Vos lieux de culte

"En effet,

tandis que les Juifs demandent des miracles

et que les Grecs cherchent la sagesse,

nous, nous prêchons Christ crucifié,

qui est un scandale pour les Juifs,

une folie pour les païens,

mais qui, pour tous ceux qui sont appelés,

tant Juifs que Grecs,

est la puissance de Dieu, la sagesse de Dieu.

C'est que la folie de Dieu est plus sage que les hommes,

et la faiblesse de Dieu plus forte que les hommes."

 

1e lettre aux Corinthiens, chapitre 1, versets 22 à 25

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

Frères et sœurs,

 

avec Internet,

le monde est devenu un vaste Café du commerce :

tout le monde est un expert en tout.

 

Il n’y a pas de sujet où nous n’ayons pas d’opinion :

la guerre en Ukraine,

les élections américaines,

Israël, bien sûr,

mais aussi l’écologie,

l’urbanisme,

le commerce mondial.

 

On répète ou on commente ce qu’on a lu,

avec d’autant plus d’assurance

que l’on n’a pas idée de la complexité de la question.

 

Le problème n’est bien sûr pas

que des personnes pontifient à l’heure de l’apéro

ou le soir derrière le clavier de leur ordinateur.

 

Le problème,

c’est que des politiciens qui ont le pouvoir

se mettent à croire

qu’une page Wikipedia suffit

pour comprendre un problème.

 

Et c’est aussi

que des experts qui ne connaissent

qu’un petit segment de la réalité

se mettent à penser

qu’ils ont réponse à tout,

puisque quelqu’un leur demande leur avis.

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

La sagesse des hommes … !

 

On se rappelle les publicités

où un monsieur en blouse blanche

disait qu’il fallait utiliser tel dentifrice,

telle poudre à lessive,

parce que c’était scientifiquement prouvé.

 

Maintenant, pour être pris au sérieux,

on projette sur un écran

les phrases que l’on veut mettre en évidence,

en ajoutant quelques photos

et des effets dynamiques.

C’est imparable.

 

Le recul permet de voir les limites

des grandes certitudes ainsi assénées.

 

Dans les années soixante-septante,

l’amiante était le produit miracle.

Maintenant on le voit comme une abomination.

 

Il y a aussi l’exemple de ces villes nouvelles

qui devaient être le paradis sur terre,

et où personne ne veut plus habiter aujourd’hui.

 

Oui, la sagesse des hommes,

on en voit bien les limites.

 

Et pourtant, on retombe toujours dans le panneau.

 

« Ce sont les gens d’hier qui étaient trop naïfs.

Nous, nous avons tiré la leçon.

Nous, nous savons. »

 

Des propos que d’autres répéteront demain,

en pointant les effets de nos décisions d’aujourd’hui.

 

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

La formule claque bien.

Folie/Sagesse en miroir.

La folie comme l’opposé de la sagesse.

La folie comme la sagesse avec un moins devant.

Une parfaite symétrie.

 

On oublie le monsieur en blouse blanche.

Et on prend un toxicomane ou un schizophrène,

et on l’écoute tout aussi religieusement

que le monsieur en blouse blanche.

 

Le même modèle.

La même attitude.

Juste avec un contenu différent.

 

Seulement,

la folie,

ce n’est pas un décalque de la sagesse.

Dire noir quand les autres disent blanc.

Dire blanc quand les autres disent noir.

 

La folie, ce n’est pas un dérivé de la sagesse.

C’est quand il n’y a plus de sagesse,

plus de repères.

 

La sagesse,

cela peut se formuler,

s’enseigner,

se transmettre.

 

La folie, non.

 

Écrire des livres,

faire des conférences

sur le Christ crucifié,

c’est n’y rien comprendre.

Ou en tout cas rester à mi-chemin.

Refuser de quitter sa zone de confort.

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

La folie de Dieu.

La folie.

 

Nous ne savons plus ce que c’est, la folie.

Nous ne vivons plus avec des fous.

Il y a des services pour ça.

Des professionnels compétents

qui sauront trouver le bon traitement.

 

Nous croisons tout au plus des gens

qui ont parfois un accès de folie.

Mais cela passera.

Des gens qui sont à demeure dans la folie,

qui n’en sortent jamais,

qui n’en sortiront jamais,

cela dépasse notre expérience.

 

Alors, comment pourrions-nous comprendre la folie de Dieu ?

 

Oui, la folie de Dieu.

Le Messie de Dieu

qui finit cloué sur une croix.

Et ce n’est pas une erreur.

Ce n’est pas un tragique malentendu.

Ce n’est même pas

une substitution pleine de noblesse,

comme quand un soldat s’interpose

et se prend la balle,

pour épargner son ami

qui est père de famille.

 

Pas une sagesse.

Pas un mécanisme.

Pas une marche à suivre.

 

La folie de Dieu.

 

Perdre la tête,

devenir fou,

c’est une des pires hantises qui soit.

 

Et à travers le Christ crucifié,

c’est à cela que nous sommes appelés.

 

Renoncer à la sagesse.

Et entrer dans la folie.

Entrer dans une vie où nos repères

ne sont plus opérants.

Où ce que l’on nous a appris à l’école

ne sert plus à grand-chose.

Où ce que nous présentent

les journaux et les magazines,

ce que nous disent les politiciens

et les gouvernements

est tout à fait hors propos.

 

Oui, renoncer à la sagesse,

renoncer aux théories,

renoncer aux explications,

aux planifications,

aux projections.

Renoncer à comprendre,

à contrôler,

à maîtriser.

Juste faire le pas, aujourd’hui.

Et le faire à nouveau demain.

Chaque jour recommencer.

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

Tant que l’on n’a pas fait le pas,

cette phrase est incompréhensible.

 

« Plus sage que les hommes » :

on imaginera la même chose que l’on a maintenant,

juste en mieux.

En plus solide.

En plus stable.

Plus de soucis de santé.

Partout de la reconnaissance.

Des enfants modèles.

Un succès éclatant.

 

Seulement,

le vrai Temple de Dieu

ne ressemble pas

au Temple de Jérusalem,

avec juste plus d’or

et de magnificence.

 

Le vrai Temple de Dieu,

cela n’a rien à voir avec le Temple de Jérusalem.

Ce ne sont pas des pierres.

C’est cet homme qui ne paie pas de mine :

un doux rêveur,

un original,

un marginal.

 

« La folie de Dieu est plus sage que les hommes. »

 

Cette phrase n’est pas un slogan publicitaire

pour attirer le chaland,

comme cette lessive qui lavait plus blanc que blanc.

 

Non, cette phrase, c’est un témoignage.

Un peu comme quand Thomas d’Aquin

dit vers la fin de sa vie

que tout ce qu’il a écrit

n’est que de la paille

en comparaison

de l’expérience dans laquelle

Dieu l’a fait entrer.

 

« Ce que vous connaissez,

ce à quoi vous attribuez de la valeur,

en réalité, cela n’en a pas.

Mais impossible de vous décrire

ce qui a vraiment de la valeur.

Nos catégories n’ont aucune pertinence. »

 

Le Christ n’est pas un gourou

avec des recettes pour une vie agréable.

C’est le témoin d’une autre vie.

Une vie en dehors de toutes nos références.

Une vie où mourir cloué sur une croix

n’est pas un échec.

 

Et cette vie,

il ne s’agit pas de l’expliquer

mais de la vivre.

En faisant nous-mêmes le pas.

En n’ayant pas peur d’aller au-delà

de ces certitudes qui nous rassurent,

mais qui n’ont pas leur place

dans le Royaume de Dieu.

 

Amen