Vous avez peut-être vécu la situation : un collègue ou un ami qui répète sans cesse qu’il est heureux, à tel point que l’on ressent comme un malaise. S’il nageait vraiment dans le bonheur, il ne se sentirait pas obligé de le dire partout ! N’essaie-t-il pas de se persuader de quelque chose qu’il ne vit pas vraiment ?
Les mots qui reviennent trop souvent sont comme des incantations par lesquelles on essaie de donner réalité à ce qui n’en a pas ou à ce qui n’en a plus. Un substitut. Un leurre.
Les gens vraiment tolérants n’ont pas besoin de parler de tolérance. Ils la vivent simplement. Et si, il y a mille ans, on ne parlait ni de biotopes ni de biodiversité, c’est parce que c’était la réalité dans laquelle on était plongé au quotidien. Une évidence.
Les grands mystiques, ceux qui ont eu une expérience forte de la présence de Dieu, sont pleins de retenue. Les mots semblent si dérisoire par rapport à ce qu’ils ont vécu. Thomas d’Aquin dit ainsi à la fin de sa vie : « Tout ce que j’ai écrit et enseigné me semble un brin de paille auprès de ce que j’ai vu et de ce qui m’a été dévoilé. »
On croit que c’est l’éloquence qui manque aux Églises. Aussi s’entourent-elles de spécialistes en communication et en relations publiques. Je crois que l’important, c’est plutôt cette expérience dont la densité relève d’une présence, et qui ne se laisse pas enfermer dans des phrases.
Jésus lui-même nous a invités à ne pas nous perdre dans les mots : « Ce n’est pas en me disant : « Seigneur, Seigneur ! » qu’on entrera dans le royaume des Cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux ». Autrement dit : ne pas parler de Dieu, mais vivre avec Lui. Vivre en Lui.
Jean-Nicolas Fell, pasteur de l’EERV à Yverdon