Vos lieux de culte

Qui de vous,

ayant un serviteur employé à labourer ou à faire paître les troupeaux,

lui dira, à son retour des champs :

« Viens tout de suite te mettre à table » ?

Ne lui dira-t-il pas au contraire :

« Prépare-moi à souper,

ceins-toi pour me servir, jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ;

et, après cela, tu mangeras et tu boiras » ?

Saura-t-il gré à ce serviteur

d’avoir fait ce qui lui était commandé ?

Vous aussi de même,

quand vous aurez fait tout ce qui vous est commandé,

dites :

« Nous sommes des serviteurs sans mérite.

Ce que nous avons fait, nous devions le faire. »

 

Évangile selon Luc 17, 7-10

 

Frères et sœurs,

il est une figure des Églises romandes

dont j’ai beaucoup entendu parler,

mais que je n’ai jamais vu.

C’est le petit africain des missions

- à l’époque on utilisait un autre mot ! -

qui s’inclinait pour remercier

quand on y mettait une pièce.

 

Toute une époque !

L’Afrique sous-développée

à laquelle l’Europe apportait généreusement son aide,

et qui ne pouvait qu’être infiniment reconnaissante

pour cette sollicitude

sans laquelle elle était condamnée à la misère.

 

Il eut été bien sûr possible

d’utiliser d’autres types de tirelires ou de crousilles,

plus statiques.

Mais justement,

ce qui marquait les enfants de l’école du dimanche,

c’était cette petite révérence :

mon don est accueilli comme quelque chose de précieux ;

je suis reconnu et valorisé

comme quelqu’un de généreux et d’utile :

un bienfaiteur.

 

Jésus, Lui, nous dit :

« Quand vous aurez fait

tout ce qui vous est commandé,

dites :

« Nous sommes des serviteurs sans mérite.

Ce que nous avons fait,

nous devions le faire. »

 

Et il faut le reconnaître,

ce ne sont pas des mots

qui font très plaisir.

 

Notre don, notre engagement,

ce n’est tout de même pas rien !

Alors quoi de plus normal

que d’attendre des remerciements,

un minimum de reconnaissance ?

 

D’ailleurs, à l’heure actuelle,

c’est comme ça que ça se passe partout.

Un supérieur doit remercier ses subordonnés

chaque fois qu’il le peut.

« Vous traiter de serviteurs ? Impossible !

Cette entreprise, c’est vous.

Votre mérite est infini.

Sans vous, nous n’aurions rien pu faire.

Sans vous, moi-même je ne serais rien.

Cela n’empêche pas des différences de rémunération.

Mais, se sentir reconnu,

c’est tout aussi important, non ? »

 

Jésus, lui, semble dire :

« Des félicitations ?

Des remerciements ?

Et puis quoi encore ?

Que vous fassiez consciencieusement votre travail,

c’est la moindre des choses.

C’est pour ça que vous avez été engagés.

Alors arrêtez de râler !

Et au boulot ! »

 

Le petit africain était plus poli, avec sa courbette.

C’était quand même plus gratifiant !

 

Mais posons-nous la question :

« Et si les apparences étaient trompeuses ? »

 

On imagine souvent Jésus les sourcils froncés,

le doigt accusateur,

en train de faire la morale à ses auditeurs.

Donnant des ordres aux uns,

et remontant les bretelles aux autres.

 

Mais peut-être nous faisons-nous des idées.

Eh oui, peut-être que des fois,

Jésus avait comme un sourire en coin,

quand il disait ces paroles

qui nous hérissent.

 

Imaginez les disciples qui reviennent vers Jésus

tout fiers de ce qu’ils ont accompli en Son nom.

Ils attendent des félicitations,

Ils espèrent peut-être même une médaille :

« Oh oui, c’est bien ! Brave toutou ! »

 

Et Jésus leur dit :

« C’est comme ça que ça va dans la vie :

le serviteur s’échine au travail,

et le patron lui crie dessus,

et il lui rajoute du boulot ! »

 

Mortifiés, les disciples !

« Eh, mais ça ne va pas, ça !

Nous ne sommes pas des serviteurs sans mérite.

Nous sommes des serviteurs qui ont beaucoup de mérite.

Et nous exigeons que cela soit reconnu ! »

C’est certainement ce qu’ils brûlaient de répliquer à Jésus.

Mais ont-ils osé le faire ? Nous le savons pas.

 

Mais peut-être Jésus leur a-t-il alors rappelé

cette histoire qu’il avait racontée quelque temps auparavant.

Ce fils qui rentre à la maison et qui veut dire à son père :

« Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ;

je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ;

traite-moi comme l’un de tes ouvriers. »

Et le père qui répond juste par un cri de joie :

« Mon fils, que voici, était mort, et il est revenu à la vie ;

il était perdu, et il est retrouvé. »

 

Alors, oui, si vous voulez être des serviteurs,

vous ne devez surtout pas oublier de dire :

« Nous sommes des serviteurs sans mérite. »

 

Mais on peut aussi voir les choses autrement.

Ouvrez vos cœurs !

Ouvrez vos yeux !

Dieu n’est pas un patron, c’est un Père !

Et vous n’êtes pas des serviteurs,

vous êtes des fils et des filles.

Une tout autre relation.

 

Dans les catéchismes de la Réforme,

la partie sur la morale était intitulée :

« De la reconnaissance ».

Non pas accumuler les mérites

pour obtenir une récompense.

Mais nous réjouir de ce qui nous a déjà été donné

et faire de notre vie un reflet de cette générosité

qui nous porte.

 

L’apôtre Jacques nous invite ainsi

à mettre notre foi en œuvre :

en d’autres mots, à ne pas en rester

à de belles paroles, à de belles idées,

mais à vivre vraiment ce que nous disons.

Oui, vivre vraiment chaque instant, chaque jour

en enfant de Dieu,

avec Dieu comme Père,

et aussi avec des millions, des milliards

de frères et de sœurs sur les cinq continents.

 

Le petit africain avec sa courbette

relevait d’une autre vision du monde.

Le serviteur de serviteurs.

Et qui avait ce mérite

de reconnaître

les mérites de ces serviteurs à leur juste valeur.

 

C’est dans un autre esprit

que nous nous engageons dans le projet

avec le Bénin.

Non pas les riches Européens et les pauvres Africains.

Mais des frères et des sœurs,

tous enfants du même Père,

et qui vivent des dons qu’ils reçoivent de Lui,

dans la reconnaissance,

qui implique aussi le partage.

 

Nous avons reçu.

Et non seulement nous avons reçu,

mais nous recevons toujours.

Nous sommes constamment bénis

par la main de Dieu.

Nous sommes à chaque instant

dans la main de notre Père.

Et c’est pour cela

que nous pouvons donner à d’autres aussi.

Partager la bénédiction de notre Père

avec ceux qui sont aussi Ses enfants.

Avec ceux qui sont nos frères et nos sœurs.

 

Aucun mérite à cela,

puisque tout ce que nous avons,

nous l’avons reçu de plus loin,

et nous pouvons le passer aussi plus loin.

Oui, tout vient de Lui,

qui porte notre vie à tous,

ici en Europe,

et aussi là-bas en Afrique.

 

Alors à Lui

nos prières et nos louanges,

maintenant et toujours.

 

Amen

 

Pasteur Jean-Nicolas Fell