Vos lieux de culte Église 29

Première lecture : le livre des Actes, chapitre 5, versets 26-32

Le chef des gardes partit alors avec ses hommes pour ramener les apôtres. Mais ils n’usèrent pas de violence, car ils avaient peur que le peuple leur lance des pierres. Après les avoir ramenés, ils les firent comparaître devant le conseil et le grand-prêtre se mit à les accuser. Il leur dit : « Nous vous avions sévèrement défendu d’enseigner au nom de cet homme-là. Et qu’avez-vous fait ? Vous avez répandu votre enseignement dans toute la ville de Jérusalem et vous voulez faire retomber sur nous les conséquences de sa mort ! »

Pierre et les autres apôtres répondirent : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux êtres humains. Le Dieu de nos ancêtres a ressuscité ce Jésus que vous aviez fait mourir en le pendant au bois de la croix. Dieu l’a élevé par sa main droite et il l’a établi comme chef et sauveur, pour donner l’occasion au peuple d’Israël de changer de vie et de recevoir le pardon de ses péchés. Nous sommes témoins de ces événements, nous et l’Esprit saint que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent. » (Amen)

 

Deuxième lecture : l’Évangile selon Jean, chapitre 21, versets 15-19

Après le repas, Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime », et Jésus lui dit alors : « Pais mes agneaux. »

Une seconde fois, Jésus lui dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Il répondit : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Jésus dit : « Sois le berger de mes brebis. » Une troisième fois, il dit : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre fut attristé de ce que Jésus lui avait dit une troisième fois « M’aimes-tu ? », et il reprit : « Seigneur, toi qui connais toutes choses, tu sais bien que je t’aime. » 

Et Jésus lui dit : « Pais mes brebis. En vérité, en vérité, je te le dis, quand tu étais jeune, tu nouais ta ceinture et tu allais où tu voulais. Lorsque tu seras devenu vieux, tu étendras les mains et c’est un autre qui nouera ta ceinture et qui te conduira là où tu ne voudrais pas. » Jésus parla ainsi pour indiquer de quelle mort Pierre devait glorifier Dieu ; et après cette parole, il lui dit : « Suis-moi. » (Amen)

 

Nous venons d’entendre ce qui est peut-être le plus beau dialogue entre Jésus et Simon Pierre. En tout cas, ce dialogue sera déterminant pour la vie de Pierre. Récapitulons vite ce qui vient de se passer. L’histoire se passe peu après Pâques. Jésus ressuscité s’était déjà montré à ses disciples à Jérusalem. Ces derniers sont ensuite rentrés en Galilée. Un soir, Simon Pierre, accompagné de 6 autres disciples, décide d’aller à la pêche. Mais cette nuit-là, ils ne prennent rien. Tôt le matin, un inconnu se tient sur le rivage et les interpelle. Sur son conseil, les disciples jettent le filet du côté droit de la barque et attrapent tellement de poissons qu’ils n’arrivent pas à sortir le filet de l’eau. À ce moment-là, le disciple bien-aimé reconnaît Jésus, et Pierre se jette à l’eau pour être le premier à le rejoindre. Dans le filet, il y a 153 gros poissons. Mais Jésus avait déjà préparé du pain et du poisson grillé, qu’il partage avec ses disciples. 

            Après le repas, Jésus pose à Pierre cette question inattendue : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » C’est probablement la seule fois où Jésus demande à quelqu’un « M’aimes-tu ? » Mais il a de bonnes raisons de poser cette question. Longtemps avant, Simon avait été renommé Pierre, une pierre sur laquelle Jésus allait bâtir son Église. Et voilà qu’il redevient « Simon, fils de Jean ». Où est passé Pierre ? C’est que quelque chose s’est passé entre deux. Quelque chose a été cassé, et va devoir être réparé. Dans notre récit, le maître et son disciple sont assis autour du feu. Comment ne pas penser au feu dans la cour du grand prêtre ? Ce feu où Pierre est allé se réchauffer après l’arrestation de Jésus, et où il a renié son maître trois fois, à cause de la question d’une simple servante…         

            Ce matin-là, au bord du lac, Jésus ressuscité ne reproche rien à Pierre, il ne le culpabilise pas. Mais en lui demandant trois fois « M’aimes-tu ? », c’est comme s’il voulait lui donner l’occasion de réparer ses trois reniements. Jésus a déjà pardonné à Pierre, il est prêt à lui faire de nouveau confiance, jusqu’à lui confier ses brebis, son Église, tous ceux qu’il aime. Il attend juste la réponse à sa question : « M’aimes-tu ? » Et à la réponse de Pierre, on voit que celui-ci a déjà bien changé. Lui qui s’était vanté, lors du dernier repas « Même si tous les autres t’abandonnent, moi je ne t’abandonnerai pas. », à la question « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? », il répond humblement « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime. » Ce dialogue est très important. Pour l’avenir de Pierre, mais aussi pour l’avenir de l’Église. Il est important que Pierre puisse dire trois fois « Je t’aime » à Jésus. Car Pierre le sait bien, Jésus ne lui demande pas seulement son affection, son amitié. « Est-ce qu’on est toujours amis ? » L’amour dont parle Jésus, c’est l’amour « Agapé ». Un amour de charité, un amour qui pardonne. Un amour qui veut le bien de l’autre, un amour total, le don de soi. C’est l’amour dont Jésus a aimé ses disciples, mais aussi ses ennemis. Un amour qui est prêt à aller jusqu’au sacrifice, jusqu’au don de sa vie. En posant à Simon Pierre la question « M’aimes-tu ? » c’est comme si Jésus disait : « Moi, je t’aime de cet amour-là, j’ai donné ma vie pour toi. Et toi, m’aimes-tu ? » Répondre « oui » à cette question, c’est s’engager de tout son être à suivre Jésus, c’est d’être prêt à aimer jusqu’au bout. 

            On pourrait se demander si nous sommes vraiment capables d’aimer Dieu de cette manière-là. Mais n’oublions pas que c’est toujours l’amour de Dieu pour nous qui vient en premier. Parce que Dieu est la source de tout amour, qu’il est Lui-même Amour. C’est parce que Jésus a aimé ses disciples jusqu’à donner sa vie pour eux qu’ils pourront répondre à son amour… À l’Ascension, Jésus va monter auprès de son Père. Mais s’il quitte ses amis, c’est pour être encore plus proche d’eux. Puisqu’à Pentecôte, il leur envoie son Esprit, qui va désormais habiter dans leurs cœurs et transformer des hommes et des femmes craintifs en témoins pleins de courage.

            Ce matin-là, au bord du lac de Tibériade, Pierre s’engage à marcher dans les traces de Jésus. Il sait que sa vie ne sera plus jamais comme avant. Il va devoir abandonner toutes ses certitudes, se jeter à l’eau, partir vers l’inconnu. Lui, un simple pêcheur, va désormais devenir pêcheur d’hommes. Lui, un homme sans instruction, va prêcher aux foules, il va devoir témoigner devant les autorités religieuses et les tribunaux. Avec ses compagnons, il va être fouetté, emprisonné. Et pourtant, le livre des Actes raconte que Pierre et ses compagnons sont tout joyeux d’être maltraités pour le nom de Jésus. Quel changement par rapport aux disciples « d’avant Pentecôte » ! L’apôtre Paul témoigne à son tour dans la lettre aux Romains : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ? Est-ce que ce sera la détresse, ou bien l’angoisse, ou encore la persécution, la faim, la privation, le danger, la mort ? Comme le déclare l’Écriture : « À cause de toi, nous sommes exposés à la mort tout le long du jour, on nous traite comme des moutons qu’on mène à l’abattoir. » Mais en tout cela nous remportons la plus complète victoire par celui qui nous a aimés. Oui, j’ai la certitude que rien ne peut nous séparer de son amour… » Pierre, Paul et les autres apôtres vont recevoir la force d’aimer jusqu’au bout. Ils vont vraiment marcher dans les traces de leur Maître. À leur tour, ils vont donner leur vie par amour pour Dieu, ils vont presque tous mourir pour leur foi. Pour Pierre et Paul, ce sera probablement à Rome autour de l’an 64, lors de la grande persécution des chrétiens, ordonnée par l’empereur Néron. Dans l’Empire Romain, les persécutions des chrétiens vont durer presque 300 ans.  Mais les chrétiens vont tenir bon, portés par cette certitude que « rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu. » C’est aussi grâce au courage de ces hommes et ces femmes, grâce à leur sacrifice, que nous sommes réunis dans cette église aujourd’hui.

            Nous avons la chance de vivre dans un pays libre, où chacun peut choisir sa religion. Et il est peu probable que nous mourions un jour en martyr à cause de notre foi. Mais si après 2000 ans, nous continuons à lire le dialogue poignant entre Jésus et Simon Pierre, c’est parce qu’il est toujours actuel, qu’il nous concerne. Comme Pierre, nous sommes chacun et chacune invités à nous laisser toucher par cette question de Jésus : « M’aimes-tu ? » Si je médite, si je prie cette question, qu’est-ce que ça fait résonner en moi ? Quelle sera ma réponse ? De même, si j’accueille dans mon cœur ces paroles de Jésus : « Suis-moi. » Qu’est-ce que ça signifie pour moi ? Concrètement ? Frère Roger a souvent médité ces paroles… Méditer ces paroles, c’est quelque chose que nous ne pouvons faire que quand nous sommes seuls avec Dieu…

           Par sa question « M’aimes-tu ? » Jésus nous montre que notre vocation, c’est avant tout d’aimer. Aimer Dieu d’abord. Mais on ne peut aimer Dieu sans d’abord accepter son amour, lui ouvrir notre cœur. Et c’est cet amour de Dieu pour nous qui nous transforme et nous rend capables d’aimer à notre tour. Et ce n’est pas quelque chose qui se passe en un jour. C’est un processus qui n’est jamais fini, qui dure toute la vie. Petit à petit, l’amour de Dieu, son Esprit d’amour nous travaille, nous transforme. Et nous permet d’aimer Dieu à notre tour, c’est-à-dire Lui faire confiance, Lui faire de la place dans notre vie, Lui donner notre cœur. Mais aimer Dieu, c’est aussi accomplir sa volonté, obéir à ses commandements. Lors du dernier repas, Jésus dit à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous obéirez à mes commandements. » Et après leur avoir lavé les pieds, il dit à ses amis : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, alors tous sauront que vous êtes mes disciples. »

            Notre vocation est donc d’aimer Dieu et de nous aimer les uns les autres. De nous aimer d’un amour qui pardonne, d’un amour qui veut le bien de l’autre, d’un amour qui se donne. Le don de soi, c’est ce qui peut donner sens à la vie, et qui peut nous rendre heureux. Beaucoup de chrétiens sont arrivés à cette conclusion.  Comme le dit Frère Roger : « Le bonheur consiste dans l’humble don de soi. » Sans oublier que le don de soi peut aussi être un témoignage. À Pierre, Jésus demande : « Sois le berger de mes brebis. » Jésus fait confiance à Pierre, il n’hésite pas à lui confier celles et ceux qu’il aime. De même, Jésus nous fait confiance. Nous aussi, chacun d’entre nous, à notre modeste niveau, nous sommes invités à prendre soin des personnes autour de nous. À être attentifs à leurs besoins, y compris spirituels. Nous sommes appelés à témoigner de notre foi et de notre espérance, en toute simplicité. Témoigner de l’amour de Dieu et de sa bonté. En témoigner par nos paroles (ce qui peut être difficile) et par nos actes. Toujours avec bienveillance, sans juger les autres. 

            Réaliser que Jésus nous fait confiance pour être ses témoins, ça peut être intimidant. On peut avoir l’impression de ne pas être à la hauteur. Et c’est tout à fait normal. Je dirais même que ce serait un certain manque d’humilité de ne pas avoir cette impression de ne pas être à la hauteur. Mais n’oublions pas que nous ne sommes jamais seuls. Quand Dieu nous demande quelque chose, il nous offre en même temps son aide pour l’accomplir. Quand Jésus nous demande « M’aimes-tu ? », il nous donne d’abord son amour, qui dépasse tout ce que l’on peut imaginer. Et quand il nous dit « Suis-moi ! », il nous donne en même temps son Esprit qui nous guide et nous encourage. Et nous pouvons tous dire avec frère Roger : « Ma foi est petite, mais l’Esprit saint est là, il me soutiendra jusqu’au bout. Il me permettra de vivre une belle et vaste aventure de la confiance en Dieu. » Amen