Vos lieux de culte

"Avant tout ne pas nuire." Ce principe rappelle aux médecins que le patient n’est ni un cobaye, ni une occasion de briller. Parfois, il faut savoir renoncer pour ne pas rajouter de la souffrance à la souffrance. Juste du bon sens.

Oui, prendre en compte la réalité, plutôt que de chercher à lui imposer nos vues. Car, souvent, elle résiste à notre génialité. Et dans ces cas, on est tenté de forcer. Et cela casse. Cela blesse. Avec parfois des dégâts irréparables.

Combien de vies brisées par des parents demandant à leurs enfants de correspondre à leurs rêves ? Combien de pays brutalisés et ravagés au nom de lendemains qui chantent ?

« On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs », diront certains. Le risque fait partie de la vie. Sinon on fait du surplace. On stagne. On régresse.

Seulement, voilà, il y a risque et risque. Le médecin n’est jamais sûr à 100% du traitement qu’il propose. Mais l’enjeu est ailleurs : non pas dans le succès de son intervention, mais dans la santé et le bien-être de la personne qu’il soigne.

La figure de l’ingénieur qui dicte à la matière sa volonté est devenu le modèle dominant dans notre société. On demande aux gens d’entrer dans des schémas, de correspondre à des profils. Un matériau à formater. Des flux à gérer.

Une autre image nous est parvenue à travers les siècles : celle du bon berger qui fait paître ses brebis, cherche celle qui est perdue, ramène l’égarée, panse la blessée et fortifie la malade. La personne réelle plutôt que le projet abstrait.

Prendre en compte les forces et les faiblesses de chacun. Son potentiel et ses limites. Ses fragilités. Permettre à une richesse de s’exprimer. Et en même temps ne pas imposer un remède de cheval à celui qui ne le supportera pas. Être attentif et ne pas forcer. De la précision. De la délicatesse. De l’adéquation.

Le Christ Jésus s’est présenté comme celui qui ne casse pas le roseau abîmé et n’éteint pas la flamme qui faiblit. Il est bon de se savoir l’objet d’une telle prévenance. Et aussi de se mettre soi-même à cette école.

 

Jean-Nicolas Fell, pasteur de l’EERV à Yverdon-Les-Bains