Vos lieux de culte

La naissance de son petit frère fut un grand choc pour notre fille. Elle se mit à prendre une vingtaine de petites peluches avec elle à l’école. Et avant chaque repas, elle les sortait de son sac pour les aligner sur la table. Geste qu’elle répétait le soir dans son lit avant de se coucher.

Quand les écoles ont fermé au moment du premier confinement, c’est au dessin qu’elle s’est raccrochée, reproduisant des dizaines de fois la même image.

Eh oui, quand on se sent perdre pied, quand on est pris dans quelque chose sur quoi l’on n’a pas la moindre influence, il est important de reprendre l’initiative et de s’activer d’une façon ou d’une autre. Ne pas n’être qu’un fétu de paille ou une victime, mais avoir prise sur quelque chose. Redevenir maître de sa vie.

Les médias en ligne nous abreuvent en continu de nouvelles angoissantes face auxquelles nous sommes totalement impuissants. On ne cesse de nous annoncer des catastrophes aux niveaux politiques, économiques, écologiques. Et tous les gestes que l’on pourrait faire semblent terriblement dérisoires, pour ne pas dire inutiles.

Aligner des peluches ou multiplier les dessins, a priori ce n’est pas ça qui va sauver la planète. Et pourtant, c’est un début, peut-être plus prometteur qu’on le pense. Car, si je n’ai pas prise sur la situation géopolitique mondiale, j’ai quand même prise sur quelque chose. Et ce n’est pas rien. Cela peut même avoir une grande portée : ce fameux battement d’ailes de papillon qui déclenche une tornade à l’autre bout du monde.

Dans un monde chaotique, vingt peluches bien alignées, c’est déjà un embryon d’ordre. Dans notre société marquée par le stress, un sourire empreint de sérénité, c’est une ouverture. À vouloir tout comprendre, à vouloir tout résoudre, on se condamne souvent à la paralysie. À œuvrer à son échelle, on retrouve prise sur la vie. Et c’est ainsi que l’on peut changer le monde. On le dit bien : les petits ruisseaux font les grandes rivières.

 

Pasteur Jean-Nicolas Fell