Vos lieux de culte

« Ce que vous êtes, nous l’avons été, nous aussi. Ce que nous sommes, vous le serez, vous aussi. »

Cette inscription se trouve à l’entrée de nombreux cimetières de Bohème et de Moravie. Elle est étonnante. Puisque ceux qui nous interpellent, ce sont ceux qui reposent ici, c’est-à-dire les morts.

Habituellement, nous les imaginons plutôt muets. Les traits effacés. Sans consistance. Et les voilà qui parlent. Et ils nous disent que nous sommes bien plus proches que nous l’imaginons.

Eux aussi ont vécu sur cette terre. Et au moment où elle se déroulait, leur vie avait la même densité que la nôtre maintenant. Leurs soucis, leurs joies étaient du même tonneau que ceux que nous éprouvons.

Maintenant, ils ne sont plus. Mais cela n’est pas un fossé. Car un jour, nous aussi, nous ne serons plus. Et la vie continuera sur terre. Sans que notre absence ne soit remarquée. Tout comme nous ne prenons pas garde à celle de ceux qui s’en sont allés.

Ce que l’inscription me révèle, c’est que le cimetière me concerne, même lorsque je n’y ai pas « mes » morts. Il est comme un miroir qui me rappelle le cadre dans lequel ma vie prend place.

Je ne suis pas le premier à fouler cette terre, à connaître la joie et la peine. Des hommes et des femmes ont déjà pleuré des proches et tremblé face aux incertitudes de l’avenir. Et par-delà les siècles qui nous séparent, nous sommes frères et sœurs, ô combien !

Et tout comme ils m’ont précédé sur cette terre, ils me précèdent dans l’étape qui suit. Car il est illusoire de se croire éternel. Quelques décennies, et il faudra laisser la place à d’autres. Qui feront leur chemin, sans forcément reprendre les choses là où je les ai laissées.

Bien sûr, on aimerait laisser une trace indélébile derrière soi. Les morts nous le rappellent : ce qui reste, ce ne sont pas des idées brillantes ou l’éclat d’une belle carrière, mais les vibrations d’un cœur qui a aimé. Alors pourquoi accrocher sa vie à ce que le temps finira par engloutir ? L’important, c’est ce qui est et restera toujours vivant. Ce qui est éternel.

 

Jean-Nicolas Fell

pasteur de l’EERV à Yverdon-Les-Bains