Jésus lui répondit :
« Si quelqu'un m'aime, il observera ma parole, et mon Père l'aimera ;
nous viendrons à lui et nous établirons chez lui notre demeure.
Celui qui ne m'aime pas n'observe pas mes paroles ;
or, cette parole que vous entendez, elle n'est pas de moi mais du Père qui m'a envoyé.
Je vous ai dit ces choses tandis que je demeurais auprès de vous ;
le Paraclet, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses
et vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit.
Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix.
Ce n'est pas à la manière du monde que je vous la donne.
Que votre cœur cesse de se troubler et de craindre.
Vous l'avez entendu, je vous ai dit : “Je m'en vais et je viens à vous.”
Si vous m'aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père,
car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai parlé dès maintenant, avant l'événement,
afin que, lorsqu'il arrivera, vous croyiez. »
Évangile selon Jean 14, 23-29
« Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. »
Frères et sœurs,
nous aimerions que la paix soit ici
sur cette terre et dans nos vies :
qu’il n’y ait plus de guerres,
plus de tensions,
plus de conflits,
et aussi plus de stress.
Que l’on puisse enfin souffler,
sans avoir à s’inquiéter de la situation mondiale
et du lendemain.
Nous aspirons tous à la paix.
Et pourtant, elle n’est pas là.
Elle semble même s’éloigner toujours plus.
L’Ukraine, Gaza : qui peut dire quand cela va s’arrêter ?
Seuls les très optimistes, pour ne pas dire les naïfs,
pensent que cela peut se terminer cette année encore.
Quant à l’état de la planète,
avec le réchauffement climatique,
et aussi la perte de biodiversité, l’épuisement des sols,
la pollution de l’eau par les microplastiques,
le seul espoir qui est nourri
est de ralentir quelque peu cette dégradation
et de trouver des aménagements
pour que cela n’impacte pas trop notre existence.
La paix ?
On en est loin.
Très loin.
Tout le monde est sous pression.
Les troubles psychiatriques montent en flèche.
Ainsi que la consommation d’anxiolytiques.
Même l’Église a de la peine à annoncer une Bonne Nouvelle,
et ne cesse de ressasser sa perte d’influence
et les effectifs qui s’effondrent,
sans oublier le soutien financier de l’État
qui semble toujours plus fragile.
« Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. »
Mais où est-elle, cette paix ?
On a beau chercher, on ne la voit nulle part.
Partout ce n’est que catastrophes et agitation.
Impossible de se poser.
Impossible de se laisser aller.
La liste des problèmes à résoudre ne cesse de s’allonger
malgré nos efforts.
Pas de temps pour se poser,
pour se laisser aller.
La seule paix qui semble accessible,
c’est celle dont nous jouirons
une fois que notre cœur aura cessé de battre.
« Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix ;
je ne vous la donne pas comme le monde la donne. »
Cette précision de Jésus,
on la comprend souvent de travers.
« Puisque cela vient de Jésus, du Fils de Dieu,
eh bien, cela doit être mille fois mieux
que ce qui vient du monde.
Une paix absolue.
La disparition de tous les problèmes,
sans plus aucun qui ne fasse son apparition.
Un repos parfait,
sans plus toutes ces pensées qui tournent dans la tête.
On pourra souffler librement,
sans plus le moindre poids sur la poitrine. »
Oui, la paix qui vient de Jésus
comme une paix XXL qui dépasse tout ce qu’on nous a promis
et aussi tout ce qui pourrions imaginer.
Le bonheur.
La légèreté.
Un ciel sans nuage.
Comme dans les images synthétiques
des promoteurs immobiliers.
« Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. »
Et si c’était autrement ?
Non pas juste une question d’intensité.
Mais en fait tout autre chose.
Avec aussi un tout autre chemin.
Non pas la disparition de tout
ce qui empêche de vivre la paix.
Mais quelque chose qui vient s’ajouter, se superposer.
Et ainsi, tout ce qui nous trouble, perd,
non pas de sa gravité, mais de sa virulence, de son mordant.
Cela ne fait plus souffrir, même si cela reste toujours là.
Il ne s’agit pas d’être à l’abri : protégé, préservé des problèmes.
La paix, c’est tout autrement qu’il faut la comprendre.
Non pas l’immobilité.
Mais la marque d’un élan.
Eh oui, sortir de nos idées préconçues.
Et découvrir autre chose :
rien à voir avec ce que le monde donne !
Rendez-vous simplement compte :
cette parole de Jésus est prononcée
lors du dernier repas qu’il prend avec ses disciples
avant son arrestation et sa crucifixion.
« Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. »
Et juste après la tempête de la Passion,
la brutalité des soldats,
cette foule qui réclame la mort,
le corps sans vie de Jésus qui pend à la croix.
L’Évangile nous dit que les disciples ont tellement peur
qu’ils se barricadent dans une pièce fermée à clé.
Et les Actes des apôtres nous montrent bien que,
dès le début, l’Église s’est heurtée à des persécutions.
Alors, « je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix »,
c’est une blague ?
Elle est où, cette paix ?
Nous ne la voyons pas.
Peut-être tout simplement
parce que nous ne cherchons pas la bonne chose.
Nous voyons souvent la paix comme une absence :
absence de problèmes,
absence de bruit,
absence de soucis.
Jésus, lui, parle d’une paix qui est une présence.
Une densité.
Un tonus.
Il n’y a pas quelque chose en moins.
Il y a quelque chose en plus.
Quelque chose de si fort
que tout le reste paraît des broutilles.
Même les clous dans les mains et les pieds.
Même la mort.
« Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix. »
Jésus nous invite à vivre la paix, sa paix, là où elle se trouve,
et non pas là où nous pensons qu’elle devrait se trouver.
Si l’on cherche à tout prix à fuir les désagréments,
la vie entière deviendra un enfer,
et un robinet qui fuit sera une vraie torture.
Jésus invite ses disciples à ne pas fuir la Passion et la croix,
mais, comme lui, à s’y plonger.
Il l’a d’ailleurs bien dit :
« Personne ne m’ôte [la vie], mais je la donne de moi-même. »
Pour Jésus, sa Passion n’est pas un problème.
C’est un geste d’amour de sa part, et rien d’autre.
Et c’est pourquoi il la vit dans la paix.
C’est cette même paix qu’il nous offre :
donner, se donner à son image,
sans se soucier de comment cela sera reçu.
Être tout d’un bloc,
tout d’un seul mouvement de confiance et de générosité.
Sans plus de tiraillements, d’hésitations, de tergiversations.
La paix comme l’élan de la foi, de l’espérance et de l’amour
que plus rien ne retient.
Qui se déploie sans rien qui l’arrête.
Le livre de l’Apocalypse le dit bien :
la Jérusalem nouvelle n’a pas de temple
qui servirait de forteresse où l’on va se réfugier
quand les soucis de la vie deviennent trop grands.
Son temple où l’on peut trouver la paix,
c’est ce Dieu qui est amour
et qui nous entraîne sur ses chemins.
Non pas une protection.
Mais une force intérieure.
Une ardeur.
Une générosité.
Une joie.
Le Christ dit :
« Que votre cœur ne se trouble pas et qu’il ne craigne point. »
Non pas parce que toutes les raisons
de se troubler et de craindre
auraient disparu.
Mais parce qu’il y a quelque chose de plus important
et de plus fort qui habite notre cœur :
ce chemin sur lequel nous avançons à la suite du Christ.
Oui, aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme,
de toute notre pensée et de toute notre force,
et aimer notre prochain comme nous-même.
Ou pour le dire autrement,
chercher le Royaume et la Justice de Dieu.
Tout le reste nous sera alors donné en plus.
Tout le reste, et donc aussi la paix.
Amen