Vos lieux de culte

Quant à nous, frères aimés du Seigneur,

nous devons sans cesse rendre grâces à Dieu à votre sujet,

parce qu’il vous a choisis dès le commencement pour vous donner le salut

par l’Esprit qui sanctifie et par la foi en la vérité.

C’est à cela qu’il vous a appelés par notre prédication de l’Évangile,

pour que vous possédiez la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ.

Ainsi donc, frères, demeurez fermes

et retenez les enseignements que nous vous avons transmis,

soit de vive voix, soit par notre lettre.

Que notre Seigneur Jésus-Christ lui-même,

et Dieu notre Père, qui nous a donné par sa grâce

une consolation éternelle et une bonne espérance,

consolent vos cœurs et vous affermissent

en toute bonne œuvre et toute bonne parole !

 

Au reste, frères, priez pour nous,

afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous,

et que nous soyons délivrés des hommes hostiles et méchants ;

car tous n’ont pas la foi.

Le Seigneur est fidèle ; il vous affermira et vous gardera du malin.

Nous avons l’assurance dans le Seigneur

que vous faites et ferez ce que nous vous recommandons.

Que le Seigneur ouvre vos cœurs à l’amour de Dieu et à la patience du Christ !

(2 Thessaloniciens 2, 13 - 3, 5)

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

Frères et sœurs,

c’est aujourd’hui le dimanche de la Réformation.

Et je l’avoue :

cette commémoration ne m’a jamais trop parlé.

Revivre les batailles du passé

auxquelles on n’a pas participé,

en se mettant bien sûr du bon côté,

c’est un peu facile.

 

« Quelle honte, ces papistes idolâtres

prêts à tout pour garder les gens à leur botte,

et remplir leurs caisses de sous ! »

 

Vu sous cet angle,

le dimanche de la Réformation semble un joli folklore

qui permet à des protestants financés par l’État

de jouer aux rebelles,

et de ne pas s’interroger

sur les enjeux du présent.

Par exemple le peu d’intérêt

qu’ils suscitent autour d’eux.

 

Alors mettons de côté les images d’Épinal,

et regardons plus loin, plus profond.

 

L’épître de ce jour peut nous aider pour cela.

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement… »

 

Les protestants sont connus pour distribuer des Bibles.

On en donne une aux catéchumènes

qui commencent leur cursus.

Mais sans guide, comment s’orienter dans toutes ces pages ?

 

Les couples qui se marient, eux aussi,

reçoivent un exemplaire des Écritures.

Un souvenir de ce jour particulier.

Mais combien l’ouvrent pour méditer ce qui y est dit ?

 

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

C’est étonnant comme les choses ont tendance à se scléroser.

On passe de la Parole de Dieu à l’Écriture.

Puis on passe du texte encore plein de vie

à ce livre que l’on ne connaît plus que fermé.

Avec une couverture austère.

Une sorte de brique impénétrable.

Tellement loin d’une parole libre et vivante.

 

 

Le dimanche de la Réformation

comme autocélébration de ce protestantisme institutionnel,

formel et pesant ?

Ce serait une horreur absolue !

 

Alors oublions le « Y’en a point comme nous ! »

Et regardons plutôt en arrière et en avant de nous.

Regardons vers le passé.

Et aussi vers l’avenir.

 

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

En affichant ses thèses à la porte

de la chapelle du château de Wittenberg,

Luther ne cherchait pas à fonder une nouvelle confession

qui viendrait concurrencer le catholicisme romain.

 

Non, pas de calcul.

Pas de projet concret.

Juste un geste de liberté

pour amener de l’air dans cette Église

plus soucieuse de sa prospérité

que de l’Évangile.

 

C’est cela la grandeur de Luther,

avoir osé être prophète

et non pas juste théologien

ou juriste.

Sortir des argumentations alambiquées

et sans failles des traités universitaires,

et faire entendre une voix

qui n’a pas besoin de ces subtilités

pour parler avec autorité.

 

« Comment pouvez-vous oser ?

Ça ne va pas !

C’est faux !

Vous êtes complètement à côté de la plaque !

Ce n’est pas ça, l’Évangile ! »

 

Le geste de Luther

n’est pas celui d’un stratège,

d’un tacticien,

d’un fondateur.

 

Luther se veut juste un instrument.

Une caisse de résonance.

La parole de Dieu qui sort des bibliothèques

et des écritoires

pour retrouver sa liberté.

Qu’elle redevienne tellement plus qu’un objet d’étude :

l’occasion d’une rencontre,

d’un choc, d’un bouleversement,

d’une fécondation.

 

Oui, la Parole de Dieu ! …

Non pas un livre fermé.

Mais une bouche ouverte.

L’air qui vibre.

Le cœur qui est remué.

 

Partir de ça,

et en arriver à une Église terriblement fière.

d’être une institution de droit public.

Quel chemin parcouru !

Mais pas forcément dans le bon sens !

 

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

Vous avez entendu ?

Glorifier la parole !

 

Non pas l’analyser,

la disséquer,

la commenter.

Mais la glorifier.

Lui ouvrir notre vie.

Lui permettre de résonner en nous.

Lui permettre de rayonner à travers nous.

 

Oui,

la parole de Dieu,

non pas comme des mots,

comme des phrases,

mais comme une force,

une présence,

un dynamisme,

qui nous porte,

qui nous fait avancer,

qui nous transforme.

 

Dieu est là dans ce qui est dit.

Et c’est cette présence qui est l’essentiel,

et non l’enveloppe dans laquelle

elle se présente à nous.

 

Étudier la Bible,

pour étudier la Bible,

pour en devenir un grand spécialiste,

c’est une impasse.

Contempler le doigt

sans voir la lune qu’il nous montre.

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement… »

 

La Parole de Dieu est libre.

Et c’est librement qu’elle se répand dans le monde.

 

Les protestants parlent beaucoup de liberté.

Mais, souvent, c’est autre chose

qu’ils semblent vivre :

la peur de mal faire,

le souci des convenances,

une obsession de la modération

et du qu’en dira-t-on.

Et bien sûr le goût des comités, commissions

et autres groupes de travail,

qui produisent des rapports, des procédures, des directives,

des propositions d’amendements au règlement.

 

Pendant des siècles,

on s’est gaussé de l’Église romaine du temps de Luther,

si pachydermique, protocolaire,

et déconnectée de l’Évangile.

Mais Jésus nous avait mis en garde.

Vous savez : la paille et la poutre…

 

« … afin que la parole du Seigneur se répande librement,

qu’elle soit glorifiée partout, comme elle l’est parmi vous … »

 

La Réforme comme un événement historique,

avec une date précise

que l’on peut commémorer année après année.

 

Mais pourquoi rester figés dans le passé ?

 

Imaginez :

la Réforme comme un événement à venir,

devant nous !

Une voix s’élève

qui ébranle ces structures qui tournent à vide.

Un vent frais vient gonfler les voiles

et emmène vers le large.

La Parole de Dieu qui retrouve sa liberté et son éclat.

Qui explose les schémas et les grilles de lecture

pour faire surgir une vie nouvelle.

 

La Réforme comme une surprise que l’on n’attend pas,

que l’on n’attend plus.

Dieu qui parle à Son peuple.

Dieu qui crée à nouveau Son Église.

 

Et qu’ainsi elle ne soit pas juste

une jolie boîte où tout est si bien rangé

qu’il n’y a plus besoin d’y revenir.

 

Non, être prêt à se prendre une bordée

et à entendre dans la foulée les plus doux des mots d’amour.

 

Oui, une Parole libre.

Une Parole vivante

qui nous révèle cette chose étonnante :

nous aussi, nous pouvons être vivants :

vivants d’une vie nouvelle,

vivants d’une vie infinie.

 

Alors sachons nous laisser réformer.

Sachons nous laisser transformer.

Sachons nous laisser transpercer.

 

Et qu’ainsi la parole de Dieu se répande librement,

et qu’elle soit glorifiée partout.

 

Amen