Vos lieux de culte

Considérez, frères, que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles.

Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages ;

Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes ;

Dieu a choisi les choses viles du monde et les plus méprisées,

celles qui ne sont point,

pour réduire à néant celle qui sont,

afin que personne ne se glorifie devant Dieu.

Or, c’est grâce à lui que vous appartenez à Jésus-Christ,

qui, par la volonté de Dieu, a été fait pour nous sagesse et justice,

sanctification et rédemption

- afin que, comme le dit l’Écriture,

« celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur. »

1 Corinthiens 1, 26-31

 

« Considérez, frères,

que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

Frères et sœurs,

on voit bien que l’apôtre Paul

ne connaissait pas la paroisse de Fontenay !

 

Les personnes ici présentes

représentent tout de même.

un joli nombre de diplômes.

Des carrières intéressantes.

Des expériences fortes et variées

dans de nombreux pays,

et même sur plusieurs continents.

 

Rien à voir avec la populace de Corinthe,

ces gens mal-dégrossis

qui passaient d’un petit boulot à un autre,

et ne savaient pas forcément lire.

 

« Considérez, frères,

que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

Que faire de ces mots ?

 

On pourrait élaborer une success story :

Dieu qui commence tout en bas,

avec la plèbe de Corinthe,

avant de gravir les échelons

pour arriver jusqu’à nous.

Les bas-fonds en premier,

et, après bien des étapes

échelonnées sur des siècles,

un aboutissement éclatant :

ces érudits, ces notables que nous sommes ;

des gens compétents et reconnus.

 

Je l’avoue,

les interprétations tarabiscotées

me fatiguent un peu.

J’aime prendre la Bible au pied de la lettre.

Au premier degré.

 

« Considérez, frères,

que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

J’ai un beau diplôme universitaire.

Mais suis-je pour autant un sage selon la chair ?

Ce n’est pas obligé.

 

Je peux me considérer supérieur

à ceux qui n’ont pas fait d’études.

Je peux aussi penser que,

si j’ai appris à chinoiser,

cela ne fait jamais de moi qu’un beau parleur.

 

L’apôtre Paul ne nous place jamais

devant un simple miroir

où nous pourrions rire de nous voir si beaux.

 

Il nous place toujours devant Dieu.

Et là, c’est une évidence :

« parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

Oui, devant Dieu,

nous sommes tout nus.

Nous ne pouvons pas nous cacher

derrière nos diplômes et notre bonne renommée.

 

Il est important d’en être conscient.

Et cela, tout particulièrement aujourd’hui

en ce jour du dimanche missionnaire.

 

Il est si facile de vouloir apporter

nos connaissances, nos savoir-faire,

que sais-je, la culture, la civilisation,

à ces pauvres d’outre-mer

qui en sont dépourvus.

 

Il est aussi tentant de penser que,

si quelqu’un ne vit pas comme nous,

c’est qu’il n’a pas notre niveau,

qu’il est en retard.

Alors qu’il s’agit souvent

d’une autre échelle de valeurs.

De priorités différentes

de celles que nous avons choisies.

 

Le dimanche missionnaire

est l’occasion de souligner ce qui a été fait.

Le courage, la générosité

de ceux qui ont renoncé à leur confort

et qui ont offert des années de leur vie

à leurs frères et sœurs d’autres continents

pour les aider dans leur quotidien.

Ce geste mérite d’être rappelé.

 

Mais le dimanche missionnaire

peut aussi être l’occasion

de partager, à côté de nos richesses,

nos interrogations, nos perplexités.

 

Sommes-nous vraiment si heureux de notre prospérité ?

Pourquoi nos églises sont-elles si vides ?

Nos taux de suicide si importants ?

 

« Considérez, frères,

que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

L’apôtre dresse un portrait étonnant du chrétien.

Non pas un superman ou un grand sage :

quelqu’un de rayonnant, et même d’éblouissant.

Non, quelqu’un qui n’a rien pour lui.

Quelqu’un de démuni.

 

Le Christ dit :

« Heureux les pauvres en esprit,

car le Royaume des cieux est à eux ! »

 

Seulement, il est facile de comprendre de travers !

La simplicité évangélique se mue alors en austérité.

La pauvreté, non pas comme un chemin,

mais comme un but : l’horizon de la vie.

Il faut être pauvre, et tout faire pour le rester.

Ne rien avoir dans ses armoires.

Ne rien avoir dans les poches.

Ne rien avoir dans les mains,

si ce n’est cette pauvreté

à laquelle on s’agrippe de toutes ses forces.

 

« Heureux les pauvres en esprit,

car le Royaume des cieux est à eux ! »

 

La pauvreté

comme le contraire,

non pas de la richesse,

mais de l’encombrement,

de la crispation.

 

La pauvreté

comme disponibilité,

comme réceptivité,

comme ouverture.

 

Non pas les mains le long du corps :

« Ce que j’ai me suffit pleinement ! »

Non, les mains ouvertes devant soi :

« Si tu me donnes quelque chose,

je le prendrai, et j’en vivrai. »

 

La pauvreté,

ce n’est pas un but à atteindre.

Ce n’est pas un aboutissement :

se dépouiller de tout ce qu’il y a en trop,

de tout ce qui ne sert à rien,

et ne garder que l’essentiel,

que ce qui est absolument indispensable.

 

Non, la pauvreté, c’est un point de départ :

l’essentiel, l’indispensable, on ne l’a pas encore -

ce qui permettrait une vie vraiment belle,

vraiment bonne !

 

Alors chaque rencontre est une occasion

d’être enrichi, d’être comblé,

de recevoir ce qui est utile,

ce qui va bouleverser,

ce qui va tout changer.

 

« Considérez, frères,

que, parmi vous qui avez été appelés,

il n’y a ni beaucoup de sages selon la chair,

ni beaucoup de puissants,

ni beaucoup de nobles. »

 

Nous avons encore tout à recevoir.

Nous avons encore tout à apprendre.

Et c’est très bien.

Et c’est tant mieux.

 

La mission chrétienne ne saurait se vivre sans cela :

sans cette pauvreté,

sans cette ouverture,

sans cette réceptivité.

 

Le trésor le plus précieux que l’on peut offrir,

c’est souvent plus nos étonnements que notre savoir.

Nos perplexités.

Nos questions.

Ce qui permet un échange.

Un bout de chemin à faire ensemble.

 

« Heureux les pauvres en esprit,

car le Royaume des cieux est à eux ! »

 

Les mots sont souvent maladroits,

et c’est pourquoi il est important

de retrouver la vie qu’ils recouvrent.

 

Pauvre en esprit,

ce n’est que dans le face-à-face,

dans la rencontre qu’on peut l’être.

 

Non pas une qualité que l’on possèderait,

mais un certain esprit qui permet l’échange.

De la curiosité.

De l’intérêt.

Être prêt à la surprise.

Être prêt à être entraîné

là où l’on n’aurait jamais pensé aller.

 

La mission,

ce ne sont pas des terres inconnues à défricher

et à cultiver,

des esprits vierges à instruire.

La mission,

ce sont plutôt des occasions

d’être enrichi et déboussolé,

de sortir de ses ornières,

de se rapprocher

pour faire un bout de chemin ensemble.

 

Une interaction

où chacun se retrouve finalement changé.

Et c’est ainsi que l’on découvre

qui l’on est en vérité :

non pas un sage bien installé,

mais un pauvre,

qui n’attend bien sûr que d’être enrichi.

 

Amen