Vos lieux de culte

"Frères et sœurs chrétiens,

soyez patients,

le Seigneur vient !

 

Regardez le cultivateur.

Il attend avec patience les belles récoltes de la terre,

depuis les premières jusqu'aux dernières.

 

Vous aussi, soyez patients !

Courage, le Seigneur vient bientôt !

 

Frères et sœurs,

ne vous plaignez pas des autres, pour que Dieu ne vous juge pas.

Voici le juge, il est à votre porte !

 

Frères et sœurs,

les prophètes, qui ont parlé au nom du Seigneur,

ont souffert avec patience.

Prenez-les comme exemples."

 

Lettre de Jacques, chapitre 5, versets 7 à 10

 

Frères et sœurs,

« soyez patients ! », dit l'apôtre.

 

Ceux qui ont fait du latin

se rappellent certainement

que, le patient, c’est celui qui souffre.

 

Alors, « Soyez patients ! »,

ça a une petite connotation pas très agréable :

« Allez : serrez les dents ! »,

« Prenez votre mal en patience ! »,

« Faites contre mauvaise fortune bon cœur ! »,

« Ne vous énervez pas, mais prenez sur vous ! »

 

La patience comme une endurance :

mobiliser toutes ses forces ;

s’accrocher ;

tenir bon ;

ne surtout pas s’effondrer.

 

Un test.

Une épreuve.

Une pression qu’il faut supporter.

En attendant de pouvoir se relâcher.

De pouvoir souffler.

 

D’ailleurs l’apôtre le dit bien :

« Soyez patients, le Seigneur vient ! »

 

Depuis que ces mots ont été écrits,

près de deux mille ans ont passé.

Impossible de ne pas y penser.

 

« Le Seigneur vient ! »

D’accord !

Mais combien de siècles,

combien de millénaires,

faudra-t-il encore attendre ?

La patience a des limites, dit-on.

Pourquoi notre patience, elle,

devrait-elle être illimitée ?

Est-ce seulement possible ?

On peut tendre ses forces un moment.

S’accrocher un certain temps.

Mais après, c’est naturel :

on lâche.

« Bientôt », cela semble tellement loin !

Il faudrait une date précise.

Sinon, ce sont juste des paroles en l’air

pour nous endormir.

Pour nous empêcher d’aller voir ailleurs.

 

Mais l’apôtre ouvre comme une fenêtre :

« Regardez le cultivateur.

Il attend avec patience

les belles récoltes de la terre. »

 

Elles sont troublantes, ces paroles.

On se voyait naufragé sur une île déserte,

ou accroché à un radeau de fortune.

On se voyait bloqué en montagne

par une tempête de neige.

Ou égaré dans un milieu hostile.

À guetter le secours qui seul pourrait nous sauver.

 

Et voilà que l’on nous montre un paysan qui a semé

et qui attend tout simplement que cela pousse.

 

Une tout autre image.

Une tout autre atmosphère.

Un tout autre état d’esprit.

 

La patience, non pas comme une tension,

mais comme une sérénité.

Des années d’expérience sont là,

sur lesquelles il est possible de s’appuyer

et qui changent la perspective.

 

Le paysan n’a plus cette fébrilité de l’enfant

qui a mis quelques graines dans de la terre

et qui va regarder toutes les cinq minutes

si elles n’ont pas poussé.

Non, il a passé ce cap.

Il connaît les lois de la nature.

Il les côtoie depuis si longtemps !

Il sait que, quand on a mis quelque chose dans la terre,

cela va pousser.

Et il sait aussi que cela prend un certain temps.

 

Pas de nervosité donc :

récolte il y aura ;

c’est une certitude.

Il faut juste attendre.

Et ne pas se monter le bourrichon

en imaginant toutes les catastrophes

qui pourrait empêcher la nature

de suivre son cours.

 

Oui, l’assurance de la récolte.

Et non pas juste son éventualité.

C’est cela la clé de la patience du paysan.

Il ne se dit pas :

« Ce serait bien, si quelque chose poussait

des graines que j’ai semées. »

Il se dit :

« J’ai semé,

et donc quelque chose va pousser. »

 

Vous le savez certainement :

le symbole de l’espérance,

c’est l’ancre.

L’ancre d’un bateau.

Ce crochet qui s’agrippe au fond,

et qui empêche le navire

d’être emporté par les flots.

 

Eh oui, s’accrocher à quelque chose de solide,

c’est cela, l’espérance.

Il ne s’agit pas de fuir le présent

en partant dans des rêveries : « Ce serait tellement bien si … ».

Il s’agit au contraire

de prendre les promesses de Dieu au sérieux,

et même de les prendre pour argent comptant.

De les prendre pour quelque chose d’absolument sûr et certain,

et regarder à cette lumière les difficultés du présent.

Découvrir que ce ne sont en fait que des péripéties

sans lendemain.

 

« Soyez patients ! »

En d’autres mots :

« Ayez les deux pieds bien enracinés

dans ce en quoi vous croyez ! »

« Soyez solides ! »

« Soyez stables ! »

« Ce en quoi nous espérons,

c’est ce qui sera là pour l’éternité.

Tandis que ce que nous vivons maintenant,

cela passera ;

ce n’est qu’un état transitoire. »

 

Oui,

« Courage, le Seigneur vient bientôt ! »

 

Seulement, il ne faut pas en déduire

qu’Il serait loin maintenant.

Rappelez-vous l’image du cultivateur et de la récolte.

La récolte n’est pas un produit « made in China ».

Elle n’est pas en train d’être préparée dans une autre galaxie

à quelques millions d’années-lumière de la nôtre.

Et quand elle sera prête, on nous la livrera,

on l’acheminera jusqu’à nous.

 

Non, la récolte est déjà là aux pieds du cultivateur.

Elle pousse dans la terre, active, vivante.

Même si, pour le moment, on ne voit rien.

 

Le paysan, lui, sait ce qui est en train de se passer sous la terre.

Il sait que cela vibre,

que cela se développe.

Que tout n’est pas à l’arrêt, comme on pourrait le penser.

Mais qu’au contraire tout travaille pour lui.

Que tout concourt à son bien.

 

Il est bien sûr plus pathétique

de s’imaginer encerclé par les Indiens,

attendant désespérément l’arrivée de la cavalerie.

 

La Bible, elle, utilise souvent, pour le salut,

des images tirées du monde végétal.

Le Royaume de Dieu

comme cette graine plantée dans la terre,

qui pousse sans que l’on ne fasse rien pour.

Ou bien ces fleurs qui s’épanouissent dans le désert

et qui le transforment en une prairie luxuriante.

 

Le salut n’est pas encore à venir :

il est déjà là !

À l’œuvre.

Vivant.

Le Sauveur est déjà là

parmi nous et aussi en nous.

À l’œuvre dans ce monde.

Vivant dans notre cœur,

et partout où l’on ne fait pas obstacle à Son Esprit.

 

Ce n’est pas une rupture que nous attendons,

mais une maturité,

un accomplissement,

un achèvement.

Le blé qui perce la terre et qui lève pour la moisson.

 

L’image utilisée par l’apôtre le dit bien :

le grain a déjà été semé,

et il pousse dans la terre.

Non pas inerte,

mais bien vivant.

 

Alors, « frères et sœurs chrétiens,

soyez patients,

le Seigneur vient ! »

 

Oui, soyons patients,

soyons sereins.

Le Royaume de Dieu est déjà là, latent, dans ce monde.

Comme en filigrane de notre réalité, de notre vie.

Et il est déjà à l’œuvre.

Il travaille.

Il pousse.

Il grandit.

 

Une force est là qui va tout changer.

Une force qui nous porte

et sur laquelle nous pouvons nous appuyer.

Sur laquelle nous pouvons compter.

 

La patience,

non pas comme une anxiété,

mais comme l’assurance de celui qui sait

que toute chose viendra en son temps.

 

Alors, oui,

« soyez forts ! »

Et surtout : « N’ayez pas peur ! »

« Voici votre Dieu […]

Il vient Lui-même vous sauver. »

 

Non, nous ne sommes pas oubliés.

Nous ne sommes pas perdus.

Nous sommes soutenus.

 

Amen

 

Pasteur Jean-Nicolas Fell