Mais Étienne, rempli d'Esprit Saint, fixa les regards vers le ciel
et vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu.
Il dit : « Voici : je vois les cieux ouverts et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu. »
Ils crièrent alors d'une voix forte, en se bouchant les oreilles,
et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le chassèrent hors de la ville et le lapidèrent.
Les témoins avaient déposé leurs vêtements aux pieds d'un jeune homme appelé Saul.
Ils lapidèrent Étienne, qui priait et disait : « Seigneur Jésus reçois mon esprit ! »
Puis, il se mit à genoux et s'écria d'une voix forte : « Seigneur, ne les charge pas de ce péché ! »
Et, après avoir dit cela, il s'endormit.
Actes des apôtre 7, 55-60
Ce n'est pas pour eux seulement que je prie,
mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole,
afin que tous soient un ; comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi,
qu'eux aussi soient [un] en nous, afin que le monde croie que tu m'as envoyé.
Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée,
afin qu'ils soient un comme nous sommes un, – moi en eux, et toi en moi –
afin qu'ils soient parfaitement un,
et que le monde connaisse que tu m'as envoyé
et que tu les as aimés, comme tu m'as aimé.
Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient aussi avec moi,
afin qu'ils contemplent ma gloire, celle que tu m'as donnée
parce que tu m'as aimé avant la fondation du monde.
Père juste, le monde ne t'a pas connu ;
mais moi, je t'ai connu, et ceux-ci ont connu que tu m'as envoyé.
Je leur ai fait connaître ton nom, et je le leur ferai connaître,
afin que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux,
et que moi, je sois en eux.
Évangile selon Jean 17, 20-26
« Je vois les cieux ouverts
et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu. »
Frères et sœurs,
ces paroles d’Étienne causeront sa mort.
Et nous avons un peu de peine à comprendre pourquoi.
La droite de Dieu, c’est la place de Jésus depuis l’Ascension.
C’est que l’on répète dans le Symbole des apôtres.
Et c’est aussi ce que l’on nous a appris au catéchisme.
Nous ne voyons pas de problème.
Les membres du sanhédrin voient les choses différemment.
Pour eux, Jésus, c’est avant tout un homme
qu’ils ont, pour certains, croisé dans la ville.
Une personne dotée d’un certain charisme, c’est indéniable.
Mais, en même temps,
un homme de chair et de sang comme vous et moi.
Un terrien, et non un extraterrestre.
Pour les membres du sanhédrin, Jésus a la droite de Dieu,
c’est un mélange des genres absolument scandaleux.
Une abomination contre nature.
Pire que le mariage de la carpe et du lapin.
La droite de Dieu, c’est un lieu réservé aux créatures célestes.
Un humain n’a rien à y faire.
Imaginez ce que vous penseriez
si quelqu’un vous disait le plus sérieusement du monde
qu’il voit la reine Élisabeth dans le ciel
à la place la plus prestigieuse qui puisse être : la droite de Dieu.
Vous prendriez vite vos distances.
L’Ecclésiaste le dit bien dans la Bible :
« Dieu est au ciel, et toi, tu es sur la terre. » (Ecclésiaste 5, 2)
Chacun à sa place !
Et nous sommes plutôt d’accord avec lui.
Pourtant, l’Ascension du Christ que nous venons de célébrer,
devrait nous amener à voir les choses autrement.
Nous comprenons souvent cette fête
comme le retour du Fils de Dieu au bercail,
auprès de Son Père.
C’est oublier que Jésus ne rentre pas comme Il était parti.
En effet, sur cette terre, Il a uni Sa vie à la nôtre.
Non seulement à notre âme.
Mais aussi à notre chair.
Une union indissoluble dont le baptême est le signe visible.
Et, donc, lorsqu’Il entre dans le ciel,
Il nous y amène tous avec Lui.
Eh oui, depuis l’Ascension,
notre vie est bien là, en haut, dans le ciel, à la droite de Dieu.
Nous ne sommes pas juste des malheureux secourus
par un Sauveur venu de loin.
Non, depuis la venue de Jésus,
nous sommes nous aussi les détenteurs d’un pouvoir royal :
les bras droits du Père, du Créateur.
Jésus le dit bien : « Père, je veux que là où je suis,
ceux que tu m’as donnés soient aussi avec moi. »
Les prières du Christ sont bien plus que de simples souhaits.
Elles expriment la volonté du Fils de Dieu.
En un mot, la volonté de Dieu.
Nous rappelons souvent que partout où nous sommes,
Jésus est aussi là avec nous.
C’est bien sûr plus facile à dire qu’à vivre et ressentir.
Mais l’idée est bien connue.
Ce que Jésus dit, c’est que l’inverse aussi est vrai.
Là où Jésus se trouve, nous nous trouvons nous aussi.
Non pas juste sur cette terre.
Mais aussi dans le ciel le plus haut.
Non pas des kilomètres au-dessus du sol,
mais bien dans la pureté de Dieu,
là où tout est légèreté, lumière, bonté.
Et nous n’y sommes pas comme des intrus,
ou des voyageurs en court séjour.
Nous y sommes comme des ayants droits.
Comme des citoyens de ce lieu.
Lorsque Jacob voit des marches qui relient le ciel et la terre,
il voit dessus des anges qui descendent et qui montent.
Et il y a là bien plus qu’un échange d’informations, de messages.
Le Fils de Dieu
qui fait descendre sa divinité dans notre humanité,
et qui élève notre humanité dans ce qui est divin.
Et ainsi la maison de Dieu se trouve sur la terre,
comme l’indique le nom de Bethel.
Tandis que la maison des humains se trouve, elle, dans le ciel.
La foi chrétienne, c’est ce double mouvement.
Dieu qui, dans son Fils, descend dans nos faiblesses,
dans nos fragilités, dans nos blessures.
Et en même temps, Dieu qui, toujours dans son Fils,
élève les humains au plus haut sommet :
là où il trône lui-même.
Il y a parfois chez les croyants une humilité malsaine.
On sait bien qu’on est imparfait,
qu’on a toujours besoin du pardon de Dieu.
Alors on ne cherche même plus à regarder plus loin, plus haut.
On s’est fait une raison.
Et finalement on ne vit pas si mal
avec son égoïsme et tout le reste.
Puisque nous sommes sauvés par la grâce.
« Noblesse oblige ! », on le sait bien.
Alors mieux vaut être des gueux
dont on n’attend pas grand-chose.
Et qui peuvent jouir en toute tranquillité
de la générosité et de la bienveillance de leur Seigneur.
L’Ascension nous remet à notre vraie place :
tout en haut, à la droite de Dieu.
Là où l’air est parfaitement pur.
Là où il n’y a plus de mesquinerie ni de jeux de pouvoir.
Là où le cœur est parfaitement libre
pour aimer et se donner dans toutes les directions.
Là où le cœur peut s’enivrer de cet élan
qui l’entraîne sans peine toujours plus loin
dans la générosité et la douceur.
Imaginer qu’être à la droite de Dieu
signifie être au-dessus des autres,
c’est encore penser petit.
Cette mentalité d’esclave
qui rêve juste de monter d’un échelon,
afin d’avoir quelqu’un à écraser.
Le ciel, ce n’est pas le poste de direction d’où l’on voit tout.
C’est autre chose.
La disparition de ces hiérarchies
auxquelles nous réduisons trop souvent la vie.
Et une proximité nouvelle et absolue avec tous,
même avec ceux qui sont tout en bas,
même avec ceux qui nous semblent maintenant
parfaitement insignifiants.
Non seulement parmi les humains.
Mais aussi dans les autres règnes.
Jésus prie le Père « afin que tous soient un ».
Nous avons réduit cette parole aux questions d’œcuménisme.
Un appel à ce que les chrétiens arrêtent
de se taper les uns sur les autres.
Avec des fois une position défensive :
« Maintenant que nous sommes si peu nombreux,
il faudrait s’unir pour faire face. »
Unis contre les autres.
L’unité dont parle Jésus est d’un autre ordre.
C’est une unité dynamique.
C’est une unité contagieuse.
Une unité non pas contre.
Mais une unité avec toujours plus, avec tous.
Non pas une question d’organisation ou de dogme.
Mais d’abord une unité de cœur.
Voir d’abord, non pas un étranger, un adversaire, un ennemi :
quelqu’un qui n’est pas comme nous.
mais la chair de notre chair, un même corps, un même souffle,
le même cœur de Dieu qui bat dans chacune, dans chacun.
L’Ascension, ce n’est pas une invitation à regarder vers le ciel.
C’est au contraire une invitation à regarder depuis le ciel.
Depuis cette droite de Dieu où le Christ nous a emmené.
Voir le monde à partir de la générosité et de la bonté de Dieu.
Ne pas rester au ras des pâquerettes.
Mais voir large, aimer large.
À la mesure de ce Dieu qui nous a fait entrer dans Sa vie,
dans Sa liberté,
dans Sa clarté.
À Lui la gloire, maintenant, et toujours,
et pour les siècles des siècles.
Amen