.
« Le Seigneur a donné, le Seigneur a repris. Que le nom du Seigneur soit béni ! » Combien de fois dans ma vie je me sens propriétaire d’une chose, d’une personne, d’un projet. Par exemple, l’Eglise MLK Lausanne, ici même, est-ce qu’elle m’appartient ? Non, c’est le projet de Dieu, pas le mien. Il ne m’appartient pas. Mes enfants : pareil, ils ne m’appartiennent pas. Je pourrais même aller jusqu’à dire que ma vie, elle ne m’appartient pas. Comme dans la parabole des talents, elle m’a été donné par le Maître, « confiée », comme un don précieux. Mais elle me sera reprise, nous le savons. Ainsi je suis invité, comme Job, à cultiver cette humilité devant la vie, devant le bien et le mal qui m’arrive. Cultiver aussi au quotidien ce regard que fondamentalement rien ne m’appartient. Cultiver enfin la reconnaissance, la gratitude. Car vous savez, une étude neuroscientifique révèle que la gratitude et l'anxiété ne peuvent coexister dans le cerveau. Lorsque vous traversez une période difficile et que vous ne savez pas quoi faire, commencez par prier et dites votre reconnaissance à Dieu. Ne laissez pas votre inquiétude prendre le dessus sur votre louange. Louez-le avec reconnaissance pour ce qu’il vous a donné et aussi pour ce qu’il vous a repris !
Notre prière dit : « Délivre-nous du mal » : à travers ces mots nous demandons à Dieu avec humilité de nous arracher à l’insoluble puissance du mal. Ainsi nous terminons le Notre Père par cette phrase d’humilité, en reconnaissant notre fragilité et parfois aussi notre impuissance face au mal que nous ne comprenons pas, que nous ne pouvons pas comprendre, pour demander humblement de garder la foi et l’espérance dans les épreuves :
Seigneur, je ne suis pas assez fort·e
pour faire face à l’immensité des épreuves et du mal.
Ne me laisse pas tomber sans me relever,
délivre-moi des chaînes qui m’oppressent.
Et ouvre-moi à la gratitude de ce qui fait sens
et à l’acceptation du non-sens
Afin que je puisse moi aussi dire
« le Seigneur a donné, le Seigneur a repris.
Que le nom du Seigneur soit béni !»
Amen.